Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1578

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : K. M.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (464254) datée du 5 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 14 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2019

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait des solutions raisonnables autres que son départ. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a travaillé comme associée aux ventes du 24 novembre 2020 au 24 décembre 2020. Elle a ensuite été en arrêt de travail en raison d’une fermeture liée à la COVID‑19 (COVID) à compter du 26 décembre 2020. Elle a été rappelée à son emploi le 8 février 2021, mais n’y est pas retournée. Elle a demandé des prestations d’assurance‑emploi.

[4] Elle affirme qu’elle n’a pas repris son emploi parce qu’elle estimait qu’il lui faisait courir le risque d’être exposée à la COVID. Sa grand-mère était malade et hospitalisée, et elle lui rendait visite les fins de semaine. Elle ne voulait pas exposer sa grand-mère à la COVID.

[5] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a examiné les raisons du départ de la prestataire. Elle a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi (ou avait choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.

[6] La Commission affirme que la prestataire aurait pu discuter de ses préoccupations avec son employeur, car elle aurait pu bénéficier de mesures de sécurité supplémentaires. Elle aurait pu demander un congé temporaire au lieu de démissionner. Elle aurait pu chercher un autre emploi avant de démissionner.

[7] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle ne se sentait pas en sécurité en travaillant dans un environnement clos et bondé. Son employeur ne prenait pas de mesures de sécurité pour protéger le personnel contre l’exposition à la COVID. Elle ne voulait pas être exposée à la COVID parce que sa grand-mère était malade à l’hôpital et qu’elle lui rendait visite les fins de semaine. Elle ne voulait pas exposer sa grand-mère à la COVID.

[8] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

Question en litige

[9] Je dois décider si la prestataire est exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification.

[10] Pour répondre à cette question, je dois d’abord décider si la prestataire a quitté volontairement son emploi. Si tel est le cas, je dois alors décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

La prestataire a quitté volontairement son emploi

[11] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire ait quitté volontairement son emploiNote de bas de page 1. Le critère juridique consiste à établir si la prestataire avait le choix de rester ou de partirNote de bas de page 2. Si elle pouvait rester et ne l’a pas fait, elle a quitté volontairement son emploi.

[12] Je conclus que la prestataire a quitté volontairement son emploi. La prestataire convient qu’elle a démissionné le 8 février 2021, alors qu’elle n’est pas retournée au travail après son rappel. Elle a envoyé sa lettre de démission le 9 février 2021. Rien ne prouve le contraire.

Les parties ne s’entendent pas sur le fait que la prestataire avait une justification

[13] Les parties ne conviennent pas que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[14] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que la personne était fondée à quitter son emploi.

[15] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle prescrit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[16] Il appartient à la prestataire de prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 5. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule solution raisonnable était de démissionner.

[17] Pour décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 6.

[18] Une fois que j’ai décidé des circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle‑ci doit démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable à ce moment-làNote de bas de page 7.

[19] La prestataire affirme qu’elle avait une justification parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité pour travailler dans un espace clos et bondé. Elle soutient également que des mesures de sécurité inadéquates étaient en place pour la protéger contre l’exposition à la COVID. Elle affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner lorsqu’elle l’a fait, parce que sa grand-mère était malade et qu’elle ne voulait pas l’exposer à la COVID.

Les circonstances qui existaient lorsque la prestataire a démissionné

[20] La prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique. Elle affirme que ses conditions de travail constituaient un danger pour la santé ou la sécuritéNote de bas de page 8.

[21] La prestataire travaillait dans un magasin de vêtements dans un centre commercial. Le centre commercial a été fermé en raison de la COVID le 26 décembre 2020. La prestataire a déclaré à l’audience qu’elle a reçu des prestations d’assurance‑emploi de janvier 2021 à mai 2021.

[22] Elle a témoigné qu’elle était contente lorsque la fermeture a eu lieu parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité au travail. Au moment de la fermeture, elle pensait qu’elle ne retournerait probablement pas à son travail.

[23] Elle a été rappelée à son emploi le 8 février 2021, mais n’y est pas retournée. La Commission a conclu qu’elle était exclue du bénéfice des prestations à compter du 7 février 2021. Il en a découlé un trop-payé de prestations pour la prestataire.

[24] La prestataire affirme qu’elle ne se sentait pas à l’aise de reprendre son emploi dans le centre commercial lorsqu’elle a été rappelée au travail le 8 février 2021. Les vaccins contre la COVID n’étaient pas encore disponibles, son lieu de travail était clos et bondé, et son employeur ne prenait pas de mesures de sécurité pour protéger le personnel contre l’exposition à la COVID.

[25] Elle a témoigné que les seules mesures de sécurité en place dans le magasin étaient l’installation de barrières en plexiglas et l’obligation pour les membres du personnel de porter des masques. Des clients entraient dans le magasin sans masque. Il n’y avait pas de désinfectant pour les mains dans le magasin. Le personnel n’essuyait pas les surfaces et les vestiaires n’étaient pas désinfectés entre les clients. La moitié du temps, il n’y avait pas de matériel de désinfection à la disposition du personnel en magasin.

[26] La prestataire a témoigné qu’elle n’avait pas fait part de ses préoccupations au sujet du manque de mesures de sécurité en milieu de travail à son employeur. Elle a dit que son patron lui avait mentionné à une occasion que quelqu’un pourrait venir au magasin pour vérifier les mesures de sécurité liées à la COVID. Son patron lui a dit de dire qu’ils suivaient tous les protocoles, même s’ils ne le faisaient pas.

[27] La prestataire a témoigné que lorsqu’elle a été rappelée au travail, elle n’a pas demandé à son employeur quelles mesures de sécurité seraient prises dans le magasin pour protéger le personnel contre l’exposition à la COVID. Elle a supposé que l’employeur n’aurait pas amélioré ses mesures de sécurité et craignait que son risque d’être exposé augmente à mesure que la pandémie se poursuivait.

[28] Lorsque la prestataire a quitté son emploi, son lieu de travail était clos et bondé et des mesures de sécurité n’étaient pas prises pour diminuer le risque d’exposition à la COVID. Telles étaient donc les circonstances. Sa grand-mère était malade et elle ne voulait pas risquer de l’exposer à la COVID.

Solutions raisonnables

[29] Je dois maintenant décider si la prestataire a prouvé qu’elle n’a vraisemblablement pas eu d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. 

[30] La prestataire affirme qu’elle n’avait pas d’autres solutions raisonnables que de démissionner au moment où elle l’a fait, parce que son lieu de travail était clos et bondé et que son employeur ne prenait pas de mesures de sécurité pour réduire le risque d’exposition à la COVID en milieu de travail. Sa grand-mère était malade et elle ne voulait pas risquer de l’exposer à la COVID.

[31] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que la prestataire aurait pu :

  • discuter de ses préoccupations avec son employeur, car elle aurait pu bénéficier de mesures de précaution en matière de sécurité supplémentaires
  • demander à son employeur un congé temporaire au lieu de démissionner
  • trouver un autre emploi avant de démissionner.

[32] Je conclus que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[33] Premièrement, bien que la prestataire ait témoigné que l’employeur ne prenait pas de mesures de sécurité en milieu de travail pour réduire le risque que le personnel soit exposé à la COVID, elle a admis qu’elle n’avait pas fait part de ses préoccupations à son employeur. Son patron lui a dit de dire que les protocoles étaient suivis, même s’ils ne l’étaient pas. Elle a supposé que rien ne changerait. Toutefois, elle aurait pu parler de ses préoccupations à quelqu’un d’autre que son supérieur immédiat, comme un représentant en santé et sécurité ou un employé du service des ressources humaines de l’employeur. Elle aurait pu faire part de ses préoccupations lors de son rappel et poser des questions sur les options pour accroître les mesures de sécurité en milieu de travail. Faire part à son employeur de ses préoccupations au sujet de la sécurité en milieu de travail constituait une solution raisonnable autre que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[34] La prestataire a déclaré qu’il y avait eu des problèmes de santé et de sécurité en lien avec la COVID depuis qu’elle a commencé à travailler chez l’employeur en novembre 2020. Si elle avait des préoccupations au sujet des conditions dans son lieu de travail depuis qu’elle a commencé à y travailler, elle aurait pu chercher un autre emploi. Trouver un autre emploi avant de quitter son emploi était une solution raisonnable au lieu de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[35] La prestataire ne voulait pas retourner à un emploi où elle estimait qu’elle courait un risque accru d’être exposée à la COVID et, par conséquent, d’exposer sa grand-mère à la COVID. Je le comprends. Toutefois, le régime d’assurance‑emploi est en place pour soutenir les personnes qui se retrouvent sans emploi sans qu’elles en soient responsables. Dans la présente situation, je conclus que la prestataire a choisi de quitter son emploi et de se retrouver sans emploi, alors que d’autres solutions s’offraient à elle.

[36] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où la prestataire a démissionné, je conclus qu’elle n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Par conséquent, la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi lorsqu’elle l’a fait.

Conclusion

[37] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle est donc exclue du bénéfice des prestations.

[38] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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