Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : WW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1044

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale – section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : W. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (490784) datée du 26 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 14 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2423

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] W. W. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait pour un cabinet d’architectes. L’employeur a congédié le prestataire parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 au travailNote de bas de page 2. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce que son contrat de travail n’exige pas la vaccination et qu’il a été congédié à tortNote de bas de page 5. De plus, il travaillait de la maison pendant la pandémie et aurait pu continuer à le faire, mais l’employeur le lui a refusé.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Les prestataires qui perdent leur emploi en raison d’une inconduite ou qui quittent volontairement leur emploi sans justification ne sont pas admissibles aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6.

[8] Pour établir si le prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois examiner la raison pour laquelle le prestataire a cessé de travailler. Ensuite, je dois établir si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Le prestataire a cessé de travailler parce qu’il a été congédié

[9] Je conclus que le prestataire a été congédié de son emploi à compter du 19 décembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la [traduction] « politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 » de l’employeur. Aucune partie ne conteste ce fait.

[10] Dans le cas présent, l’employeur a donné un [traduction] « avis de l’employeur » au prestataire. Il a donc été informé de son congédiement le 18 octobre 2021 et que son dernier jour de travail serait le 19 décembre 2021Note de bas de page 7. Le prestataire a expliqué que cela lui permettait de terminer un projet important, ce qu’il a accepté de faire. Il conteste la déclaration de l’employeur selon laquelle il a reçu une importante indemnité de départ, parce qu’il a seulement reçu son salaire normal pendant la période mentionnée dans l’avis de l’employeurNote de bas de page 8.

[11] Cela concorde avec le témoignage du prestataire, son relevé d’emploi, sa lettre de congédiement, les discussions entre le prestataire et la Commission, les discussions entre l’employeur et la Commission, etc.Note de bas de page 9

Politique de l’employeur – fournir une preuve de vaccination ou une exemption

[12] L’employeur a mis en place une politique de vaccination qui entrait en vigueur le 7 septembre 2021Note de bas de page 10. Une copie de la politique est au dossierNote de bas de page 11.

[13] La politique précise que son but est d’offrir et de maintenir un milieu de travail sain et sécuritaire. L’employeur a donc adopté la politique pour protéger la santé de ses employés et de leurs familles, de ses clients, des visiteurs et de la collectivité en général contre la COVID-19Note de bas de page 12.

[14] La politique exige que les employés fournissent une preuve de vaccination contre la COVID-19 ou qu’ils montrent qu’ils ont une exemption. Selon la politique, les exemptions correspondent aux motifs protégés par le Human Rights Code de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 13. 

[15] Le prestataire a déclaré que la date limite pour se conformer à la politique était le 24 octobre 2021 et non le 18 octobre 2021. L’employeur a dit à la Commission que la date limite pour se conformer à la politique était le 18 octobre 2021Note de bas de page 14. Toutefois, cela ne correspondait pas aux dates mentionnées dans les lettres que l’employeur avait déjà envoyées au prestataire. Par exemple, une lettre datée du 13 septembre 2021 intitulée « avis d’intention de congédiementNote de bas de page 15 » et une autre datée du 18 octobre 2021 intitulée « congédiement » mentionnent que la date limite est le 24 octobre 2021.

[16] Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que la date limite pour se conformer à la politique était le 24 octobre 2021. J’accorde plus de poids au témoignage du prestataire et aux lettres précédentes émises par l’employeur qu’à la déclaration subséquente de l’employeurNote de bas de page 16.

La politique a été communiquée au prestataire

[17] Je conclus que la politique a été communiquée au prestataire. Ce fait n’est pas contesté par les parties. Le prestataire a reconnu qu’il avait reçu un courriel au sujet de la politique environ un ou deux mois avant la date limite pour s’y conformer. Une copie du courriel est au dossierNote de bas de page 17.

Le non-respect de la politique a entraîné le congédiement du prestataire

[18] Dans une lettre adressée au prestataire, l’employeur a écrit que le non-respect de la politique à compter du 24 octobre 2021 entraînerait un congédiement sans motifNote de bas de page 18.

[19] Une lettre subséquente indique que le prestataire est congédié sans motif en date du 19 décembre 2021Note de bas de page 19. Comme je l’ai déjà mentionné, le prestataire a reçu un préavis d’environ deux mois.

[20] Le prestataire a déclaré qu’il savait que le non-respect de la politique entraînerait son congédiement.

Le prestataire n’a pas demandé d’exemption à la politique

[21] La politique prévoyait des exemptions correspondant aux motifs protégés par le Human Rights Code de la Colombie-BritanniqueNote de bas de page 20.

[22] Le prestataire a déclaré qu’il était au courant des exemptions possibles, mais qu’il n’en a demandé aucune.

Est-ce une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[23] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 21. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 22.

[24] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait ou non voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 23.

[25] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 24.

[26] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 25.

[27] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[28] La politique a été communiquée au prestataire et celui-ci était au courant de la date limite du 24 octobre 2022 pour s’y conformer. Le prestataire a également eu assez de temps pour se conformer à la politique.

[29] Le prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Il n’a pas demandé d’exemption, donc il n’a pas démontré qu’il était exempté de la politique.

[30] C’est un choix délibéré qu’il a fait. La Cour a déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 26. La Cour a également déclaré que l’inconduite comprend le manquement à une obligation expresse ou implicite résultant du contrat de travailNote de bas de page 27.

[31] Le prestataire a convenu qu’il savait que la conséquence de ne pas se conformer à la politique était son congédiement. Cette conséquence lui a été communiquée plusieurs semaines avant son congédiement.

[32] J’admets généralement que l’employeur peut choisir d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. C’est donc devenu une condition d’emploi. Le prestataire a enfreint la politique lorsqu’il a choisi de ne pas s’y conformer, ce qui l’a empêché de s’acquitter de ses obligations envers l’employeur.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[33] Le prestataire a soulevé d’autres arguments pour appuyer sa position. En voici quelques-uns :

  1. a)  Il n’était pas contractuellement tenu d’être vacciné contre la COVID-19Note de bas de page 28.
  2. b)  Il a été congédié à tortNote de bas de page 29.
  3. c)  Son employeur ne lui a pas offert de mesures d’adaptation lui permettant de travailler de la maison.
  4. d)  Il est protégé par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte)Note de bas de page 30.
  5. e)  Il s’inquiétait du manque d’études cliniques à long terme et des effets indésirables liés aux vaccins contre la COVID-19Note de bas de page 31.

[34] La Cour a déclaré que le Tribunal ne peut pas déterminer si le congédiement ou la pénalité étaient justifiés. Le Tribunal doit plutôt établir si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 32. J’ai déjà établi que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[35] Je comprends les arguments supplémentaires du prestataire, mais s’il veut les défendre, il devra se tourner vers les tribunaux judiciaires, ou devant un tribunal qui peut les aborder. Par ailleurs, la Charte s’applique uniquement aux gouvernements et non aux particuliers ou aux entreprises privées. Par conséquent, le Tribunal n’a pas le pouvoir de se prononcer sur l’argument du prestataire fondé sur la Charte en ce qui concerne la politique de l’employeur.

[36] Je remarque que le prestataire a déclaré qu’il envisageait une poursuite contre son employeur, mais qu’il n’en a pas encore amorcé une.

Conclusion

[37] Le prestataire avait le choix de se conformer ou non à la politique et a décidé de ne pas le faire pour des raisons personnelles. Cela a mené à un résultat indésirable : son congédiement.

[38] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi.

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