Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : PM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 101

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : P. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 21 novembre 2022 (GE-22-2325)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-956

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. On lui a refusé une exemption fondée sur ses croyances religieuses. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu, puis qu’il avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur. Sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses a été rejetée. La division générale a jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était possible que l’employeur le congédie dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que sa convention collective ne mentionne pas les exigences de vaccination comme condition d’emploi. Il affirme aussi que l’employeur a refusé, sans fondement, sa demande d’exemption pour motifs religieux. Le prestataire dit qu’il a maintenant été rappelé au travail et que l’employeur a changé son statut, et qu’il est passé d’un congédiement avec motif valable à un congé sans solde.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la partie prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il faut pouvoir soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que sa convention collective ne mentionne pas les exigences de vaccination comme condition d’emploi. Il dit que l’employeur a refusé, sans fondement, sa demande d’exemption pour motifs religieux. Le prestataire explique qu’il a maintenant été rappelé au travail et que l’employeur a changé son statut, et qu’il est passé d’un congédiement pour motif valable à un congé sans solde.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que l’écart de conduite résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiementNote de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. Le prestataire a refusé intentionnellement, et ce refus était délibéré. Il s’agit de la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer la santé et la sécurité des membres de son personnel dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique afin de mettre en œuvre sa politique pour protéger la santé de l’ensemble du personnel et de la clientèle pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédié.

[20] La question de savoir si la politique de l’employeur n’a pas respecté la convention collective du prestataire, si l’employeur a porté atteinte aux droits de la personne, ou si l’employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption pour motifs religieux, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance appropriée auprès de laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 3.

[21] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 4.

[22] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[23] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui reconnaissait l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[24] La Cour fédérale a déclaré qu’il y a d’autres façons qu’une partie prestataire peut sanctionner le comportement d’un employeur que de transférer les coûts de ce comportement au Régime d’assurance-emploi.

[25] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[26] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’était pas de savoir si l’employeur s’était rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que cela constituerait un congédiement injuste, mais plutôt si le prestataire s’était rendu coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si cette inconduite a entraîné son congédiement.

[27] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné son congédiement.

[28] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[29] Je suis aussi pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[30] Même si le prestataire affirme que l’employeur a modifié son statut et l’a rappelé au travail, cela ne change pas la nature de l’inconduite qui a d’abord mené au congédiement du prestataireNote de bas de page 7.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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