Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1582

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : J. B.
Représentant : L. T.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (456954) datée du 17 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 avril 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 1er juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-750

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). La prestataire est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas été vaccinée contre la COVID-19. L’employeur a instauré une politique obligeant les employés à se faire vacciner. N’ayant pas été vaccinée au plus tard à la date limite, la prestataire a été mise en congé obligatoire sans solde (suspension).

[4] La Commission a décidé que la prestataire avait volontairement pris une période de congé. C’est la raison pour laquelle elle a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord pour dire qu’elle a volontairement pris une période de congé. L’employeur a exigé qu’elle prenne le congé parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences de la nouvelle politique de vaccination. Elle refusait de se faire vacciner pour plusieurs raisons et a été forcée de s’absenter du travail pour cette raison.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie au présent appel

[6] Le Tribunal a désigné l’ancien employeur de la prestataire comme mis en cause éventuel dans l’appel de la prestataire. Il a donc envoyé une lettre à l’employeur pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il souhaitait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu avant la date de la présente décision. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause dans le présent appel.

Question en litige

[7] La prestataire a‑t‑elle pris une période de congé volontaire ou l’employeur l’a‑t‑il suspendue?

[8] La prestataire a‑t‑elle été suspendue en raison d’une inconduite?

Analyse

Pourquoi la prestataire a‑t‑elle cessé de travailler?

[9] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi, à moins qu’il puisse prouver qu’il était fondé à prendre un congéNote de bas de page 2.

[10] De même, le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite est également excluNote de bas de page 3.

[11] Il arrive parfois que l’on ne puisse dire avec certitude si un prestataire a pris volontairement un congé ou si l’employeur l’a suspendu. Ces deux notions sont liées dans la Loi sur l’assurance‑emploi. Il s’agit de savoir si une personne a causé son propre chômage, soit en mettant fin à son emploi sans justification, soit en perdant son emploi en raison de son inconduite.

[12] Comme les motifs de ces inadmissibilités sont liés, je peux rendre une décision fondée sur l’un ou l’autre de ces motifs. Autrement dit, lorsque le motif de la cessation d’emploi du prestataire n’est pas clair, j’ai compétence pour décider s’il est fondé sur un congé volontaire ou sur une suspension en raison d’une inconduite.

[13] En l’espèce, l’on ne peut dire avec certitude si la prestataire a pris une période de congé volontaire. Elle a toujours déclaré à la Commission et au Tribunal que son congé n’était pas volontaire. C’est plutôt l’employeur qui lui a ordonné de prendre une période de congé sans solde. Un congé sans solde obligatoire est une autre façon de dire que la prestataire a été suspendue.

[14] Je conclus que la preuve au dossier confirme que l’employeur est à l’origine de la cessation d’emploi de la prestataire. Manifestement, l’employeur n’a pas permis à la prestataire de travailler plus longtemps parce qu’il a dit qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination. Elle pourra retourner au travail lorsqu’elle satisfera aux exigences de vaccination ou que les exigences seront modifiées pour lui permettre de retourner au travail.

[15] Comme la prestataire a été suspendue, je dois décider si elle a été suspendue en raison de son inconduite.

[16] Pour décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite, je dois régler deux choses. Premièrement, je dois décider pourquoi la prestataire a été suspendue. Je dois ensuite décider si ce motif constitue une inconduite selon la loi.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[17] Les deux parties sont d’accord pour dire que la prestataire a dû cesser de travailler parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur qui exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. Donc, c’est la conduite qui a causé sa suspension.

Le motif de la suspension de la prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[18] Le motif de la suspension de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[19] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 5. La prestataire n’a pas à avoir eu une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à avoir voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[20] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 7.

[21] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[22] La prestataire travaillait comme aide‑infirmière dans un foyer de soins de longue durée. En septembre 2021, l’employeur a instauré une politique obligeant ses employés à se faire vacciner contre la COVID-19 au plus tard le 12 octobre 2021Note de bas de page 9. La prestataire a témoigné qu’elle avait été informée de la politique par lettre et au moyen de bulletins d’information de l’entreprise affichés dans la salle du personnel.

[23] Le 30 septembre 2021, la prestataire a reçu une lettre de l’employeur l’informant qu’elle serait mise en congé sans solde à compter du 12 octobre 2021 en vertu de la politique d’immunisation contre la COVID-19 parce qu’elle n’avait pas été entièrement vaccinée et qu’aucune exemption ne s’appliquait à son égard.

[24] La prestataire a témoigné qu’elle avait cru comprendre qu’elle serait mise en congé sans solde si elle ne se faisait pas vacciner.

[25] La prestataire refusait de se faire vacciner. À son avis, le vaccin n’était pas sécuritaire. Elle avait aussi contracté la COVID-19 plus tôt cette année‑là. Elle estimait avoir suffisamment d’anticorps pour jouir de la même immunité que le vaccin lui offrirait.

[26] La prestataire devait travailler jusqu’au 8 octobre 2021. Elle a parlé à son syndicat de la politique de vaccination obligatoire et le syndicat lui a dit qu’elle terminerait ses quarts de travail jusqu’au 8 octobre 2021, puis qu’elle cesserait de travailler.

[27] La Commission a présenté ses observations sur la question de savoir si la prestataire était fondée à prendre volontairement une période de congé. Toutefois, ses observations comprennent les facteurs à prendre en considération pour décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Plus précisément, la Commission affirme que la prestataire savait qu’elle devait se conformer à la politique de l’employeur pour continuer à exercer son emploi. La prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner pour des raisons personnelles. Elle a ainsi volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[28] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle était une bonne employée et qu’elle n’avait aucun problème de rendement ou d’assiduité. La politique de vaccination obligatoire de l’employeur ne faisait pas partie de sa convention collective. Elle estime qu’elle aurait dû faire l’objet de mesures d’adaptation parce qu’elle avait déjà eu la COVID-19. Mais la politique de l’employeur exigeait qu’elle soit vaccinée.

[29] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

[30] La prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur. Il ressort clairement de la preuve qu’elle savait que le fait de ne pas se conformer entraînerait la perte de son emploi.

[31] La prestataire a été informée de la politique de l’employeur en septembre 2021. Elle a choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, contrairement à ce qu’exigeait la politique. Elle savait que le non‑respect de la politique entraînerait sa suspension.

[32] Je comprends que la prestataire ait eu des inquiétudes quant à l’innocuité du vaccin. Elle estimait aussi être suffisamment immunisée, puisqu’elle avait contracté la COVID-19 plus tôt dans l’année. Or, la politique de l’employeur n’était pas fondée sur son immunité potentielle. Elle exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. La prestataire savait que l’employeur ne l’avait pas exemptée de la politique de vaccination obligatoire parce qu’elle avait contracté la COVID-19 précédemment. Elle a tout de même choisi de ne pas se conformer à la politique. Si la prestataire avait eu l’intention de se conformer à la politique, elle aurait pu en faire part à son employeur et demander une prorogation de délai.

[33] La prestataire a déclaré que la politique ne faisait pas partie de sa convention collective.

[34] Un employeur a le droit de gérer son fonctionnement au quotidien, ce qui comprend le droit d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de ses employés, elle est devenue du même coup une condition d’emploi pour la prestataire. 

[35] Je comprends les préoccupations de la prestataire relativement au fait que la politique de l’employeur ne lui a donné aucune autre option que de se faire vacciner. Je prends note du fait qu’elle n’est pas d’accord avec la politique de l’employeur et qu’elle estime que la perte de son emploi était injustifiée.

[36] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou si le congédiement d’un prestataire était justifié. Le Tribunal doit déterminer si la conduite de la prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[37] Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint sa convention collective en suspendant la prestataire de son emploi. La prestataire a déclaré qu’elle a déposé un grief auprès de l’employeur par l’entremise de son syndicat. Le grief est un moyen qui convient davantage d’examiner des allégations selon lesquelles l’employeur a contrevenu à sa convention collective.

Donc, la prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[38] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, j’estime que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

Conclusion

[39] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[40] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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