Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation: BF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1215

Numéro de dossier du Tribunal: GE-22-2995

ENTRE :

B. F.

Appelant

et

Commission de l’assurance-emploi du Canada

Intimé


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR : Glenn Betteridge
DATE DE LA DÉCISION : Le 29 novembre 2022

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Motifs et Décision

Décision

[1] J’accorde à l’appelante (B. F.) une prorogation du délai pour interjeter appel.

[2] Cela signifie que le Tribunal de la sécurité sociale fixera maintenant la date de son audience d’appel et lui enverra un avis d’audience.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi d’infirmière autorisée le 31 décembre 2021. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[4] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a décidé que la prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi).

[5] Elle a demandé une révision de la décision de la Commission. La Commission a envoyé à l’appelante sa décision de révision datée du 26 mai 2022.

[6] La loi accorde à un appelant 30 jours pour interjeter appel de la décision de révision de la CommissionNote de bas de page 1. Elle avait donc jusqu’au lundi 27 juin 2022 pour déposer son avis d’appel.

[7] Le Tribunal a reçu son appel le 9 septembre 2022. Cela signifie que son appel était tardif.

[8] Je dois décider s’il y a lieu d’accorder à l’appelante une prorogation du délai pour interjeter appel.

[9] L’article 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) me confère le pouvoir de prendre cette décision.

Analyse

[10] Pour décider s’il y a lieu de proroger le délai d’appel, je dois prendre en considération et évaluer quatre facteurs, soit ceux qui sont énoncés dans la décision Gattellaro :Note de bas de page 2

  • une intention persistante de poursuivre l’appel
  • la question de savoir si l’appel soulève une cause défendable
  • la question de savoir si le retard a été raisonnablement expliqué
  • la question de savoir si le délai cause un préjudice à l’autre partie à l’appel

[11] Le poids que le Tribunal accorde à chaque facteur peut différer dans chaque cas. Et dans chaque cas, certains facteurs peuvent ne pas être aussi pertinents que d’autres.

[12] Le plus important, c’est que ma décision serve l’intérêt de la justiceNote de bas de page 3.

Le témoignage de l’appelante

[13] Dans son avis d’appel, l’appelante a donné les raisons suivantes pour lesquelles elle a retardé le dépôt de son appelNote de bas de page 4

  • elle a sombré dans une dépression après avoir perdu son emploi et s’être fait refuser des prestations d’assurance‑emploi
  • en raison de sa perte d’emploi, elle et sa famille ont dû vendre leur maison et déménager, et trouver comment survivre
  • il s’agissait d’une période très difficile et émotionnellement exigeante pour elle
  • elle avait besoin de temps pour guérir et réduire une partie du stress associé à ces événements
  • elle a parlé à quelqu’un de la Commission qui lui a dit qu’elle aurait l’occasion d’expliquer pourquoi son appel était tardif, et que le Tribunal examinerait ses motifs et déciderait s’il l’acceptait tardivement

[14] Elle a envoyé un certificat médical d’invalidité avec son avis d’appelNote de bas de page 5. Il mentionne qu’elle a eu besoin de s’absenter du travail en raison de problèmes de santé mentale à l’automne 2021. Elle a pris un congé de maladie à ce moment‑là.

[15] Son employeur a mis fin à son emploi avant son retour au travailNote de bas de page 6.

[16] J’accepte le témoignage de l’appelante. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage au sujet de ses problèmes de santé mentale à l’automne 2021, de la perte de son emploi et de sa maison, ou de la façon dont cela a affecté sa santé mentale. Ce qu’elle a écrit dans son avis d’appel est conforme au certificat médical. Il est également logique qu’une personne qui avait été en congé de maladie en raison de problèmes de santé mentale ait été atteinte de dépression lorsqu’elle a perdu son emploi et sa maison.

[17] J’admets également que l’appelante avait besoin de temps pour prendre du mieux afin de déposer son appel au Tribunal. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage à ce sujet. Il est logique dans les circonstances.

 

Intention persistante de poursuivre l’appel

[18] Je conclus que l’appelante avait l’intention persistante de poursuivre son appel pour deux motifs.

[19] Premièrement, elle a déposé son appel dans un délai raisonnable, compte tenu de sa situation personnelle difficile.

[20] Deuxièmement, ses actions montrent qu’elle a toujours eu l’intention de faire appel. Elle s’est renseignée auprès de la Commission sur le dépôt tardif d’un appel. Elle a décidé de prendre le temps requis pour aller mieux, suffisamment pour déposer son appel. Elle a déposé son appel lorsqu’elle était apte à le faire.

Cause défendable

[21] La question de savoir si un appel soulève une cause défendable équivaut presque à se demander s’il est évident et manifeste que son appel est voué à l’échecNote de bas de page 7.

[22] J’estime qu’il n’est pas évident et manifeste que son appel est voué à l’échec.

[23] L’appelante interjette appel de la décision de la Commission selon laquelle elle n’a pas droit à des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[24] Je dois décider si la Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle ait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Dans son cas, ma décision peut dépendre de son témoignage à l’audience — ce qu’elle dit de sa conduite, ce qu’elle savait et à quel moment elle l’a su.

[25] Donc, comme ma décision dans son appel pourrait dépendre de son témoignage, je conclus qu’elle a une cause défendable. Autrement dit, d’après les documents du dossier d’appel, il n’est pas évident et manifeste que son appel est voué à l’échec.

Explication raisonnable du retard

[26] Ci-dessus, j’ai accepté le témoignage de l’appelante au sujet de sa situation personnelle très difficile, de sa dépression et de ses problèmes de santé mentale.

[27] Compte tenu de ce témoignage, je conclus que son explication du retard est raisonnable. Elle était la mieux placée pour gérer le stress dans sa vie et pour savoir ce qu’elle était capable de faire à un moment donné en raison de sa santé mentale. Elle a décidé d’attendre pour déposer son appel jusqu’à ce qu’elle aille mieux et de demander une prorogation de délai à ce moment‑là.

Préjudice à l’autre partie

[28] La Commission est la seule autre partie à l’appel.

[29] Je conclus que la Commission ne subira aucun préjudice si j’accorde à l’appelante une prorogation du délai pour interjeter appel. Je tire cette conclusion pour deux raisons. Premièrement, le délai entre la décision de révision de la Commission et le moment où l’appelante a interjeté son appel est loin d’atteindre le délai d’un an pour interjeter appelNote de bas de page 8. Deuxièmement, la Commission est prête à donner suite à l’appel. Elle a déjà envoyé ses documents et ses prétentions au Tribunal.

L’intérêt de la justice

[30] J’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder une prorogation de délai pour deux raisons.

[31] Tout d’abord, je tire cette conclusion en me fondant sur toutes les circonstances de l’affaire :

  • un retard relativement court dans le dépôt de l’appel
  • le montant important des prestations en jeu dans l’appel
  • l’absence de préjudice à la Commission
  • l’explication raisonnable de l’appelante pour justifier son retard et une cause défendable

[32] Ensuite, je tire cette conclusion en me fondant sur la politique du Tribunal en matière d’adaptation et d’accessibilitéNote de bas de page 9. Le Tribunal a adopté cette politique en partie pour s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (Loi sur les droits de la personne). Ces obligations reflètent d’importantes garanties juridiques qui favorisent la justice et l’inclusion des personnes handicapées, entre autres.

[33] Le témoignage de l’appelante me montre qu’elle n’était pas en mesure de déposer son appel à temps en raison de ses problèmes de santé mentale. Ceux‑ci constituent très probablement un « handicap » en vertu de la Loi sur les droits de la personne.

[34] En vertu de la Loi sur les droits de la personne (et de la politique du Tribunal), le Tribunal est tenu de prendre en compte ses besoins liés à l’invalidité afin de promouvoir l’accès à nos processus. Il doit également favoriser une participation entière et significative aux processus du Tribunal. En ce qui me concerne, il est donc dans l’intérêt de la justice de proroger son délai pour le dépôt de son appel. Il s’agit d’une mesure d’adaptation appropriée en vertu du droit en matière de droits de la personne pour ses besoins liés à une invalidité.

Conclusion

[35] J’ai examiné et appliqué les facteurs énoncés dans la décision Gattellaro et j’ai tenu compte de l’intérêt de la justice.

[36] À la lumière de mes conclusions énoncées précédemment, j’accorderai à l’appelante une prorogation du délai pour interjeter appel.

[37] Cela signifie que le Tribunal fixera maintenant la date de son audience d’appel et lui enverra un avis d’audience.

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