Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ZZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 45

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelante : Z. Z.
Représentant : M. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Melanie Allen

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 mai 2022 (GE-22-302)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 18 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-372

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de compétence. J’ai remplacé sa décision par la mienne.

[3] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021.

[4] La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en vérifiant l’admissibilité du prestataire de façon rétroactive et en réexaminant sa demande.

Aperçu

[5] Z. Z. est le prestataire dans cette affaire. Le 2 août 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada l’a déclaré inadmissible aux prestations de façon rétroactive du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021, parce qu’il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour travailler pendant ses études secondaires à temps plein. Le prestataire s’est alors retrouvé avec un trop-payé (prestations versées en trop).

[6] Le prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel.

[7] Le prestataire a donc fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Il affirme que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler à temps plein. Il dit que travailler « à temps plein » n’est pas nécessairement de 9 h à 17 h et qu’il aurait pu travailler à temps plein pendant ses études. Le prestataire soutient aussi que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a ignoré les répercussions des confinements sur sa recherche d’emploi.

[8] De plus, le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a omis d’examiner si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lors du calcul du trop-payé. Il précise que la Commission n’avait pas à réexaminer sa demande, car il avait téléphoné à Service Canada au tout début. On lui avait dit qu’il n’était pas tenu de déclarer ses études secondaires comme étant de la « formation » dans son formulaire de demande et qu’il était admissible aux prestations.

[9] Je juge que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a dit que le prestataire devait chercher un emploi à temps plein. La division générale a également commis une erreur de compétence en omettant d’évaluer si la Commission avait bien exercé son pouvoir discrétionnaire quand elle a vérifié l’admissibilité du prestataire et réexaminé sa demande. J’ai remplacé la décision de la division générale par la mienne.

[10] Bref, je considère que le prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021. Je juge que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Par conséquent, je ne peux pas modifier sa décision, et le trop-payé demeure.

Je ne tiendrai pas compte des nouveaux éléments de preuve du prestataire

[11] Parmi ses observations, le prestataire a fourni un hyperlien vers un site Web gouvernemental qui décrit ce que sont des heures normales de travail. Il s’en sert pour démontrer qu’un travail à temps plein ne se limite pas aux heures typiques de 9 h à 17 h.

[12] Ces renseignements n’ont pas été fournis à la division généraleNote de bas de page 1. J’ai donc décidé de ne pas en tenir compte.

[13] En général, la division d’appel n’examine pas de nouveaux éléments de preuve parce que son rôle n’est pas de traiter le dossier une deuxième fois. La division d’appel décide plutôt si la division générale a commis certaines erreurs et comment elle les corrigera au besoin. Pour ce faire, la division d’appel examine la preuve que la division générale avait quand elle a rendu sa décision.

[14] Il y a quelques exceptions à cette règle, mais le document du prestataire n’y correspondait pasNote de bas de page 2.

Questions en litige

[15] Voici les questions à trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante, à savoir que le prestataire n’était pas disponible pour travailler à temps plein pendant ses études?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ignorant les répercussions des confinements sur la recherche d’emploi du prestataire?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence en omettant d’évaluer si la Commission avait bien exercé son pouvoir discrétionnaire quand elle a vérifié l’admissibilité du prestataire et réexaminé sa demande?

Analyse

[16] Le prestataire affirme que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait. Il soutient aussi qu’elle a commis une erreur de droit et une erreur de compétence.

[17] L’un ou l’autre de ces types d’erreurs me permettrait d’intervenir dans la décision de la division généraleNote de bas de page 3.

[18] La Commission affirme que la division générale n’a pas mal interprété la loi concernant la disponibilité et que la preuve appuyait la décision selon laquelle le prestataire n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail. Toutefois, la Commission convient que la division générale aurait dû évaluer si elle-même avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lors de la vérification rétroactive de l’admissibilité du prestataire.

La décision de la division générale

[19] Le 2 août 2021, la Commission a déclaré le prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021, car il n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travail pendant ses études secondaires à temps plein.

[20] Le prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal.

[21] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable de sa période de prestations, à moins qu’elle puisse prouver qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 4.

[22] Selon la loi, on présume que les personnes aux études à temps plein ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 5.

[23] Une personne peut réfuter cette présomption de deux façons (c’est-à-dire prouver qu’elle ne s’applique pas). L’une consiste à montrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein pendant ses étudesNote de bas de page 6. L’autre façon consiste à montrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 7.

[24] Si une personne réfute la présomption, cela signifie simplement qu’on ne supposera pas qu’elle n’est pas disponible pour travailler. Elle devra tout de même prouver qu’elle est réellement disponible à cette fin.

[25] La division générale a décidé qu’elle n’avait pas à examiner si le prestataire avait réfuté la présomption. Elle a expliqué que l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi, en vigueur du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021, exigeait seulement que les personnes aux études prouvent qu’elles étaient disponibles pour travaillerNote de bas de page 8. La division générale s’est donc surtout demandé si le prestataire avait prouvé sa disponibilité pour le travail.

[26] Selon la loi, il faut évaluer les trois éléments suivants pour analyser la disponibilité. Il s’agit de savoir si la personneNote de bas de page 9 :

  • voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable lui était offert;
  • a manifesté cette volonté par des démarches pour trouver un emploi convenable;
  • a évité d’établir des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (limiter trop) ses chances de retourner travailler.

[27] La division générale a décidé que le prestataire n’avait pas prouvé qu’il était disponible pour travailler du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021, pendant ses études secondaires à temps plein.

[28] La division générale a conclu que, même si le prestataire avait démontré qu’il voulait retourner sur le marché du travail, sa situation ne correspondait pas au premier élément évalué. En effet, il était seulement prêt à occuper des emplois qui pouvaient s’harmoniser avec son horaire de cours obligatoires de 9 h à 12 h 30 ou 13 h, du lundi au vendredi.

[29] Pour ce qui est du deuxième élément évalué, la division générale a conclu que le prestataire n’y satisfaisait pas non plus. Elle a reconnu que le prestataire attendait d’être rappelé au café de son père et qu’il faisait des démarches pour trouver un autre emploi à temps partiel. Toutefois, la division générale a décidé que le prestataire n’en faisait pas assez pour trouver du travail. Tout d’abord, il n’a fourni aucune preuve de ses démarches vérifiable de façon indépendante. De plus, il ne cherchait pas un emploi à temps plein qu’il aurait pu occuper pendant les heures normales de travail pour chaque jour ouvrable de sa période de prestations.

[30] Enfin, la division générale a conclu que la situation du prestataire ne répondait pas non plus aux exigences du troisième élément évalué. Elle a établi que le prestataire devait assister à des cours du lundi au vendredi, de 9 h à 12 h 30 ou 13 h. C’était donc une condition personnelle qui aurait pu limiter indûment son retour sur le marché du travail.

Le prestataire n’avait pas à prouver qu’il cherchait un emploi à temps plein

[31] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler à temps plein. Le prestataire soutient qu’il n’est pas nécessaire de travailler de 9 h à 17 h pour être à temps plein et qu’il aurait pu travailler à temps plein en dehors de son horaire de cours.

[32] La division générale a établi que le prestataire ne cherchait pas un emploi à temps plein qu’il aurait pu occuper pendant les heures normales de travailNote de bas de page 10. Cette conclusion de fait concordait avec la preuve.

[33] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience. Dans son témoignage, le prestataire dit avoir fait le tour de plusieurs cafés pour essayer de déposer son CV, mais ils étaient presque tous fermés. Il a fait des demandes d’emploi là où c’était ouvertNote de bas de page 11. Il n’a pas précisé qu’il cherchait un emploi à temps plein.

[34] Le prestataire a dit à la Commission qu’il travaillait à temps partiel au café de son père de 10 à 30 heures par semaine. Il a expliqué qu’en raison de son programme d’études secondaires, il ne pouvait pas avoir un emploi à temps plein. Il a précisé qu’il était disponible pour travailler à temps plein après le 25 juin 2021Note de bas de page 12. Le prestataire n’a pas contesté cela devant la division générale.

[35] Même si le prestataire soutient qu’il aurait pu travailler à temps plein en dehors de ses heures de cours, rien ne prouve qu’il cherchait réellement un emploi à temps plein. La preuve montre que le prestataire cherchait un emploi à temps partiel en dehors de son horaire de cours. La division générale n’a donc pas commis d’erreur de fait lorsqu’elle a décidé que le prestataire ne cherchait pas un emploi à temps plein.

[36] Cependant, j’estime que la division générale a commis une erreur de droit en exigeant que le prestataire prouve qu’il cherchait un emploi à temps plein.

[37] Toute partie prestataire doit prouver qu’elle est disponible pour travailler chaque « jour ouvrable » de sa période de prestationsNote de bas de page 13.

[38] Le Règlement sur l’assurance-emploi définit ce qu’est un « jour ouvrable ». Il s’agit de tout jour de la semaine, sauf le samedi et le dimancheNote de bas de page 14.

[39] La loi ne dit pas que seules les personnes qui cherchent un emploi à temps plein peuvent recevoir des prestations. Les personnes qui travaillent à temps partiel peuvent aussi établir une période de prestations. Ces personnes n’ont pas nécessairement à prouver leur disponibilité pour un emploi à temps plein. Toutefois, elles doivent rester disponibles dans la même mesure qu’avant leur demandeNote de bas de page 15. Elles ne doivent pas non plus établir des restrictions qui limitent indûment leurs chances de retourner sur le marché du travail.

[40] Le prestataire avait établi sa période de prestations en fonction d’un travail à temps partiel. La Commission a noté que le relevé d’emploi du prestataire montrait qu’il avait travaillé environ 24 heures par semaine du 19 janvier 2020 au 2 janvier 2021Note de bas de page 16.

[41] Après avoir été mis à pied, le prestataire n’a pas réduit son nombre d’heures de disponibilité pour le travail. Il a déclaré qu’il était disponible pour travailler dans la même mesure qu’avant de commencer ses coursNote de bas de page 17.

[42] En tout respect, je juge que la division générale a commis une erreur de droit quand elle a décidé que le prestataire devait chercher un emploi à temps plein pour prouver qu’il était disponible pour travailler.

La division générale n’était pas tenue d’examiner les répercussions de la pandémie sur la recherche d’emploi du prestataire

[43] Le prestataire affirme que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a ignoré le fait que la plupart des entreprises étaient fermées en périodes de confinement, ce qui a rendu sa recherche d’emploi pratiquement impossible.

[44] La division générale a admis le témoignage du prestataire selon lequel il a cherché d’autres emplois pendant les confinements, mais personne ne voulait l’embaucher. La division générale a noté que le prestataire avait postulé dans d’autres cafés qui étaient restés ouverts et qu’il était toujours disponible pour être rappelé au café de son père.

[45] Toutefois, la division générale a décidé que les démarches du prestataire ne permettaient pas de montrer qu’il avait cherché du travail de façon active, continue et ouverte en vue de trouver un emploi convenable.

[46] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ignorant les répercussions de la pandémie sur la recherche d’emploi du prestataire.

[47] Bien qu’il ne soit pas contraignant, le Règlement sur l’assurance-emploi fournit certaines directives pour décider si les démarches d’une partie prestataire montrent une volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

[48] Voici les critères pour décider si la partie prestataire fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable : 1) les démarches sont soutenues; 2) il peut s’agir de l’évaluation des possibilités d’emploi, la rédaction d’un CV ou d’une lettre de présentation, l’inscription à des outils de recherche d’emploi, à des banques d’emplois électroniques ou à des agences de placement, la participation à des ateliers de recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi, le réseautage, la communication avec des employeurs éventuels, la présentation de demandes d’emploi et la participation à des entrevuesNote de bas de page 18.

[49] Compte tenu de ces critères, je considère qu’il faut examiner les démarches que la partie prestataire a faites pour trouver du travail, et non les facteurs externes comme la pandémie. C’est ainsi que l’on peut savoir si la partie prestataire a fait le nécessaire pour démontrer sa réelle volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert. Ce qui est pertinent, ce sont les types d’activités que la partie prestataire entreprend pour trouver un emploi convenable et le fait que ses démarches sont soutenues.

[50] La Cour d’appel fédérale a clairement établi que, même si les chances de succès d’une recherche d’emploi sont faibles, la partie prestataire doit quand même chercher activement du travail pour prouver sa disponibilitéNote de bas de page 19.

[51] Dans la présente affaire, la division générale n’était pas convaincue que les démarches limitées du prestataire étaient suffisantes pour démontrer une réelle volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle devait trancher

[52] Le prestataire affirme que la division générale aurait dû évaluer si la Commission avait agi correctement lors du calcul du trop-payé rétroactif.

[53] Le prestataire a dit à la division générale qu’il avait téléphoné à Service Canada au tout début. On lui avait dit qu’il n’était pas tenu de déclarer ses études secondaires comme étant de la « formation » dans son formulaire de demande et qu’il était admissible aux prestations. Il soutient alors que les prestations versées en trop sont une erreur de la Commission.

[54] La Commission convient que la division générale aurait dû expliquer pourquoi il lui était possible d’établir un trop-payé. Mais, la Commission précise qu’elle n’a pas réexaminé la demande; elle dit avoir plutôt rendu une décision différée sur l’admissibilité au titre de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi.

[55] Les pouvoirs de réexamen de la Commission proviennent de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article prévoit que la Commission peut réexaminer toute demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où celles-ci ont été payées ou sont devenues payables. Ce délai va jusqu’à 72 mois lorsqu’il y a eu une déclaration fausse ou trompeuseNote de bas de page 20.

[56] Selon l’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, pour l’application de l’article 18(1)(a) de la Loi, une partie prestataire qui suit un cours ou un programme d’instruction ou de formation vers lequel elle n’a pas été dirigée n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations où elle ne peut pas prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

[57] Selon l’article 153.161(2), la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que la partie prestataire qui suit un cours ou un programme d’instruction ou de formation vers lequel elle n’a pas été dirigée est admissible aux prestations. Pour ce faire, la Commission peut exiger une preuve que la partie prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[58] Les articles 52 et 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi portent tous deux sur des décisions discrétionnaires. Autrement dit, même si la Commission peut vérifier l’admissibilité d’une partie prestataire et réexaminer sa demande, elle n’est pas obligée de le faire.

[59] Tout pouvoir discrétionnaire doit être exercé de façon judiciaire. En d’autres mots, la Commission a le pouvoir de vérifier l’admissibilité de quelqu’un ou de réexaminer une demande, mais sa décision peut être annulée si au moins une des situations suivantes se présenteNote de bas de page 21 :

  • la Commission a agi de mauvaise foi;
  • elle a agi avec un objectif incorrect;
  • elle a tenu compte d’un facteur non pertinent;
  • elle a ignoré un facteur pertinent;
  • elle a agi de manière discriminatoire.

[60] Dans sa décision, la division générale a mentionné que l’article 153.161 s’appliquait à la situation du prestataireNote de bas de page 22. Cependant, la division générale n’a pas décidé si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire quand celle-ci a vérifié l’admissibilité du prestataire de façon rétroactive et calculé un trop-payé.

[61] Puisque le prestataire a soulevé la question de savoir si la Commission avait agi correctement quand elle a calculé le trop-payé, c’était une erreur de compétence de ne pas trancher cette question.

Réparation

[62] Comme la division générale a commis plusieurs erreurs révisables, je peux intervenir dans l’affaireNote de bas de page 23.

[63] Pour corriger les erreurs de la division générale, je peux soit lui renvoyer l’affaire pour réexamen, soit rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 24.

[64] La Commission me demande de rejeter l’appel du prestataire sur la question de la disponibilité. Mais elle me demande de renvoyer à la division générale la question de savoir si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour qu’un nouvel examen soit effectué.

[65] Le prestataire veut que j’accueille l’appel complètement. Il dit que je devrais remplacer la décision de la division générale par la mienne, afin de conclure qu’il était disponible pour travailler et que la Commission n’a pas bien exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a réexaminé sa demande.

[66] Je suis convaincue que les parties ont pu présenter leurs arguments entièrement et équitablement devant la division générale, et le dossier est assez complet pour me permettre de remplacer la décision sur les deux questions.

[67] Le prestataire a déjà prouvé à la division générale pourquoi il pense que la Commission a mal agi en réexaminant sa demande. Même si la Commission n’a pas présenté d’observations à la division générale sur les facteurs qu’elle a pris en considération dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, les notes et les décisions de la Commission fournissent un aperçu de sa réflexion.

[68] Bref, je juge que je peux remplacer la décision dans cette affaire.

Le prestataire n’a pas prouvé sa disponibilité pour le travail

[69] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021.

[70] Dans le cadre de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi, la division générale a décidé qu’il n’était pas nécessaire d’appliquer la présomption de non-disponibilité qui concerne les personnes aux études à temps plein. Cette présomption est énoncée dans la jurisprudence de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 25.

[71] La division générale s’est fondée sur une affaire de la division d’appel lorsqu’elle a décidé que la présomption ne s’appliquait pas. Toutefois, la division d’appel n’a pas toujours tiré les mêmes conclusions en la matièreNote de bas de page 26.

[72] J’estime que la présomption s’applique dans le cadre de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne vois rien dans cet article qui remplace la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale concernant la présomption de non-disponibilité. L’article 153.161(1) exige que toute partie prestataire aux études prouve sa disponibilité pour le travail en fonction de l’article 18(1)(a) de la Loi, et la présomption est liée à l’article 18(1)(a).

[73] Le prestataire étudiait à temps plein, alors on a présumé qu’il n’était pas disponible pour travailler. Rien ne prouve qu’il avait déjà travaillé à temps plein pendant ses études, alors il ne peut pas réfuter la présomption de cette façon.

[74] Toutefois, le prestataire avait déjà travaillé au café de son père environ 24 heures par semaine pendant ses études. Son relevé d’emploi montre qu’il a eu ce type d’horaire au moins un an. Je suis donc convaincue que le prestataire aurait pu continuer à faire ce nombre d’heures pendant ses études.

[75] Je considère que le prestataire a réfuté la présomption de non-disponibilité. Mais cela veut simplement dire que je ne peux pas présumer qu’il n’était pas disponible pour travailler. Le prestataire doit tout de même prouver sa disponibilité.

[76] J’estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[77] La division générale a conclu que le prestataire n’avait pas une réelle volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

[78] La preuve montrait que le prestataire n’était pas prêt à abandonner ses études s’il recevait une offre de travail et qu’il pouvait seulement travailler en dehors de ses cours, qui avaient lieu de 9 h à 12 h 30 ou 13 h, du lundi au vendredi. Il donnait la priorité à ses études plutôt qu’à son retour au travail. Même s’il souhaitait peut-être retourner au travail, le fait de limiter sa disponibilité ne démontre pas une réelle volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

[79] En ce qui concerne le deuxième élément évalué au sujet de la disponibilité, j’estime que les démarches du prestataire pour trouver un emploi convenable ne montrent pas une réelle volonté de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable serait offert.

[80] Pour orienter ma décision, j’ai consulté les critères qui servent à établir si des démarches pour obtenir un emploi convenable sont habituelles et raisonnablesNote de bas de page 27.

[81] Le prestataire a déclaré que sa foi l’empêche de travailler dans des endroits où il pourrait y avoir de l’alcool, ce qui comprend certaines épiceries et certains restaurantsNote de bas de page 28. Ce qui lui convenait était donc un emploi de vente au détail où il ne pouvait pas entrer en contact avec de l’alcoolNote de bas de page 29.

[82] Dans sa recherche d’emploi, le prestataire a attendu d’être rappelé au café de son père et a déposé des CV dans certains cafés restés ouverts.

[83] Comme la division générale l’a souligné, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il ne suffit pas d’attendre de se faire rappeler au travail pour prouver sa disponibilitéNote de bas de page 30.

[84] Je juge que les démarches du prestataire ne démontrent pas une recherche d’emploi active et soutenue. Sa recherche était plutôt passive. Il aurait pu en faire plus, par exemple, en cherchant du travail en ligne. Il aurait pu s’inscrire auprès d’agences de placement. Il aurait pu faire du réseautage ou bien élargir sa recherche au-delà des cafés pour trouver d’autres emplois de vente au détail où aucun alcool n’était vendu.

[85] Comme je l’ai mentionné plus haut, même si le prestataire cherchait du travail dans le contexte des confinements et que ses chances de trouver un emploi semblaient minces, il devait tout de même chercher activement du travail pour remplir les critères sur la disponibilité.

[86] J’estime que la situation du prestataire ne correspond pas non plus au troisième élément évalué au sujet de la disponibilité. Le prestataire a établi une condition personnelle en voulant travailler seulement en dehors de ses heures de cours, qui avaient lieu de 9 h à 12 h 30 ou 13 h, du lundi au vendredi. Je considère que cette condition a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[87] La Cour d’appel fédérale a affirmé à maintes reprises que les personnes aux études qui limitent leur disponibilité pour le travail à des périodes en dehors de leur horaire de cours ne sont pas disponibles pour travaillerNote de bas de page 31. Je dois donc garder ce principe à l’esprit.

[88] Cependant, je ne peux pas appliquer cette jurisprudence sans tenir compte de la preuve. La disponibilité est une question de faits. Autrement dit, je dois quand même me demander si, dans la situation du prestataire, le fait d’être seulement prêt à travailler en dehors de son horaire de cours a limité indûment ses propres chances de retourner au travail.

[89] Le prestataire avait l’habitude de faire des quarts de travail irréguliers au café de son père en dehors de son horaire de cours.

[90] J’admets que certains cafés auraient pu s’adapter à l’horaire d’études du prestataire. Cependant, selon le témoignage du prestataire, il n’y avait pas grand-chose d’ouvert pendant les confinementsNote de bas de page 32. De plus, la restriction du prestataire sur ses heures de disponibilité était importante : il ne pouvait pas travailler en avant-midi, et ce, tous les jours. Son horaire restrictif éliminait tout un ensemble d’employeurs potentiels en vente au détail dont les heures de travail étaient typiques ou nécessitaient des quarts de matin.

[91] Par conséquent, je juge qu’en étant disponible pour travailler seulement en dehors de son horaire de cours, le prestataire a limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[92] Je peux comprendre pourquoi le prestataire ne voulait pas qu’un emploi nuise à son horaire de cours. Toutefois, la disponibilité est une question objective qui ne dépend pas des raisons particulières qu’une personne peut avoir pour restreindre sa disponibilité, même si ces raisons sont admirables ou éveillent la compassion.

[93] Malheureusement, le prestataire n’a été en mesure de satisfaire à aucun des éléments évalués concernant sa disponibilité. Il n’a donc pas prouvé sa disponibilité pour le travail du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021.

La Commission a bien exercé son pouvoir discrétionnaire

[94] Le prestataire affirme que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement quand elle a réexaminé sa demande. Il soutient que les prestations versées en trop sont une erreur de la Commission. Il dit que Service Canada l’avait informé qu’il n’était pas tenu de déclarer ses études secondaires comme étant de la « formation » dans son formulaire de demande et qu’il était admissible aux prestations.

[95] La Commission précise qu’elle n’a pas réexaminé la demande de prestations selon l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi; elle dit avoir plutôt rendu une décision différée sur l’admissibilité au titre de l’article 153.161 de la Loi.

[96] La division d’appel a déjà établi que l’article 153.161 ne permet pas de rendre une décision différée sur l’admissibilitéNote de bas de page 33. Elle permet plutôt de vérifier plus tard l’admissibilité d’une personne. Je suis d’accord avec ce raisonnement et je l’adopte dans la présente affaire.

[97] Cela dit, les articles 52 et 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi donnent à la Commission le pouvoir de vérifier de façon rétroactive l’admissibilité d’une partie prestataire après le versement des prestations, de réexaminer sa demande et d’établir un trop-payé, s’il y a lieu.

[98] Dans la présente affaire, il faut se demander si la Commission a agi de façon judiciaire. Je vais examiner le contexte dans lequel la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire.

[99] Le prestataire a rempli sa demande de prestations le 5 janvier 2021. Il n’a pas déclaré ses études.

[100] Dans le formulaire de demande, on mentionne que la partie prestataire doit notamment être capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable d’obtenir un emploi convenable. On mentionne ses responsabilités, comme chercher activement un emploi convenable et tenir un dossier de recherche d’emploi détaillé. On suggère aussi diverses activités de recherche d’emploiNote de bas de page 34. On précise que les renseignements fournis seront utilisés pour déterminer l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et qu’ils peuvent être vérifiésNote de bas de page 35.

[101] Comme le formulaire de demande contenait peu de renseignements, la Commission a décidé de verser des prestations au prestataire.

[102] Le prestataire a fait des déclarations bimensuelles pour la période du 27 décembre 2020 au 6 mars 2021. Dans chaque déclaration, il a répondu « Non » à la question lui demandant s’il était aux études ou s’il suivait un cours de formation pendant la période visée par la déclarationNote de bas de page 36.

[103] Le 27 mai 2021, le prestataire a communiqué avec la Commission pour renouveler sa demande. Pendant cette discussion, la Commission a appris que le prestataire étudiait au secondaire à temps plein du 8 septembre 2020 au 26 juin 2021 et qu’il n’était pas prêt à remettre en question ses études ou à les abandonner pour accepter un emploi à temps plein. Le prestataire a aussi dit qu’il était obligé d’assister à ses cours et qu’il y consacrait 18 heures par semaineNote de bas de page 37.

[104] Après cette discussion, à partir de la semaine du 6 juin 2021, le prestataire a commencé à mentionner ses études dans ses déclarationsNote de bas de page 38.

[105] Le 29 juillet 2021, la Commission a reparlé au prestataire à propos de ses études pour essayer de vérifier son admissibilité. La Commission a obtenu d’autres renseignements sur son horaire de cours, sur le temps qu’il consacrait à ses études, sur le fait qu’il n’était pas prêt à remettre en question ses études ou à les abandonner pour accepter un emploi et sur son horaire de travail précédent.

[106] Dans la discussion avec la Commission, le prestataire a aussi expliqué qu’il avait répondu « Non » à la question du formulaire lui demandant s’il suit ou suivra un cours ou un programme de formation, parce qu’on lui avait dit de répondre ainsi lorsqu’il avait parlé à Service Canada au téléphone. La personne à l’autre bout du fil l’avait informé qu’il pouvait recevoir des prestations d’assurance-emploi même pendant ses études secondaires. Il pouvait alors répondre « Non » à cette questionNote de bas de page 39.

[107] La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire pour réexaminer la demande à la lumière des renseignements qu’elle avait obtenus.

[108] Le 2 août 2021, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations du 27 décembre 2020 au 26 juin 2021, car il suivait un cours de formation de sa propre initiative et n’avait pas prouvé sa disponibilité pour le travailNote de bas de page 40. Elle a calculé le trop-payé et envoyé un avisNote de bas de page 41.

[109] Je ne vois aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi, qu’elle a tenu compte de facteurs non pertinents, qu’elle a ignoré des facteurs pertinents ou qu’elle a agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire le 29 juillet 2021. La Commission a agi en fonction des renseignements pertinents qu’elle avait reçus lors de la discussion téléphonique du 27 mai 2021 et qui remettaient en question l’admissibilité du prestataire. Elle a donc décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire en lui demandant plus de renseignements le 29 juillet 2021.

[110] Le prestataire ne m’a pas convaincue que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon non judiciaire quand elle a réexaminé sa demande le 2 août 2021 et calculé un trop-payé.

[111] La Commission n’a pas omis de tenir compte de renseignements pertinents, n’a pas tenu compte de renseignements non pertinents et n’a pas agi de façon discriminatoire ou de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande. Toute partie prestataire est tenue de rembourser les prestations versées par la Commission auxquelles elle n’avait pas droitNote de bas de page 42. Il convient donc de réexaminer une demande lorsqu’il semble que la partie prestataire n’avait pas droit aux prestations.

[112] Le prestataire n’a fourni aucun nouveau renseignement pertinent à la division générale. La Commission était au courant de l’information que le prestataire avait reçue de Service Canada, car il lui en avait parlé.

[113] La Commission n’a pas mentionné cette information dans sa décision de réexamen. Elle n’était pas tenue de le faire. Le prestataire n’a pas reçu de conseils erronés sur son admissibilité. Il était admissible aux prestations lorsqu’il a présenté sa demande, car il avait accumulé assez d’heures d’emploi assurable pour répondre aux conditions requises.

[114] Cependant, le formulaire de demande indique clairement qu’il y a des exigences continues à remplir pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi, l’une d’entre elles étant que la partie prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin. Lorsque le prestataire a fait sa demande de prestations, rien ne prouve qu’il a discuté avec Service Canada de sa disponibilité pour le travail ou du fait qu’il aurait été induit en erreur d’une certaine façon au sujet des exigences de disponibilité.

[115] Service Canada a mal conseillé le prestataire en lui disant de ne pas déclarer ses études dans son formulaire de demande. Toutefois, les versements continus au prestataire ne reposaient pas seulement sur ce formulaire. Le prestataire a aussi fait des déclarations bimensuelles. Elles contenaient la note suivante : [traduction] « Je comprends que ces renseignements serviront à déterminer mon admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Je comprends que les renseignements que j’ai fournis peuvent être vérifiés. »

[116] Le prestataire n’a pas mentionné ses études dans ses déclarations bimensuelles. J’estime que c’est une erreur de bonne foi. Il a peut-être compris que les conseils de la Commission sur le fait de ne pas déclarer ses études dans le formulaire de demande s’appliquaient aussi aux déclarations.

[117] Cette erreur a fait que la Commission n’était pas au courant des études du prestataire pendant que des prestations continues lui étaient versées. Elle n’était pas au courant jusqu’à l’appel téléphonique du 27 mai 2021.

[118] Je considère que la Commission a agi de façon judiciaire en réexaminant la demande. En effet, elle a reçu de nouveaux renseignements le 27 mai 2021 que le prestataire n’avait pas fournis dans ses déclarations, elle a appris que le prestataire était aux études et, quand elle a commencé à vérifier son admissibilité le 29 juillet 2021, le prestataire n’était pas capable de prouver sa disponibilité pour le travail.

[119] Puisque la Commission a agi de façon judiciaire en réexaminant la demande, je ne peux pas modifier sa décision. Cela signifie que le trop-payé demeure. 

[120] J’imagine que ce résultat décevra le prestataire. S’il ne l’a pas encore fait, le prestataire peut demander à la Commission d’envisager l’annulation de sa dette. Il peut aussi demander au Centre d’appels de la gestion des créances de l’Agence du revenu du Canada (1-866-864-5823) d’envisager l’annulation de sa dette ou l’établissement d’un plan de remboursement.

Conclusion

[121] L’appel est rejeté.

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