Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 127

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : J. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 novembre 2022 (GE-22-2816)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 2 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-965

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été mis en congé sans solde parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La division générale a jugé que le prestataire savait (ou qu’il aurait dû savoir) qu’il était possible que l’employeur le suspende dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que l’employeur n’a pas le droit de lui imposer un vaccin expérimental qui ne fonctionne pas. Il avance qu'il a été prouvé que le vaccin ne prévient pas la transmission. Le prestataire estime qu’il a été victime de discrimination en raison de son choix personnel. Il soutient que l’employeur a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation et qu’il a porté atteinte à ses droits fondamentaux ainsi qu’à son droit constitutionnel à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il faut pouvoir soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur n’a pas le droit de lui imposer un vaccin expérimental qui ne fonctionne pas. Il avance qu'il a été prouvé que le vaccin ne prévient pas la transmission. Le prestataire estime qu’il a été victime de discrimination en raison de son choix personnel. Il soutient que l’employeur a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation et qu’il a porté atteinte à ses droits fondamentaux ainsi qu’à son droit constitutionnel à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire, ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et il avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus du prestataire était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit également de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait (ou qu’il aurait dû savoir) que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l'assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Le prestataire soutient qu’il avait des préoccupations légitimes sur le plan de la sécurité ainsi que sur le plan juridique et moral.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, la politique s’appliquait à tous les membres du personnel et elle était conforme aux recommandations du gouvernement provincial. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[21] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[22] La question de savoir si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire ou si la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits fondamentaux et à son droit constitutionnel à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance appropriée auprès de laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 3.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il estimait avoir été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique, et qu’on a porté atteinte aux droits qui lui sont garantis par le droit canadien et le droit internationalNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent être présentées adéquatement dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans transférer les coûts de ce comportement au Régime d’assurance-emploi.

[27] La preuve prépondérante devant la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré dene pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, et que cela a entraîné sa suspension.

[28] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5 .

[29] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable concernant, par exemple, la compétence de la division générale ou le manquement à un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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