Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1611

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : B. G.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance emploi du Canada (455941) datée du 28 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Nathalie Léger
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 9 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 18 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1815

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant sa formation clinique. Cela signifie qu’il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire pourrait donc avoir droit à des prestations.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 15 mars 2021 au 30 avril 2021 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, le prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’un prestataire doit chercher un emploi.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit établir une preuve selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il suivait sa formation clinique, qui faisait partie d’un cours non dirigé, et qu’il avait choisi de travailler dans un établissement de soins de longue durée alors qu’il savait que sa mobilité professionnelle serait par conséquent restreinte.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme que sa formation clinique de six semaines était la dernière partie de sa formation d’infirmier. Il a étudié à temps plein et travaillé à temps partiel, puis à temps plein pendant toutes ses études. Il soutient que lors de cette formation clinique, ce ne sont pas ses choix, mais bien la loi qui limitait indûment ses chances de trouver un autre emploi tout en suivant cette formation.

[7] Le 15 avril 2020, le gouvernement de l’Ontario a pris un décret d’urgenceNote de bas de page 1 prévoyant que les travailleuses et travailleurs ne pouvaient être en fonction que dans un seul foyer de soins de longue durée. Ce décret était en vigueur du 22 avril 2020 au 28 mars 2022. Il a été pris au plus fort de la pandémie de COVID-19 pour protéger les patients âgés, très vulnérables, du virus.

Question en litige

[8] Le prestataire était-il disponible pour travailler pendant sa formation clinique?

Analyse

[9] Deux dispositions différentes de la loi exigent que le prestataire démontre qu’il est disponible pour travailler. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible en vertu de ces deux articles. Il doit donc satisfaire aux critères des deux articles pour obtenir des prestations.

[10] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit qu’un prestataire doit prouver qu’il fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 2. Le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) énonce des critères qui contribuent à expliquer ce que sont des « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 3. Je vais examiner ces critères plus loin.

[11] Pour se fonder sur cette disposition, la Commission doit démontrer qu’elle a demandé au prestataire de fournir une preuve des mesures qu’il a prises pour trouver un emploi convenable. La Commission doit demander une preuve précise de ces mesures et expliquer quel type de preuve la satisferaNote de bas de page 4.

[12] Deuxièmement, la Loi dispose que le prestataire doit prouver qu’il est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’il est incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 5. La jurisprudence énumère trois éléments qu’un prestataire doit prouver pour démontrer qu’il est « disponible » en ce sensNote de bas de page 6. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[13] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux dispositions de la loi.

[14] Je vais maintenant examiner ces deux dispositions moi-même pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[15] Tout d’abord, je dois décider si la Commission peut se fonder sur cet articleNote de bas de page 7 de la Loi pour rendre sa décision.

[16] Je conclus que la Commission ne peut pas invoquer cette disposition. En effet, le dossier ne mentionne aucunement qu’elle a déjà demandé au prestataire de fournir une preuve des mesures qu’il a prises pour trouver un emploi convenable pendant sa formation clinique. Comme il a été expliqué précédemment, cet article de la Loi ne s’applique que si la Commission peut prouver qu’elle a demandé, sans obtenir, une preuve des mesures raisonnables prises pour trouver un emploi convenable.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[17] Je déciderai donc seulement si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 8. La jurisprudence énonce trois éléments dont je dois tenir compte pour trancher cette question. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 9 :

  1. a) Il voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.

[18] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois tenir compte de l’attitude et de la conduite du prestataireNote de bas de page 10.

Désir de retourner au travail

[19] Le prestataire a démontré qu’il voulait retourner au travail dès qu’un emploi convenable serait disponible.

[20] Le prestataire a témoigné que dès que sa formation clinique a pris fin, il a repris le travail au foyer de soins infirmiers où il était en poste auparavant. Il a ajouté que si la loi lui avait permis de continuer à travailler à son emploi régulier pendant sa formation, il l’aurait fait.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[21] Le prestataire a fait suffisamment de démarches pour trouver un emploi convenable.

[22] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi figurant à l’article 9.001 du Règlement pour statuer sur ce deuxième élément. Pour cet élément, cette liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 11.

[23] Les démarches du prestataire pour trouver un emploi consistaient notamment à demander à l’employeur où il a suivi sa formation clinique et s’il pouvait exercer d’autres fonctions. Il a déclaré qu’il avait également demandé à son employeur régulier s’il pouvait continuer à travailler à quelque titre que ce soit pendant sa formation de six semaines. Il a ajouté qu’il a essuyé un refus parce que cela allait à l’encontre du décret d’urgence. Il a témoigné qu’il n’avait pas cherché ailleurs, car il ne voulait pas mettre en danger la clientèle âgée et vulnérable avec laquelle il travaillait.

[24] Ces démarches suffisent pour satisfaire aux exigences de ce deuxième élément parce que le prestataire ne pouvait vraiment pas faire davantage pour trouver un autre emploi pendant cette période critique de la pandémie.

[25] L’application hors contexte de la Loi ou du Règlement ne peut que donner des résultats non souhaitables ou illogiques. Au plus fort de la pandémie, on sait tous que le personnel infirmier et le personnel des soins de santé se trouvaient dans une situation désastreuse. En effet, il combattait un virus qui a fait des ravages dans les établissements de longue durée. Les résidentes et les résidents de l’Ontario avaient besoin, comme les citoyens du monde entier, d’un personnel infirmier accru. Dans ce contexte, il est déraisonnable de dire à un prestataire qu’il aurait dû reporter sa formation à un moment où le flux entre les lieux de travail était plus fluide. En plus, de tels propos vont à l’encontre de ce qu’il fallait pour mettre fin à cette pandémie pour toutes et tous.

Limiter indûment les chances de retourner au travail

[26] Le prestataire n’a pas établi des conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.

[27] Le prestataire affirme qu’il ne l’a pas fait parce que ce ne sont pas ses choix, mais bien la loi qui limitait sa mobilité et le type de travail que les employeurs étaient autorisés à lui confier.

[28] La Commission affirme qu’en choisissant de suivre sa formation, il a établi des conditions personnelles puisqu’il savait qu’il pouvait travailler dans un seul établissement de soins de longue durée.

[29] Je conclus que le prestataire affirme avec raison que c’est le décret d’urgence qui l’empêchait de travailler davantage, et non ses propres choix. Je note encore une fois que le prestataire a des antécédents de travail à temps plein pendant ses études. Je note également qu’il avait affirmé avoir demandé à ses employeurs permanents et temporaires de travailler à un autre titre. Les deux employeurs ont refusé en raison du décret d’urgence et de la situation liée à la pandémie. Je conclus que ce n’est donc pas le prestataire qui a établi des conditions personnelles ayant limité ses chances de trouver un autre emploi ou de travailler plus d’heures. Je conclus que ce sont les effets combinés de la pandémie et du décret d’urgence qui ont créé les limites, et non ses choix.

Donc, le prestataire était-il capable de travailler et disponible à cette fin?

[30] D’après mes conclusions relatives aux trois éléments, je juge que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[31] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Pour cette raison, je conclus que le prestataire n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations. Le prestataire pourrait donc avoir droit à des prestations.

[32] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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