Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1588

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : T. H.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (454298) datée du 5 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 19 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 16 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-942

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables que d’être mise en congé s’offraient à elle. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a quitté son emploi pour prendre un congé sans solde le 29 novembre 2021 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de la prestataire. Elle a décidé que cette dernière avait quitté volontairement son emploi (ou avait choisi d’être mise en congé sans solde) sans justification, de sorte qu’elle ne pouvait lui verser des prestations.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’un congé autorisé de son emploi constituait la seule solution raisonnable.

[5] La Commission affirme que la prestataire aurait pu respecter la politique de vaccination de l’employeur aux dates mentionnées dans la politique.

[6] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle n’a pas pris volontairement un congé de son emploi. Elle soutient qu’elle a plutôt été mise en congé par son employeur parce qu’elle a refusé de divulguer ses antécédents médicaux. Elle n’est pas exemptée de la vaccination pour des motifs médicaux ou religieux et elle prétend que la politique de son employeur était illégale.

Questions préliminaires

[7] La prestataire a formulé certains commentaires dans son avis d’appel. Ceux-ci laissaient croire qu’elle pourrait envisager de soulever des prétentions constitutionnelles dans son appel. Les demandes qui soulèvent des contestations de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) sont traitées dans le cadre d’un processus spécial. J’ai tenu une conférence préparatoire avec la prestataire le 10 mai 2022 pour lui fournir des renseignements sur ce processus. La prestataire a décidé qu’elle ne présenterait pas de prétentions fondées sur la Charte dans le cadre de cet appel pour le moment.

Question en litige

[8] La prestataire est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a volontairement quitté son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de la prestataire. Je dois ensuite décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties ne conviennent pas que la prestataire a volontairement quitté son emploi

[10] Je conclus que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Voici mes motifs.

[11] La prestataire a témoigné que son employeur, une société d’État fédérale, avait mis en place une politique exigeant que le personnel fournisse une preuve qu’il avait été vacciné contre la COVID-19. Selon elle, le non-respect de la politique fera en sorte que les membres du personnel seront mis en congé sans solde pour une période indéterminée jusqu’à ce qu’ils fournissent une preuve de vaccination acceptable.

[12] La prestataire affirme qu’elle n’a pas quitté son emploi. Elle a été mise en congé sans solde contre son gré. Elle soutient que si un congé est imposé, il n’entraîne pas d’inadmissibilitéNote de bas de page 1.

[13] La prestataire soutient également que la politique de son employeur est illégale. Elle a fourni des articles de différentes lois. À son avis, la politique de l’employeur viole ces articles. Elle soutient également que les dispositions du Code criminel concernant les voies de fait et la torture s’appliquent dans cette situation.

[14] La Commission affirme que la prestataire connaissait les exigences de la politique de vaccination de son employeur. Elle savait également que la non-conformité donnerait lieu à des conséquences. Malgré tout, elle a choisi de ne pas dévoiler son statut vaccinal et de ne pas se faire vacciner.

[15] Je conviens avec la Commission que l’appelante a volontairement fait un choix qui a donné lieu à son congé sans solde. L’appelante a choisi de ne pas divulguer son statut vaccinal en sachant qu’il y aurait des conséquences. Elle a donc accepté ces conséquences. Cela signifie qu’elle a volontairement choisi de prendre un congé sans solde plutôt que de divulguer son statut vaccinal. Le fait d’être d’accord avec quelque chose en sachant quelles sont les conséquences signifie que l’on est d’accord avec les conséquences.

[16] Pendant son témoignage, la prestataire a soulevé la question de savoir si le dépistage serait autorisé ou non comme solution de rechange à la vaccination. Toutefois, le maintien en poste sans problème des membres du personnel vaccinés ayant déclaré leur statut vaccinal n’a jamais fait de doute. Se faire vacciner constituait donc le seul moyen sûr de se conformer à la politique. La prestataire a choisi de miser sur la possibilité que son employeur n’applique pas la politique. Ce faisant, elle s’est placée dans une situation où elle n’était pas conforme à la politique. Elle devait donc faire face aux conséquences de ce choix.

Les parties ne conviennent pas que la prestataire avait une justification

[17] Les parties ne conviennent pas que la prestataire était fondée à prendre volontairement un congé de son emploi au moment où elle l’a fait.

[18] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que la personne était fondée à quitter son emploi.

[19] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle prescrit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[20] Il appartient à la prestataire de prouver qu’elle avait une justificationNote de bas de page 4. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule solution raisonnable était de prendre un congé sans solde. Lorsque je décide si la prestataire avait une justification, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a quitté son emploi.

[21] La prestataire affirme qu’elle a été mise en congé de son emploi parce qu’elle ne voulait pas divulguer ses renseignements médicaux confidentiels. Elle a donc été mise en congé sans solde par son employeur. Elle soutient qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là parce que son employeur ne lui permettrait de se prévaloir d’aucune autre solution que de se faire vacciner, comme faire des tests quotidiens.

[22] La prestataire a témoigné qu’elle est en congé autorisé pour une période indéterminée. On lui a dit qu’elle peut reprendre le travail si elle se fait vacciner.

[23] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que d’être en congé lorsqu’elle l’a fait. Plus précisément, elle prétend que la prestataire aurait pu se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Je suis d’accord.

[24] Dans la présente décision, l’employeur est une société d’État fédérale. Par conséquent, il suit les directives fédérales lorsqu’il établit ses politiques. Dans un contexte de pandémie mondiale, l’employeur a choisi de suivre les consignes afin de mettre en place des mesures pour assurer la sécurité de ses effectifs et du public avec lequel il interagit. Je conclus que la prestataire ne peut pas prouver qu’elle avait une justification dans ces circonstances.

[25] La prestataire a présenté de nombreux documents expliquant pourquoi elle croit que la politique de son employeur est illégale. Je n’ai pas le pouvoir de décider si la politique est légale ou non. Même si je l’avais, la prestataire n’a pas fourni d’éléments de preuve démontrant précisément quelle partie de la politique contrevient à son contrat ou à sa convention collective. Elle n’a pas non plus démontré qu’un tribunal ou un arbitre a conclu que la politique était illégale. Sans cette preuve, je ne peux conclure que l’employeur avait adopté des pratiques contraires à la loiNote de bas de page 5.

[26] La prestataire fait valoir que le fait de l’obliger à fournir ses renseignements confidentiels constituait une violation de ses droits. Elle ajoute cependant que passer des tests ne lui pose aucun problème. Les résultats des tests auraient dû être communiqués à son employeur, de sorte qu’elle aurait accepté de fournir des renseignements médicaux. En raison de cette contradiction, j’accorde moins de poids à son argument.

[27] La prestataire a témoigné qu’avant la mise en place de la politique, elle savait qu’elle pourrait devoir se faire vacciner. Elle espérait cependant que son employeur lui permette de subir des tests plutôt que de se faire vacciner. Elle a été en contact avec son syndicat, en souhaitant qu’il y ait une autre solution. Lorsqu’elle a été mise en congé, elle a déposé un grief par l’entremise du syndicat. Elle a donc exploré cette solution de rechange avant de prendre une décision qui l’amènerait à être mise en congé sans solde.

[28] La prestataire a témoigné qu’elle avait reçu le vaccin contre le zona en juillet 2021. À ce moment-là, elle affirme que son médecin lui a dit que si elle était intéressée par le vaccin contre la COVID-19, elle devrait attendre de six à huit mois avant de le recevoir. Je ne vois aucune preuve que la prestataire a soulevé cette question auprès de son employeur. Elle l’a peut-être mentionné dans un courriel à son gestionnaire ou au syndicat. Cependant, il n’y a aucune preuve à cet effet dans le dossier.

[29] Je comprends que la prestataire a tenté de parler à son médecin du délai pour obtenir le vaccin contre la COVID-19 après le vaccin contre le zona. Cela aurait pu lui fournir du soutien pour obtenir une exemption pour des raisons médicales afin de retarder l’obtention d’un vaccin. Le cabinet de son médecin lui a dit qu’il n’accordait pas d’exemptions pour des raisons médicales. Le fait d’avoir une telle exemption ne constituait donc pas une solution raisonnable pour elle. Cependant, cette situation laisse croire également qu’aucune raison médicale ne l’empêchait d’être vaccinée et de se conformer à la politique.

[30] J’ai examiné la question de savoir si la prestataire a été congédiée pour inconduite plutôt que d’avoir pris un congé sans justification. Je conclus qu’il ne s’agit pas d’un cas de congédiement pour inconduite pour plusieurs raisons. Premièrement, la prestataire n’a pas été congédiée, elle a plutôt été mise en congé pour une période indéterminée. Deuxièmement, la prestataire sait qu’elle peut retourner à son emploi si elle se fait vacciner. Elle a le choix de retourner au travail. C’est sa décision de ne pas se faire vacciner qui l’empêche de revenir en ce moment. Elle a le choix de mettre fin au congé ou d’attendre de voir si la politique est modifiée ou si son employeur met fin à son emploi.

[31] La prestataire avait le choix de se faire vacciner ou non et de divulguer ou non son statut à son employeur. Elle a choisi l’option qui a eu pour conséquence sa mise en congé sans solde. Elle était libre de choisir de ne pas se faire vacciner. Personne ne la forçait à se faire vacciner. Ce choix comportait cependant une conséquence. Dans cette situation, son refus l’a amenée à être en congé autorisé. Elle avait d’autres solutions que d’être en congé, de sorte qu’elle n’a pas démontré qu’elle avait une justification. Comme elle n’a pas démontré qu’elle était fondée à être en congé, elle est inadmissible aux prestationsNote de bas de page 6.

Conclusion

[32] Je conclus que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations.

[33] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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