Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 63

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : T. H.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 juin 2022 (GE-22-942)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 20 octobre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée 
Date de la décision : Le 24 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-446

Sur cette page

Décision

[1] La division générale a mal compris la preuve. L’appelante, T. H. (la prestataire), n’avait pas quitté son emploi. Son employeur l’a mise en congé après qu’elle eut choisi de ne pas se conformer à sa politique de vaccination. Malgré tout, cela ne change pas l’issue de la décision de la division générale. Aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), la prestataire a été suspendue de son emploi pour inconduite. Cette suspension entraîne une inadmissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en vertu de l’article 31 de la Loi.

Aperçu

[2] La prestataire interjette appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait quitté son emploi. La division générale a également jugé que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi. La division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire affirme que la division générale a commis une erreur en tirant cette conclusion. Elle affirme qu’elle n’aurait pas dû être exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle n’avait pas commis d’inconduiteNote de bas de page 1. Comme elle prétend qu’il n’y a pas eu d’inconduite, elle demande à la division d’appel de conclure qu’elle était admissible à des prestations.

[4] L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, reconnaît que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La Commission affirme que la division générale a mal saisi l’ensemble de la preuve en concluant que la prestataire avait quitté son emploi et qu’elle était exclue du bénéfice des prestations. La Commission prétend qu’en vertu de la Loi, la prestataire a été suspendue de son emploi pour inconduite. La Commission demande à la division d’appel d’accepter cette conclusion, ce qui entraînerait une inadmissibilité aux prestations.

[5] Les parties conviennent que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La preuve n’appuie pas les conclusions de la division générale. Le présent appel vise donc à trouver l’issue appropriée pour corriger l’erreur de la division générale. Il s’agira d’examiner les circonstances qui ont mené à la cessation d’emploi de la prestataire et de décider s’il s’agit d’une inconduite.

Questions préliminaires

[6] La prestataire a un appel en cours de la décision d’un arbitre concernant un grief qu’elle a déposé contre son employeur. Le grief découle de la politique de vaccination obligatoire de son employeur. L’issue de son appel pourrait avoir une incidence sur l’issue de cette affaire. Toutefois, la prestataire ne veut pas attendre l’issue de cet appel. Elle souhaite que son appel devant la division d’appel soit lancé.

Questions en litige

[7] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis des erreurs de droit ou de fait?
  2. b) Dans l’affirmative, comment devrait-on les corriger? La prestataire était-elle en congé involontaire ou a-t-elle été suspendue de son emploi pour inconduite?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale si elles renferment des erreurs de compétence, de procédure, de droit ou certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 2.

Faits généraux à l’origine du litige

[9] La prestataire travaillait comme factrice. Son employeur a instauré une politique de vaccination en réponse à la pandémie de COVID-19. Tout le personnel devait se faire vacciner et divulguer son statut vaccinal.

[10] L’employeur a donné avis de la politique de vaccination. L’employeur a également informé les membres du personnel que s’ils ne se conformaient pas à la politique de vaccination, il les mettrait en congé sans solde et, peut-être, les congédierait.

[11] La prestataire affirme qu’elle s’est fondée sur les modalités de sa convention collective (la « convention »). Celle-ci ne précisait pas qu’elle devait se faire vacciner.

[12] La convention stipulait des mesures disciplinaires progressives pour inconduite. Il s’agissait d’abord d’avertissements verbaux, puis écrits, et ensuite de suspensions d’un, de trois, puis de cinq jours. La prestataire n’a fait l’objet d’aucune des mesures disciplinaires progressives prévues par la convention collective.

[13] Lorsque la date limite pour se conformer à la politique de vaccination est passée, la prestataire est demeurée non vaccinée. Son employeur l’a mise en congé sans solde à la fin de novembre 2021.

[14] La prestataire nie toute inconduite de sa part, même si elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur. Elle affirme qu’elle n’était pas tenue de se conformer à ladite politique parce qu’elle est illégale. Elle soutient que celle-ci est illégale, car (1) elle ne correspond pas aux modalités de sa convention et (2) elle viole ce qu’elle dit être son droit inaliénable et fondamental à un emploi.

Décision de la division générale

[15] La division générale a conclu que la prestataire avait quitté volontairement son emploiNote de bas de page 3. Parallèlement, la division générale a conclu que la prestataire avait pris un congé de son emploi de factrice.Note de bas de page 4 La division générale a également conclu que la prestataire n’était pas fondée à prendre un congé parce qu’elle avait [traduction] « d’autres solutions raisonnables que d’être mise en congé »Note de bas de page 5.

[16] La division générale a conclu que, comme la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi, elle était à la fois exclueNote de bas de page 6 du bénéfice des prestations d’assurance-emploi et inadmissibleNote de bas de page 7 au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[17] La division générale a ensuite conclu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite dans le cas de la prestataire. Elle explique sa conclusion par le fait que l’employeur de la prestataire ne l’avait pas congédiée, mais qu’il l’avait mise en congé pour une période indéterminée. La division générale a également conclu qu’il n’y avait pas d’inconduite parce que la prestataire pouvait retourner au travail si elle se faisait vaccinerNote de bas de page 8.

La division générale a-t-elle commis des erreurs de droit ou de fait?

[18] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle affirme que la preuve démontre que son employeur l’a mise en congé sans solde. Elle nie avoir quitté son emploi à quelque moment que ce soit.

[19] La Commission reconnaît que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. La prestataire a témoigné de façon cohérente devant la division générale qu’elle n’avait pas quitté son emploi, mais qu’elle avait plutôt été mise en congé involontaire par son employeur parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination.

[20] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de fait en concluant que la prestataire avait quitté son emploi. La Commission prétend également que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la prestataire était à la fois exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi et inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi en même temps.

[21] La division générale a conclu que la prestataire avait simultanément pris un congé autorisé et quitté volontairement son emploi. La preuve n’étayait tout simplement pas les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire a quitté volontairement son emploi. Comme la division générale ne l’a pas compris, elle a appliqué le mauvais article de la Loi pour conclure que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations.

[22] La division générale a renvoyé à l’article 30 de la Loi. Cependant, cette disposition ne s’applique que si un prestataire perd son emploi en raison d’une inconduite ou s’il a quitté volontairement son emploi. La prestataire n’a ni perdu son emploi ni quitté volontairement son emploi. L’article 30 de la Loi n’était pas pertinent dans la situation de la prestataire.

[23] La division générale a commis à la fois des erreurs de droit et de fait.

Corriger les erreurs de la division générale

[24] À moins que le résultat demeure le même, la division d’appel dispose de deux options pour remédier aux erreurs : Elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’elle rende une nouvelle décision, ou elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendre en premier lieu.

[25] De façon générale, j’ai tendance à substituer ma propre décision à celle de la division générale si les faits sous-jacents ne sont pas contestés, si le dossier de preuve est complet et si les parties ont bénéficié d’une audience et d’une possibilité complètes et équitables de présenter leur cause à la division générale.

[26] La division générale n’a été saisie d’aucune question de procédure ni irrégularité. Le dossier de la preuve est complet. Les parties conviennent des faits sous-jacents fondamentaux. Cela me permet de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

Faits convenus

[27] Les parties conviennent des faits suivants :

  • La prestataire ne s’est pas conformée à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.
  • L’employeur de la prestataire l’a mise en congé sans solde.
  • Les modalités de la convention de la prestataire ne mentionnaient rien au sujet de la vaccination.
  • L’employeur de la prestataire avait des mesures progressives d’amélioration du rendement pour traiter les cas d’inconduite. L’employeur n’a mis en place ni appliqué aucune de ces mesures à l’égard de la prestataire.

Les arguments de la prestataire

[28] La prestataire nie que son employeur l’ait suspendue. Selon elle, la politique de vaccination fait référence à un congé et non à une suspension. La prestataire affirme que son employeur l’a mise en congé sans solde. Elle prétend donc que s’il n’y avait pas eu de suspension, il n’y aurait pas eu d’inconduite. Elle affirme également qu’il n’était pas nécessaire de justifier sa mise en congé sans solde, car elle nie avoir commis une inconduite.

[29] La prestataire convient qu’elle est demeurée non vaccinée et qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination de son employeur. Toutefois, elle affirme que son employeur ne pouvait pas la contraindre à se faire vacciner parce que sa convention n’incluait ni n’exigeait la vaccination. La prestataire fait valoir que la convention couvrait l’ensemble de la relation employeur-employé, de sorte que si la convention ne disait mot de la nécessité de se faire vacciner, elle n’avait pas à le faire.

[30] La prestataire soutient en outre que, s’il y avait eu inconduite, son employeur aurait pris des mesures disciplinaires contre elle. La convention énonce les mesures disciplinaires. Celles-ci comprendraient notamment l’émission des avertissements verbaux et écrits ainsi qu’une suspension, allant d’un jour à un maximum de cinq jours. Comme son employeur ne lui a pas imposé de mesures disciplinaires en lui donnant d’abord des avertissements, elle affirme qu’il s’agit d’une preuve qu’il n’y a pas eu d’inconduite.

[31] La prestataire soutient également que son employeur ne pouvait pas imposer sa politique de vaccination parce qu’elle violait ses droits. Elle explique qu’en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte), chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Elle définit la sécurité comme le droit [traduction] « de se nourrir, de mettre un toit au-dessus de sa tête » et d’avoir une sécurité d’emploi.

[32] La prestataire demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’elle était admissible à des prestations d’assurance-emploi.

Les arguments de la Commission

[33] La Commission reconnaît que l’employeur de la prestataire a dit qu’il la mettait en congé sans solde involontaireNote de bas de page 9.

[34] Toutefois, la Commission fait valoir que même si l’employeur a qualifié la cessation d’emploi de la prestataire de congé, la situation de cette dernière ressemblait davantage à une suspension. La Commission affirme qu’il y a eu suspension parce que c’est la décision de la prestataire de ne pas se conformer à la politique de vaccination qui a amené son employeur à la cessation d’emploi.

[35] La Commission soutient que l’employeur a suspendu la prestataire pour inconduite en vertu de la Loi. La Commission prétend que, bien que la prestataire n’ait peut-être pas commis d’inconduite aux termes de sa convention collective, il y a eu inconduite aux fins de la Loi. La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Il n’était pas nécessaire que la prestataire ait une intention coupable. Toutefois, la conduite de la prestataire devait avoir été et était délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur.
  • La prestataire savait qu’il existait une véritable possibilité d’être suspendue (mise en congé sans solde).

[36] La Commission soutient que, comme l’employeur a suspendu la prestataire pour inconduite, l’article 31 de la Loi s’applique. Il en résulte une inadmissibilité aux prestations plutôt qu’une exclusion.

[37] La Commission demande à la division d’appel de conclure que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle n’est pas admissible au bénéfice des prestations en vertu de l’article 31 de la LoiNote de bas de page 11.

Le congé sans solde

[38] La prestataire nie que son employeur l’ait suspendue. Elle affirme que son employeur l’a mise en congé sans solde. La Commission soutient que, même si l’employeur a peut-être décrit une mise en congé autorisé de la prestataire, les circonstances constituent en fait une suspension.

[39] Les tribunaux ont déclaré qu’il faut examiner la cause réelle de la cessation d’emploi d’un prestataire pour pouvoir bien qualifier ce qui s’est produitNote de bas de page 12 Il s’agit de vérifier selon le cas :

  • S’il existait des facteurs externes non liés à l’employée qui ont amené l’employeur à mettre cette employée en congé.
  • Si la conduite ou l’omission de l’employée a amené l’employeur à mettre l’employée en congé.

[40] Les deux scénarios entraînent un congé involontaire. La différence entre les deux scénarios réside dans la question de savoir si la conduite de l’employée a incité l’employeur à mettre l’employée en congé ou si elle était attribuable à des facteurs externes. Si la conduite de l’employée a amené l’employeur à la mettre en congé, il s’agit en fait d’une suspension.

[41] La question est donc la suivante : Quelle était la véritable cause de la cessation d’emploi de la prestataire ou qui a pris l’initiative de la cessation d’emploi?

[42] Dans la présente décision, la preuve démontre que le non-respect par la prestataire de la politique de vaccination de son employeur a déclenché la cessation de son emploi. Bien que l’employeur ait qualifié la cessation de [traduction] « congé » aux fins de la Loi, il a effectivement suspendu la prestataire en réaction à sa non-conformité à sa politique de vaccination.

[43] Malgré tout, la prestataire nie toute inconduite.

La conduite de la prestataire constituait-elle une inconduite aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi?

La convention collective

[44] La prestataire s’est pleinement conformée aux modalités de sa convention collective. Elle affirme que son employeur n’est pas autorisé à instaurer de nouvelles modalités. Elle prétend que la politique de vaccination de son employeur représentait une nouvelle condition de son emploi. Elle affirme donc qu’elle n’était pas tenue de s’y conformer. Et si elle n’avait pas à s’y conformer, elle affirme qu’il n’y avait pas d’inconduite.

[45] Toutefois, dans le cadre de ce que l’on appelle généralement le « critère de la décision KVP », toute règle ou politique peut être instaurée unilatéralement par un employeur, même si le syndicat n’y souscrit pas. Le critère découle de la décision de l’arbitre Robinson dans l’Affaire de l’Union des bûcherons et employés de scieries, section locale 2537, et KVP Co.Note de bas de page 13.

[46] La règle ou la politique doit satisfaire aux exigences suivantes :

  1. i. Elle ne doit pas être incompatible avec la convention collective.
  2. ii. Elle ne doit pas être déraisonnable.
  3. iii. Elle doit être claire et sans équivoque.
  4. iv. Elle doit être portée à l’attention de l’employé concerné avant que l’entreprise puisse y donner suite.
  5. v. L’employé doit avoir été avisé qu’une violation de cette règle pourrait entraîner son congédiement si la règle sert de fondement au congédiement.
  6. vi. Cette règle aurait dû être appliquée de façon constante par l’entreprise dès son introduction.

[47] Dans l’ensemble, la prestataire ne conteste aucun de ces points. Elle ne dit pas que la politique de vaccination était incompatible avec la convention, qu’elle était imprécise ou vague, que son employeur n’a pas porté la politique à son attention avant d’y donner suite ou qu’il n’a pas appliqué la politique de façon constante. Elle ne dit pas non plus qu’elle n’a pas reçu d’avis ou qu’elle ignorait les conséquences du non-respect de la politique.

[48] Tout au plus, la prestataire laisse croire que la politique de vaccination de son employeur était déraisonnable parce qu’elle ne respectait pas ses droits fondamentaux. Toutefois, un examen de certaines décisions judiciaires donne à entendre que, dans le contexte des affaires d’inconduite, il s’agit de considérations non pertinentes.

[49] Dans la décision Paradis, M. Paradis avait été congédié lorsqu’il avait échoué à un test de dépistage de drogues. Il a soutenu que son employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à son égard parce que sa dépendance aux drogues était protégée en vertu des lois provinciales sur les droits de la personne et de la politique de l’entreprise. La Cour a conclu qu’[traduction] « [i]l reviendra à une autre instance de régler la question de savoir si l’employeur aurait dû lui proposer [à M. Paradis] des mesures d’adaptation raisonnables pour l’aider à surmonter sa toxicomanie »Note de bas de page 14. Autrement dit, les droits de M. Paradis n’étaient pas pertinents à la question de l’inconduite.

[50] Dans une autre affaireNote de bas de page 15, M. Mishibinijima a soutenu que la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquait. Il était souvent absent du travail ou en retard au travail en raison de son alcoolisme. Il a fait valoir qu’il avait des droits en tant que personne handicapée que son employeur aurait dû prendre en compte. La Cour d’appel a convenu avec le juge-arbitre (le prédécesseur de la division d’appel) que la question des droits de M. Mishibinijima ou la question de savoir si son employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation n’était pas pertinente. La Cour d’appel a décidé qu’il fallait mettre l’accent sur la question de savoir si M. Mishibinijima a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[51] Il ressort clairement des décisions judiciaires que la question des droits d’un prestataire n’est pas pertinente. Les tribunaux ont déclaré que la question et l’accent doivent porter sur la question de savoir si la conduite d’un employé constitue une inconduite au sens de la Loi.

[52] Même si ces questions ne sont pas pertinentes à l’inconduite, cela pourrait ne pas répondre entièrement à la question du caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[53] Dans une affaire appelée ParmarNote de bas de page 16, la question soumise à la Cour était la suivante : un employeur avait-il le droit de mettre un employé en congé sans solde pour non-respect d’une politique de vaccination obligatoire? Mme Parmar s’est opposée à la vaccination parce qu’elle s’inquiétait de l’efficacité à long terme et des répercussions négatives possibles sur la santéNote de bas de page 17.

[54] Dans cette affaire, la Cour a reconnu qu’il était [traduction] « extraordinaire d’adopter une politique en milieu de travail qui a une incidence sur l’intégrité corporelle d’une employée », mais a statué que la politique de vaccination en question était raisonnable, compte tenu des [traduction] « défis sanitaires extraordinaires posés par la pandémie mondiale de COVID-19 ».Note de bas de page 18 La Cour a poursuivi en affirmant :

[Traduction]
[154] . . . [Les politiques de vaccination obligatoire] ne forcent pas un employé à se faire vacciner. Elles contraignent plutôt à faire un choix entre se faire vacciner et continuer à gagner un revenu, ou rester non vacciné et perdre un revenu[…]

[155] Je note que dans la décision Maddock v Colombie-Britannique, 2022 CSCB 1065, le juge en chef Hinkson est arrivé à une conclusion semblable en ce qui concerne l’exigence d’une preuve de vaccination pour les restaurants. Au paragraphe 78, le juge en chef Hinkson a écrit que ces politiques [traduction] « n’obligent ni n’interdisent l’assujettissement à aucune forme de traitement médical » : au paragraphe 78. Les personnes demeurent plutôt libres de faire des choix dans les limites de la politique. La politique de vaccination obligatoire n’a pas, selon les mots de la décision Maddock [traduction] « [laissé à Mme Parmar] d’autre choix raisonnable que d’accepter, ou d’accepter effectivement, un traitement non consensuel » : paragraphes 78 et 79. Mme Parmar a choisi de rester en congé sans solde.

(Mis en évidence par la soussignée.)

[55] La Cour a conclu que la politique de l’employeur dans l’affaire Parmar était raisonnable, compte tenu des circonstances extraordinaires découlant de la pandémie.

[56] L’affaire Parmar apporte des conseils et des précisions dont nous avons grandement besoin. Elle portait sur la question de savoir si l’employeur avait congédié Mme Parmar de façon déguisée, mais les questions en litige et certains faits présentent des ressemblances avec la présente affaire.

[57] J’adopte l’analyse et le raisonnement utilisés par la Cour dans l’affaire Parmar. Je peux ainsi en arriver à la même conclusion quant au caractère raisonnable de la politique de vaccination.

[58] Si le seul argument de la prestataire au sujet de la politique de vaccination dans le cadre du critère de la décision KVP porte sur le caractère raisonnable de la politique et que je conclus que la politique était raisonnable dans l’ensemble, l’employeur de la prestataire a satisfait aux exigences du critère de la décision KV P. Ainsi, même si la politique de vaccination ne faisait pas partie de la convention collective initiale, l’employeur de la prestataire était quand même autorisé à présenter la politique et la prestataire devait tout de même s’y conformer.

Mesures disciplinaires progressives

[59] La prestataire fait valoir que s’il y avait eu inconduite, son employeur aurait pris des mesures disciplinaires progressives contre elle, conformément aux modalités de la convention. Elle n’a reçu ni avertissements ni suspensions plus courtes. Elle affirme donc que si son employeur n’a pas adopté ces mesures, il ne l’a manifestement pas considérée comme ayant commis une inconduite.

[60] Toutefois, la décision ou l’évaluation subjective de l’employeur pour vérifier si un prestataire a commis une inconduite ne définit pas l’inconduite aux fins de la LoiNote de bas de page 19.

[61] De même, les attentes d’un prestataire ne définissent pas l’inconduite. Dans l’arrêt Jolin, la Cour d’appel fédérale a déclaré que ce n’est pas parce que la sanction disciplinaire était plus sévère que la sanction prévue par le prestataire que son comportement n’était pas une inconduiteNote de bas de page 20.

[62] Il ressort clairement de ces décisions que je dois effectuer ma propre analyse objective. Mon analyse doit être indépendante de l’évaluation de l’employeur ou de l’employé. Je ne peux me fonder sur leur décision quant à savoir s’il y a eu inconduite aux fins de la Loi.

Les « droits en matière de sécurité » de la prestataire

[63] La prestataire soutient que son employeur a violé ses droits de la personne. Elle affirme notamment qu’elle a le droit à la sécurité en vertu de la Charte et de la Déclaration canadienne des droits, qu’elle définit comme le droit à un emploi.

[64] Comme l’a fait remarquer la division générale, la prestataire a décidé de ne pas présenter d’arguments fondés sur la Charte. Il ne m’appartient pas d’aborder pour la première fois des questions fondées sur la Charte.

La conduite de la prestataire constituait-elle une inconduite?

[65] Comme les tribunaux l’ont décidé, il y a inconduite si un prestataire fait quelque chose (ou omet de faire quelque chose) qui, selon ce qu’il sait ou aurait dû savoir, pourrait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur, ce qui pourrait entraîner des conséquences, y compris la suspension ou le congédiementNote de bas de page 21. Il n’est pas nécessaire que la conduite ou l’omission soit délibérée. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 22. Il incombe à la Commission de prouver l’inconduite.

[66] La Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite parce que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle devait être vaccinée et que si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination de son employeur, elle risquait d’être mise en congé sans solde. La prestataire ne nie pas avoir reçu un préavis suffisant. Elle savait que son employeur pouvait la mettre en congé sans solde.

[67] L’employeur de la prestataire exigeait la vaccination de son personnel, ce qui constituait une condition d’emploi fondamentale. Donc, si la prestataire a décidé de ne pas se faire vacciner, du point de vue de son employeur, elle n’a pas rempli toutes les conditions de son emploi.

[68] La prestataire a décidé de ne pas se faire vacciner. Elle n’était pas d’accord avec la politique de son employeur. Elle avait proposé des solutions de rechange, comme se faire tester régulièrement, mais son employeur ne le permettait pas.

[69] Le fait que l’employeur de la prestataire aurait pu lui offrir d’autres solutions que de se faire vacciner n’est pas pertinent en ce qui concerne la question de l’inconduite. La question et l’accent doivent être mis sur la question de savoir si la conduite d’un employé constitue une inconduite au sens de la Loi.

[70] Comme la prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner, son employeur l’a mise en congé. En vertu de la Loi, il s’agit d’une suspension pour inconduite.

Conclusion

[71] La division générale a commis des erreurs juridiques et factuelles, mais cela ne change rien au résultat. La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi, ce qui a entraîné une inadmissibilité aux prestations d’assurance-emploi en vertu de l’article 31 de la Loi. L’appel est rejeté.

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