Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1609

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (486359) datée du 3 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 9 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2325

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est inadmissible et exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur affirme qu’il a été suspendu, puis congédié parce qu’il s’est opposé à sa politique de vaccination : il ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si le prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, il affirme que le non‑respect de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour la suspension et le congédiement. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible, puis exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique peu importe si l’employeur a suspendu ou congédié la personneNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il s’est opposé à la politique de vaccination de son employeur.

[10] Le prestataire affirme que recevoir le vaccin contre la COVID-19 irait à l’encontre de ses croyances bien ancrées. Il dit que son employeur ne lui a pas offert de mesure de rechange raisonnable à l’obligation de se faire vacciner.

[11] La Commission affirme que l’employeur du prestataire a mis en place une politique de vaccination comme condition d’emploi du prestataire. Elle affirme que le prestataire a choisi de ne pas se conformer à ladite politique.

[12] Le prestataire ne conteste pas la raison pour laquelle son employeur l’a suspendu puis congédié. Même s’il estime que son employeur l’a congédié de façon dure et discriminatoire, je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a été à l’encontre de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[13] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le congédiement du prestataire constitue une inconduite au sens de la loi. Il énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite comprend également toute conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[18] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si le prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour le prestataireNote de bas de page 9. Je peux seulement examiner une chose : la question de savoir si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la loi.

[19] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[20] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il a fait tout ce qu’il pouvait pour éviter d’être congédié sans compromettre ses croyances sincères concernant les vaccins. Il affirme qu’il était prêt à travailler avec son employeur, ce qui démontre son engagement à l’égard de son emploi.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle dit que la politique de vaccination était une condition d’emploi du prestataire. Elle affirme également que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être suspendu ou congédié s’il ne respectait pas la politique.

[22] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, parce que le prestataire savait qu’il pouvait être suspendu et congédié s’il allait à l’encontre de la politique de son employeur sur le vaccin contre la COVID-19. Cependant, il a choisi de ne pas se faire vacciner même après que son employeur a rejeté sa demande de mesures d’adaptation.

[23] Le prestataire a dit à la Commission que son employeur avait mis en place une politique de vaccination obligatoire. Il a déclaré que l’employeur avait amené les membres du personnel dans une salle de réunion, qu’il leur avait montré une vidéo sur le vaccin, et qu’il leur avait ensuite demandé de divulguer leur statut vaccinal. Le prestataire a dit à son employeur qu’il n’était pas vacciné. Son employeur lui a dit qu’il devait être vacciné au plus tard le 20 novembre 2021, mais il a par la suite reporté la date limite au 1er janvier 2022.

[24] Le prestataire a témoigné au sujet de ses croyances qui l’ont amené, lui et sa famille, à ne pas se faire vacciner avant la pandémie de COVID-19. À l’appui de cette affirmation, il a déposé des déclarations sous serment concernant ses croyances, qui permettaient à ses trois enfants d’aller à l’école sans être vaccinés.

[25] Le prestataire a déclaré que son employeur lui a demandé de présenter tous les documents qu’il avait à l’appui d’une demande de mesures d’adaptation pour l’exempter de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19. Il a dit avoir envoyé des renseignements à son employeur, mais que sa demande de mesures d’adaptation avait été rejetée. L’employeur a demandé des renseignements supplémentaires, mais il a de nouveau rejeté la demande de mesures d’adaptation du prestataire. Le prestataire a déclaré que son employeur avait dit que son choix de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 était un choix personnel.

[26] L’employeur du prestataire a envoyé à la Commission une copie d’un courriel envoyé aux membres du personnel au sujet de sa politique de vaccination contre la COVID-19. Le courriel précise que tous les membres du personnel doivent être vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 30 octobre 2021, sous peine de ne pas être disponibles pour travailler. Il dit aussi qu’à compter du 21 novembre 2021, les membres du personnel qui ne sont pas vaccinés seront placés en congé sans solde, et qu’à compter du 31 décembre 2021, celles et ceux qui ne sont toujours pas vaccinés seront congédiés.

[27] J’ai interrogé le prestataire au sujet du courriel mentionné ci-dessus. Le prestataire a confirmé qu’il avait reçu le courriel. Cependant, il a dit qu’avec tous les documents qu’il a remis à son employeur, il n’a jamais pensé qu’il serait congédié. Il pensait que son employeur lui offrirait des mesures d’adaptation.

[28] L’employeur du prestataire a envoyé les courriels de suivi du courriel susmentionné à la Commission. Le prestataire affirme qu’il ne les a pas reçus. Cependant, il dit avoir reçu des lettres recommandées après avoir été mis en congé sans solde. Il a dit qu’une lettre disait que son statut n’avait pas changé et qu’il devait être vacciné.

[29] Le prestataire a déclaré que, depuis le début, il a expliqué ses croyances et sa situation concernant le vaccin contre la COVID-19. Il a dit que l’employeur lui avait dit qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour lui offrir des mesures d’adaptation. Le prestataire a répété qu’il n’avait jamais pensé que l’employeur le congédierait, mais qu’il pensait qu’il trouverait des mesures d’adaptation.

[30] Le prestataire a témoigné d’une expérience médicale sans lien avec son état de santé et de la façon dont il a pu éviter d’avoir recours à la médecine traditionnelle pour se rétablir. Je ne doute donc pas qu’il a des croyances profondes qui l’ont amené à ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, je conclus que son employeur a évalué les renseignements que le prestataire lui a fournis, mais qu’il a rejeté sa demande de mesures d’adaptation.

[31] Je conclus du témoignage du prestataire qu’il était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il connaissait les délais et les conséquences du non-respect de la politique. Il a également témoigné au sujet d’une lettre recommandée qu’il a reçue disant qu’il devait être vacciné. Le prestataire a déclaré que son employeur avait rejeté sa demande de mesures d’adaptation. Je conclus donc que le prestataire savait que sa conduite (son refus de se faire vacciner contre la COVID-19) pouvait mener à la perte de son emploi.

[32] Je conclus que le geste du prestataire, soit son refus de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur, était délibéré. Il a fait un choix conscient, délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner. Il l’a fait en sachant qu’il serait placé en congé sans solde. Je considère que cela signifie qu’il a été suspendu. Je juge également qu’il aurait dû savoir que son employeur pouvait le congédier. Pour ces motifs, je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[33] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi et qu’il a ensuite perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[34] En effet, les gestes du prestataire ont mené à son congédiement. Il a agi délibérément. Il savait qu’il perdrait probablement son emploi s’il refusait de se faire vacciner.

Conclusion

[35] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite. Par conséquent, le prestataire est inadmissible, puis exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[36] Ainsi, l’appel est rejeté.

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