Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1605

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (460934) datée du 15 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 août 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1275

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] K. M. est le prestataire dans cette affaire. Il a travaillé comme préposé aux chariots à fournitures dans un hôpital. Son employeur l’a mis en congé sans solde le 15 octobre 2022 parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 2. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a estimé que le prestataire n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droitsNote de bas de page 5. Son employeur a également rejeté à tort sa demande d’exemption religieuse.

Questions que je dois examiner en premier

L’audience s’est plutôt déroulée par téléconférence

[6] L’audience devait se dérouler par vidéoconférenceNote de bas de page 6. À l’audience, le prestataire a plutôt demandé de procéder par téléconférence.

Le prestataire avait un deuxième employeur qui ne fait pas partie du dossier

[7] À l’audience, le prestataire a expliqué qu’il travaillait à temps partiel pour deux hôpitaux (employeur 1 et employeur 2).

[8] Dans cette affaire, l’employeur 1 a mis le prestataire en congé sans solde obligatoireNote de bas de page 7. Toutefois, le prestataire a expliqué qu’à peu près à la même époque, il travaillait également pour l’employeur 2 et qu’il avait été congédié peu de temps après pour la même raison (non-respect de la politique de vaccination).

[9] Le prestataire a déclaré qu’un agent de Service Canada lui avait dit que seul l’employeur 1 faisait partie du dossier. Toutefois, il n’y a aucune trace de cette discussion au dossier. De plus, il n’y a pas d’autres documents ou discussions avec la Commission au sujet de l’employeur 2. Je remarque que la décision de révision au dossier ne mentionne que l’employeur 1Note de bas de page 8.

[10] Par conséquent, je conclus que la seule question en litige est l’emploi du prestataire chez l’employeur 1 et l’inconduite reprochée qui a entraîné un congé sans soldeNote de bas de page 9. Par conséquent, je ne rendrai aucune décision sur le congédiement du prestataire par l’employeur 2.

Question en litige

[11] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[12] Une partie prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[13] Une partie prestataire qui est suspendue de son emploi en raison d’une inconduite n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[14] Une partie prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[15] Pour décider si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. D’abord, je dois examiner pour quelle raison il a cessé de travailler. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[16] Je conclus que le prestataire a été mis en congé sans solde obligatoire à compter du 16 octobre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Cela concorde avec le témoignage du prestataire, son relevé d’emploi et ses discussions avec la CommissionNote de bas de page 13.

[17] À mon avis, le congé sans solde obligatoire du prestataire est semblable à une suspension. Il n’était pas volontaire. L’insigne de travail du prestataire a été désactivé et il n’a pas été autorisé à retourner au travail.

Quelle était la politique de l’employeur?

[18] L’employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19 à compter du 24 septembre 2021. Une copie de la politique figure au dossierNote de bas de page 14.

[19] L’objectif de la politique est de définir les exigences de vaccination dans le cadre d’une stratégie plus large de prévention et de contrôle de la COVID-19 visant à protéger les patients, les familles et le personnelNote de bas de page 15. Elle précise que l’hôpital doit se conformer à la directive no 6Note de bas de page 16.

[20] La politique exige que le personnel soit entièrement vacciné ou fournisse la preuve d’une exemption médicale ou d’une autre exemption en matière de droits de la personne prévue par le Code des droits de la personne de lOntarioNote de bas de page 17.

[21] Dans un courriel, l’employeur a écrit que les employés devaient recevoir leur première dose de Moderna au plus tard le 17 septembre 2021 ou leur première dose de Pfizer au plus tard le 24 septembre 2021Note de bas de page 18.

[22] L’employeur a ensuite envoyé plusieurs courriels aux employés pour leur indiquer la date à laquelle ils devaient être entièrement vaccinés, soit le 15 octobre 2021Note de bas de page 19.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[23] L’employeur a dit à la Commission que la politique avait d’abord été communiquée au personnel le 19 août 2021, après l’entrée en vigueur de la directive no 6. C’est dans ce courriel que l’employeur a annoncé pour la première fois l’obligation de se faire vacciner pour tout le personnelNote de bas de page 20. Cependant, les courriels précédents recommandaient la vaccination au personnel non vaccinéNote de bas de page 21.

[24] Le prestataire a déclaré que l’employeur lui avait communiqué la politique au cours du mois de septembre 2021. Il se souvient avoir reçu des courriels du directeur général à son adresse courriel professionnelle. Cela concorde également avec sa discussion précédente avec la CommissionNote de bas de page 22.

[25] Je juge qu’il est plus probable qu’improbable que la politique a été communiquée au prestataire par courriel le 19 août 2021, comme l’a déclaré l’employeur. J’ai préféré les éléments de preuve tirés de la discussion de l’employeur avec la Commission parce qu’ils étaient détaillés et appuyés par des copies des courriels envoyés au personnelNote de bas de page 23.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[26] La politique prévoit que les employés qui ne respectent pas les exigences de vaccination à compter du 15 octobre 2021 seront mis en congé sans soldeNote de bas de page 24.

[27] De plus, l’employeur a écrit dans un courriel aux employés que s’ils ne recevaient pas leur première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 24 septembre 2021, ils seraient mis en congé sans solde à compter du 16 octobre 2021Note de bas de page 25. Plusieurs autres courriels de l’employeur rappellent au personnel les dates limites et les conséquences du non-respect de la politiqueNote de bas de page 26.

[28] Le prestataire a déclaré qu’il savait qu’il serait mis en congé sans solde à compter du 16 octobre 2021 s’il ne respectait pas la politique.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[29] La politique prévoyait une exemption pour des raisons religieuses et d’autres exemptions fondées sur les droits de la personne, y compris la religion ou les croyances et d’autres motifs cités dans le Code des droits de la personne de lOntarioNote de bas de page 27.

[30] L’employeur a écrit dans un courriel que la date limite pour demander une exemption médicale ou une autre exemption liée aux droits de la personne était le 17 septembre 2021Note de bas de page 28. Toutefois, il a reconnu qu’il examinerait les demandes d’exemption présentées après la date limiteNote de bas de page 29.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il connaissait les exemptions disponibles et qu’il avait demandé une exemption pour raisons religieuses, mais qu’il ne se souvenait pas de la date exacte. Sa demande a été rejetée par l’employeur le 3 novembre 2021. Le prestataire a également fourni certains renseignements au sujet de sa demande d’exemption et la lettre de refus de son employeurNote de bas de page 30.

S’agit-il d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[32] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 31. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 32.

[33] Il n’est cependant pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 33.

[34] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédiéNote de bas de page 34.

[35] Il faut que la Commission prouve que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu ou a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 35.

[36] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[37] Premièrement, j’estime que la politique a été communiquée au prestataire et qu’il connaissait les dates limites pour s’y conformer. Le prestataire a également eu assez de temps pour s’y conformer.

[38] Plus précisément, la politique a été communiquée au prestataire par courriel le 19 août 2021. L’employeur lui a aussi envoyé régulièrement plusieurs autres communications à ce sujet. Il savait qu’il devait être entièrement vacciné au plus tard le 15 octobre 2021.

[39] Deuxièmement, je conclus que le prestataire a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Son refus était intentionnel parce qu’il n’était pas d’accord avec la politique.

[40] C’est un choix délibéré qu’il a fait. La Cour a déjà déclaré qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 36.

[41] Troisièmement, j’estime que le prestataire savait qu’il serait mis en congé sans solde obligatoire s’il ne respectait pas la politique.

[42] Le prestataire a convenu qu’il savait qu’il serait mis en congé à compter du 16 octobre 2021 s’il ne respectait pas la politique. Les conséquences lui ont été communiquées à plusieurs reprises par courriel.

[43] Quatrièmement, je juge que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique, que ce soit avant ou après avoir été mis en congé. Bien qu’il ait demandé une exemption pour raisons religieuses, celle-ci lui a été refusée par l’employeur. Il n’est pas clair quand il a fait sa demande, parce que la lettre de l’église qu’il a déposée n’était pas datée et le courriel de refus de l’employeur est daté du 3 novembre 2021Note de bas de page 37.

[44] Enfin, le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de l’employeur qui exigeait qu’il soit entièrement vacciné contre la COVID-19. Il a été informé de la politique et on lui a donné le temps de s’y conformer. Il a choisi de ne pas le faire pour des raisons personnelles. Cela a entraîné sa suspension et il connaissait les conséquences du non-respect de la politique.

[45] La Loi sur l’assurance-emploi a pour objet d’indemniser les personnes dont l’emploi a pris fin involontairement et qui sont sans emploi. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas de page 38. Dans la présente affaire, elle n’était pas involontaire parce que ce sont les actions du prestataire qui ont mené à sa suspension.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[46] Le prestataire a soulevé d’autres arguments et déposé des éléments de preuve pour appuyer sa position. En voici quelques-uns :

  1. a) La politique portait atteinte à ses droits.
  2. b) Son contrat de travail initial n’exigeait pas qu’il soit vacciné contre la COVID-19.
  3. c) L’employeur a rejeté à tort sa demande d’exemption religieuse.
  4. d) Il voulait protéger son corps de tout agent pouvant nuire à sa santé.
  5. e) Il aurait préféré être congédié plutôt que d’être mis en congé sans solde.
  6. f) L’employeur ne l’a jamais forcé à se faire vacciner contre la grippe, c’était facultatif.
  7. g) Il a vécu de ses économies.

[47] La Cour a déclaré que le Tribunal ne peut décider si une sanction ou un congédiement était justifié. Il doit plutôt évaluer si la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 39. J’ai déjà décidé que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi.

[48] Je reconnais les arguments supplémentaires du prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de me prononcer sur ceux-ci. Le recours du prestataire est d’entreprendre des démarches en cours ou devant tout autre tribunal qui peut examiner ses arguments.

[49] Je remarque que le prestataire a parlé à son syndicat et qu’il y a un grief collectif, mais il n’a pas encore entendu de mises à jour.

Conclusion

[50] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Cela a entraîné un résultat indésirable, soit un congé sans solde obligatoire.

[51] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Ainsi, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance‑emploi.

[52] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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