Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c TM, 2023 TSS 105

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Rachel Paquette
Partie intimée : T. M.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 4 octobre 2022 (GE-22-1411)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé 
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-770

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et son choix est irrévocable.

Aperçu

[2] En janvier 2022, l’intimé, T. M. (prestataire), a demandé 12 semaines de prestations parentales standards. Il a déclaré dans sa demande que son enfant était né le 17 février 2021.

[3] L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a cessé de lui verser des prestations parentales après quatre semaines. Elle a dit au prestataire qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations plus de 52 semaines après la naissance de son enfant.

[4] Le prestataire a demandé de passer aux prestations parentales prolongées, mais la Commission a refusé. Le prestataire a ensuite demandé une révision, et la Commission a maintenu sa décision.

[5] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal et a obtenu gain de cause. La division générale a décidé que le prestataire avait été induit en erreur par la Commission lorsqu’il a choisi les prestations parentales standards dans son formulaire de demande. Elle a conclu que son choix était invalide et qu’il pouvait choisir les prestations prolongées.

[6] La Commission fait maintenant appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de compétence, et qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[7] J’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et que ce choix était irrévocable.

Questions en litige

[8] Dans le présent appel, je me suis concentrée sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Dans l’affirmative, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?

Analyse

[9] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale aNote de bas de page 1 :

  • omis d’offrir une procédure équitable;
  • omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interprété ou appliqué la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[10] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Prestations parentales standards - le taux de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’une partie prestataire, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Prestations parentales prolongées - le taux des prestations est de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable d’une partie prestataire, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit choisir de recevoir des prestations parentales standards ou des prestations parentales prolongéesNote de bas de page 2. L’article 23(1.2) de la même loi prévoit que ce choix est irrévocable dès que des prestations parentales ont été versées.

[12] La période pendant laquelle des prestations parentales peuvent être versées est appelée la période de prestations parentales. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la naissance de l’enfantNote de bas de page 3. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Lorsqu’une partie prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées, la période est prolongée de 26 semainesNote de bas de page 4.

[13] Le prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards pendant 12 semaines. Cependant, comme il a présenté sa demande près d’un an après la naissance de son enfant, la Commission lui a seulement versé quatre semaines de prestations standards. La Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas verser de prestations en dehors de la période de prestations parentales.

[14] Dans sa décision, la division générale a conclu que le prestataire avait choisi les prestations parentales standards dans son formulaire de demande. Elle a également conclu que le choix du prestataire n’était pas valide parce que la Commission l’avait induit en erreur en ce qui concerne la période pendant laquelle il pouvait demander des prestations parentales standardsNote de bas de page 5.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi

[15] La division générale a accueilli l’appel du prestataire, en partie. Elle a conclu qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations parentales standards en dehors de la période de prestations parentales. Toutefois, elle a également conclu que le choix de prestations parentales standards du prestataire n’était pas valide, de sorte qu’il pouvait faire un nouveau choix. La division générale a conclu que le nouveau choix du prestataire était de recevoir des prestations parentales prolongéesNote de bas de page 6.

[16] Dans sa décision, la division générale a suivi une analyse présentée dans des décisions antérieures de la division d’appel. Ces décisions portaient sur le type de prestations choisi par les parties prestataires, puis sur la validité de ce choixNote de bas de page 7. La division générale s’est appuyée sur ces décisions et a conclu que le choix du prestataire était invalide et qu’il pouvait le faire de nouveauNote de bas de page 8.

[17] La Cour fédérale a récemment examiné cette approche dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Variola, 2022 CF 1402 (Variola). Dans cette affaire, le prestataire a choisi de recevoir 16 semaines de prestations parentales standards. Il a également présenté sa demande près d’un an après la naissance de son enfant et la Commission lui a seulement versé trois semaines de prestations standards. La division générale a conclu que le prestataire avait été induit en erreur par le manque de renseignements dans le formulaire de demande et que son choix n’était pas valideNote de bas de page 9.

[18] La Cour fédérale a examiné l’interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi sur laquelle s’est fondée la division générale, qui tient compte de la validité du choix. Selon cette interprétation, le choix d’une partie prestataire est seulement irrévocable s’il est valide au départ. La Cour a conclu que cette interprétation est erronée.

[19] Dans l’affaire Variola, la Cour fédérale a conclu que ni la Commission ni le Tribunal ne devraient tenir compte du contexte dans lequel le prestataire a fait un choix pour décider s’il s’agissait d’un choix valide. Elle a également conclu que ce Tribunal ne peut pas substituer un choix invalide à un choix valideNote de bas de page 10.

[20] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Le choix du prestataire est l’option choisie dans le formulaire de demande et il est irrévocable dès que des prestations sont versées. C’est une erreur de droit que d’examiner d’abord le contexte dans lequel le choix a été fait et de décider s’il était valide.

Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[21] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur et que je devrais rendre la décision que cette dernière aurait dû rendreNote de bas de page 11.

[22] Je suis d’accord. J’estime qu’il s’agit d’un cas approprié pour substituer ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et le dossier de preuve est suffisant pour me permettre de rendre une décision.

Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et son choix était irrévocable

[23] Personne ne conteste le fait que le prestataire a choisi les prestations parentales standards dans son formulaire de demande. Le prestataire soutient que ce choix n’était pas valide en raison des renseignements trompeurs qu’il a reçus de la Commission avant et après la présentation de sa demande.

[24] La division générale a conclu que le prestataire avait été induit en erreur par la Commission au sujet du nombre de semaines de prestations parentales standards qu’il pouvait demander. Elle a conclu que la Commission avait omis de lui fournir des renseignements essentiels sur la période d’admissibilité aux prestations parentales.

[25] La division générale a également tenu compte du fait que le compte Mon dossier Service Canada du prestataire disait que 12 semaines de prestations parentales avaient été demandées et que la date de fin de la demande était le 14 janvier 2023. La division générale a conclu qu’il n’y avait aucun renseignement qui aurait permis au prestataire de savoir qu’il recevrait seulement quatre semaines de prestations.

[26] Le prestataire affirme que sa situation est différente de celle du prestataire dans l’affaire Variola et des autres affaires mentionnées dans la présente décision. Dans l’affaire Karval, la Cour fédérale a déclaré qu’il incombe aux parties prestataires de demander des renseignements supplémentaires et qu’il existe un recours si une partie prestataire est réellement induite en erreur par la CommissionNote de bas de page 12.

[27] Le prestataire soutient qu’il a fait des efforts pour clarifier les options de prestations parentales avant et après avoir présenté sa demande. Il affirme que la Commission lui a fourni des renseignements inexacts et trompeurs.

[28] Je conclus, comme l’a fait la division générale, que le prestataire a communiqué avec la Commission et qu’il a reçu des renseignements trompeurs et inexacts. Le prestataire a raison de dire que sa situation diffère des faits de l’affaire Variola. Dans cette affaire, la Cour a conclu que le prestataire avait reçu des renseignements erronés de son employeur, et non de la Commission.

[29] La jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale a confirmé la déclaration suivante de Karval :

Si un prestataire est réellement induit en erreur parce qu’il s’est fié à des renseignements officiels et erronés, la doctrine des attentes raisonnables lui offre certains recours juridiquesNote de bas de page 13.

[30] La Cour n’a fourni aucune orientation sur le recours juridique disponible. Dans ces affaires, la Cour a conclu que les parties prestataires n’avaient pas été induites en erreur en se fondant sur des renseignements officiels et erronés.

[31] Il est bien établi que le Tribunal doit appliquer la loi telle qu’elle est écrite et prévue par le législateur. La Cour d’appel fédérale, dans une décision antérieure à celle rendue dans l’affaire Karval, a conclu que la loi s’applique indépendamment des renseignements erronés fournis par la Commission. Dans cette affaire, la Cour a déclaré ce qui suit :

Il est certain en effet que la Commission et ses représentants n’ont pas le pouvoir de modifier la loi et que, en conséquence, les interprétations qu’ils peuvent faire de la loi n’ont pas elles-mêmes force de loiNote de bas de page 14.

[32] La Cour d’appel fédérale a interprété le sens de « choisit » à l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a examiné le texte, le contexte et l’objet des articles 23(1.1) et 23(1.2) et a conclu qu’il y avait seulement une interprétation raisonnable de l’articleNote de bas de page 15.

[33] La Cour a conclu que le sens ordinaire du texte appuie le fait que le choix fait dans le formulaire de demande, entre les prestations standards et les prestations prolongées, ainsi que le nombre précis de semaines, est le choix de la partie prestataireNote de bas de page 16. Elle a conclu que l’article 23(1.2) dit de façon claire que le choix fait par une partie prestataire devient irrévocable dès le début du versement des prestationsNote de bas de page 17.

[34] La Cour a examiné le contexte de ces dispositions. Elle a également examiné les articles de la Loi sur l’assurance-emploi qui prévoient des prestations parentales, le processus de demande et le formulaire de demandeNote de bas de page 18. La Cour a conclu que ce contexte appuyait également l’interprétation selon laquelle le choix entre l’option des prestations standards et des prestations prolongées, et le choix du nombre de semaines dans la demande représentent le choix d’une partie prestataireNote de bas de page 19.

[35] La Cour a examiné l’objet des articles 23(1.1) et 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu que le législateur avait choisi de rendre le choix des parties prestataires irrévocable afin d’assurer la certitude et l’efficacité pour les autres parties concernées par le choix des parties prestatairesNote de bas de page 20.

[36] La Cour a conclu que le texte, le contexte et l’objet appuient seulement une interprétation du mot « choisit » à l’article 23(1.1) : le choix d’une partie prestataire est le choix qu’elle fait dans le formulaire de demandeNote de bas de page 21.

[37] Dans l’affaire Variola, la Cour a fait référence à cette interprétation des articles 23(1.1) et (1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu qu’il est clair que ni la Commission ni le Tribunal ne devraient tenir compte du contexte dans lequel les parties prestataires font un choix pour établir si ce choix est valide. Le Tribunal ne peut pas conclure qu’un choix était invalide et le remplacer par un choix valide.

[38] Compte tenu de cette directive claire de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, je conclus que le prestataire a choisi les prestations parentales standards. Même s’il a été induit en erreur par des personnes représentant la Commission au sujet de la période pendant laquelle il pouvait recevoir des prestations standards, cela n’invalide pas son choix. Une fois que des prestations parentales ont été versées, le choix est devenu irrévocable.

[39] Le prestataire a reçu des renseignements erronés de la Commission. Cela a eu une incidence sur le choix qu’il a fait dans son formulaire de demande. Toutefois, la loi est claire : le choix est ce qu’il a choisi dans le formulaire. La fausse information qu’il a reçue ne change rien à la loi. Je suis tenue d’appliquer la loi telle qu’elle est écrite et interprétée dans les précédents contraignants, même si le prestataire s’est fié à des renseignements inexacts et trompeursNote de bas de page 22.

[40] Je conclus que le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards. Ce choix est devenu irrévocable dès que des prestations lui ont été versées.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et ce choix est devenu irrévocable dès que des prestations lui ont été versées.

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