Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1579

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Prestataire  : L. W.
Commission : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (423923) datée du 29 juin 2021 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Audrey Mitchell
Mode d’audience : Téléconférence
Type d'audience : Le 15 mars 2022
Participante à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 21 mars 2022
Numéro de dossier : GE-21-2464

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (la Commission) a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). En conséquence, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a dit qu’elle a été congédiée parce qu’elle ne s’est pas présentée à son quart de travail prévu à l’horaire. Elle a bien envoyé à son employeur une note du médecin avant cela pour justifier son absence du travail.

[4] Si la prestataire ne nie pas que cela se soit produit, elle affirme cependant que ce n’est pas la véritable raison pour laquelle l’employeur l’a mise à la porte. Elle soutient que l’employeur l’a congédiée en fait au motif qu’elle s’est absentée du travail pendant une très longue période et sur le fondement de renseignements erronés que d’autres employés lui ont fournis.

[5] La Commission a accepté le motif du congédiement de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, elle a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

Questions que je dois d’abord examiner

La prestataire m’a demandé d’ajourner (c’est‑à‑dire de suspendre) l’appel

[6] La prestataire m’a demandé d’ajourner l’audience parce qu’elle était malade. Dans l’intérêt de la justice naturelle, j’ai accordé l’ajournement.

L’employeur de la prestataire a demandé d’être mis en cause dans l’appel

[7] Le Tribunal a envoyé à l’employeur de la prestataire une lettre lui demandant s’il voulait être mis en cause dans l’appel. L’employeur a demandé d’être mis en cause, mais il a expliqué [sic] en quoi il a un intérêt direct dans l’appel. C’est pourquoi j’ai rejeté sa demande.

[8] L’employeur a fait appel de ma décision devant la division d’appel du Tribunal. J’ai ajourné l’appel de la prestataire en attendant l’issue de l’appel de l’employeur. La division d’appel a rejeté la permission d’en appeler. Pour cette raison, l’appel de la prestataire a été instruit.

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à la question de savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, je dois régler deux choses. Je dois d’abord établir pourquoi la prestataire a perdu son emploi. Je dois ensuite déterminer si le droit considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas présentée au travail comme prévu et qu’elle n’a pas envoyé à son employeur une note de médecin à jour comme il le fallait avant le début du quart de travail.

[12] La prestataire et la Commission ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi. La Commission affirme que la raison donnée par l’employeur est la véritable raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission qu’il avait congédié la prestataire parce qu’elle ne s’était pas présentée à son quart de travail prévu à l’horaire.

[13] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que la véritable raison pour laquelle elle a perdu son emploi est qu’elle a été absente du travail pendant une longue période. Elle affirme qu’un nouvel employé a donné des renseignements erronés à son employeur à son sujet.

[14] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas envoyé à son employeur une note du médecin justifiant son absence du travail. Sans la note du médecin à l’appui, l’employeur a conclu que la prestataire était en retard au travail.

[15] La prestataire a témoigné qu’elle a eu en juillet 2020 un accident au cours duquel elle a subi des blessures. Elle a été hospitalisée pendant six jours à la suite de cet accident. Elle ne pouvait donc pas travailler. La prestataire a déclaré que ses médecins lui avaient d’abord dit qu’elle serait en arrêt de travail pendant au moins trois à six mois. Elle a confirmé à l’audience que son employeur exigeait qu’elle lui envoie des notes du médecin. Elle a dit à la Commission qu’elle envoyait les notes du médecin à la directrice des ressources humaines au moins une fois par mois.

[16] La prestataire a envoyé à son employeur une note du médecin selon laquelle elle était incapable de travailler du 28 janvier 2021 au 28 février 2021. Elle a tenté de consulter son médecin avant le 28 février 2021, mais en vain. Elle s’est rendue au cabinet du médecin le lundi 1er mars 2021 et a obtenu une nouvelle note. Selon cette note, la prestataire n’était pas en mesure de travailler avant la période du 28 février 2021 au 28 avril 2021. La prestataire a envoyé la note à jour à son employeur à 15 h 40 le 1er mars 2021.

[17] L’employeur a envoyé à la prestataire une lettre datée du 1er mars 2021. Il l’a informée qu’il la congédiait parce qu’il s’attendait à ce qu’elle soit au travail le 1er mars 2021 à 7 h 30. Il a mentionné la dernière note du médecin de la prestataire selon laquelle elle serait en arrêt de travail jusqu’au 28 février 2021. Il a renvoyé également à un avertissement écrit qu’il lui avait donné par le passé et selon lequel il la congédierait si elle était de nouveau en retard au travail.

[18] La prestataire a admis qu’elle était arrivée en retard au travail à quelques reprises. Elle a fait valoir cependant que ces situations avaient échappé à son contrôle et qu’elle avait dans tous les cas repris le temps perdu. Elle a dit avoir l’impression que son employeur la traitait différemment de ses collègues.

[19] La prestataire a affirmé croire que l’employeur ne voulait pas d’elle comme employée parce qu’elle était absente depuis plusieurs mois. À son avis, il s’est servi de son absence au travail pour la congédier.

[20] La prestataire avait été absente du travail pendant environ sept mois et demi avant que son employeur la congédie. Elle a déposé des copies des notes de son médecin qu’elle avait envoyées à son employeur. L’employeur n’a fait mention de la période pendant laquelle la prestataire avait été absente du travail que lorsqu’il lui a posé une question au sujet d’une demande de prestations d’invalidité de longue durée. L’employeur a dit à la Commission que la prestataire lui a répondu qu’elle avait l’intention de retourner au travail et qu’elle n’avait pas demandé de prestations d’invalidité de longue durée.

[21] Je ne suis pas convaincue que l’employeur a congédié la prestataire parce qu’elle s’est absentée du travail pendant trop longtemps. La prestataire avait envoyé chaque mois à son employeur des notes du médecin selon lesquelles elle était incapable de travailler. Je conclus, d’après la preuve produite par la prestataire et la Commission, que la prestataire n’a pas envoyé de note à son employeur avant le 28 février 2021 pour l’informer qu’elle était encore incapable de travailler.

[22] Je conclus que la prestataire était arrivée au travail en retard par le passé. Je conclus également que l’employeur l’avait avertie qu’il pourrait la congédier si elle était à nouveau en retard. La prestataire a confirmé qu’elle commençait habituellement à travailler à 7 h 30. Compte tenu de cette preuve objective et du contenu de la lettre de licenciement, je conclus que la déclaration de la prestataire selon laquelle son employeur l’a congédiée parce qu’elle a été absente du travail pendant une très longue période est conjecturale.

[23] J’accorde plus de poids à la lettre de licenciement qu’aux conjectures de la prestataire. Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle s’est présentée [sic] au travail comme prévu et qu’elle n’avait pas envoyé à son employeur une note du médecin à jour à l’appui de son absence le 1er mars 2021.

La raison du congédiement de la prestataire est‑elle une inconduite au sens de la loi?

[24] Le motif du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[25] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite doit être une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3. La prestataire n’a pas à avoir une intention fautive (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[26] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit congédiéeNote de bas de page 5.

[27] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’employeur de la prestataire avait déjà averti cette dernière que tout autre retard entraînerait son congédiement.

[29] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’elle avait dit à son employeur qu’elle en saurait davantage sur son retour au travail après son rendez‑vous avec un spécialiste en avril 2021.

[30] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y avait eu inconduite parce que la prestataire savait que, si elle était en retard au travail, son employeur pouvait la congédier.

[31] L’employeur de la prestataire a dit à la Commission qu’il avait averti la prestataire au sujet de ses retards. Il lui a fait parvenir un courriel qu’il a envoyé à la prestataire après l’avoir congédiée. Dans ce courriel, il a dressé une liste des avertissements qu’il lui avait donnés par le passé, et qui ont mené à son licenciement. Entre autres choses, la prestataire avait à quatre occasions été en retard au travail ou ne s’y était pas présentée.

[32] L’employeur de la prestataire a également envoyé une déclaration que la prestataire avait signée. Il dit qu’elle l’a signée le 23 avril 2020. Dans cette déclaration, la prestataire a reconnu l’existence des avertissements antérieurs concernant son arrivée tardive au travail et le fait que l’employeur aurait dû la congédier le 23 avril 2020, date à laquelle elle était arrivée au travail en retard. Suivant cette déclaration, la prestataire comprend qu’elle aura [traduction] « une dernière occasion d’arriver au travail à l’heure chaque jour ».

[33] La prestataire affirme qu’elle a signé la déclaration uniquement parce qu’elle n’avait pas le choix. Selon elle, aucun des éléments contenus dans la déclaration ne constitue une raison légitime de lui servir un avertissement. La prestataire a confirmé qu’elle avait été en retard pour des raisons indépendantes de sa volonté, mais elle a dit qu’elle avait toujours repris le temps perdu.

[34] La prestataire a déclaré que l’employeur lui avait dit qu’il supprimerait les lettres d’avertissement de son dossier. Selon elle, c’était attribuable au fait qu’un employé avait admis avoir eu tort au sujet d’un avertissement écrit. La prestataire a dit à la Commission que l’employé avait rédigé un avertissement selon lequel elle n’avait pas suivi les procédures liées à la COVID-19.

[35] La prestataire a témoigné qu’elle savait que si elle était en retard au travail, son employeur pourrait la congédier. J’accepte sa déclaration comme un fait et je conclus qu’elle savait qu’elle pourrait être congédiée si elle ne se présentait pas au travail à l’heure. Je ne suis donc pas d’accord avec sa déclaration selon laquelle les renvois à des retards dans sa déclaration signée ne sont pas des raisons légitimes de lui servir un avertissement. Je note également que la déclaration signée ne renvoie à aucun avertissement concernant le non‑respect des procédures liées à la COVID-19.

[36] Comme il a été mentionné précédemment, la prestataire envoyait chaque mois à son employeur des notes du médecin pour justifier son absence du travail. Elle a envoyé une note pour son absence jusqu’au 28 février 2021. Son employeur affirme qu’il s’attendait à ce qu’elle soit au travail à 7 h 30 pour entreprendre son quart de travail le 1er mars 2021. La prestataire a envoyé à son employeur une note du médecin à jour le 1er mars 2021 à 15 h 40.

[37] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait eu des nouvelles de la prestataire pour la dernière fois le 1er février 2021. Il affirme qu’elle lui a dit qu’elle espérait retourner au travail le 1er mars 2021.

[38] La prestataire conteste cette affirmation. Elle a dit qu’elle éprouvait encore des douleurs et qu’elle avait un rendez‑vous chez un spécialiste en avril 2021. Elle a dit que, lorsqu’elle a répondu à l’employeur, elle voulait dire qu’elle espérait retourner au travail à un moment donné dans l’avenir. Elle affirme avoir parlé à l’employeur en février 2021 lorsqu’elle a obtenu le rendez‑vous du mois d’avril 2021 avec un spécialiste. Elle affirme avoir dit à l’employeur qu’elle le tiendrait au courant après son rendez‑vous chez le spécialiste.

[39] La prestataire a inclus sa réponse aux questions de l’employeur du 1er février 2021. Elle a dit qu’elle espérait retourner au travail, mais qu’elle n’avait pas demandé de prestations d’invalidité de longue durée.

[40] Compte tenu de l’échange de courriels du 1er février 2021, je ne crois pas que la prestataire ait dit à son employeur qu’elle serait de retour au travail le 1er mars 2021. Toutefois, je ne crois pas que la prestataire ait fourni à l’employeur suffisamment de renseignements pour qu’il sache qu’elle ne serait pas au travail le 1er mars 2021.

[41] La prestataire a envoyé des copies des courriels qu’elle avait envoyés à son employeur après son accident. Elle a envoyé ces courriels, auxquels étaient jointes des notes du médecin concernant ses absences, à la directrice des ressources humaines. La prestataire affirme qu’en février 2021, elle a parlé au propriétaire, qui est l’époux de la directrice des ressources humaines. Elle lui a parlé de son rendez‑vous au mois d’avril 2021 et lui a affirmé qu’elle lui dirait comment cela s’était passé.

[42] La directrice des ressources humaines représentant l’employeur a dit à la Commission que si la prestataire avait mentionné à son époux qu’elle n’était pas en mesure de retourner au travail, ce dernier le lui aurait dit. Elle a ajouté que si la prestataire ne devait pas se présenter au travail, elle aurait dû communiquer avec elle à titre de directrice des ressources humaines.

[43] J’estime que les déclarations de l’employeur au sujet de la personne avec qui la prestataire aurait dû communiquer au sujet de son incapacité à travailler sont raisonnables et crédibles. En effet, la prestataire a envoyé tous ses courriels, auxquels étaient jointes des notes du médecin, y compris le dernier, le 1er mars 2021, à la directrice des ressources humaines.

[44] La prestataire a dit à la Commission qu’elle avait supposé que son employeur savait qu’elle ne serait pas au travail le 1er mars 2021. Compte tenu des avertissements que l’employeur lui avait donnés par le passé, je conclus que la prestataire aurait dû faire preuve de plus de diligence et informer son employeur par écrit qu’elle ne serait pas au travail le 1er mars 2021.

[45] J’ai demandé à la prestataire si elle avait communiqué avec son employeur le vendredi 26 février 2021 pour l’informer qu’elle ne pouvait pas obtenir de note du médecin avant le 28 février 2021. Elle a dit qu’elle ne l’avait pas fait parce que son médecin était censé l’appeler et qu’elle pensait obtenir la note en question. Je lui ai demandé si elle avait envoyé un courriel à son employeur, puisqu’elle n’avait pas reçu la note avant le 28 février 2021. La prestataire a déclaré qu’elle ne l’avait pas fait parce que personne n’est au travail les fins de semaine. Elle a ajouté qu’il savait qu’elle ne serait pas là avant avril.

[46] Je ne crois pas que la prestataire ait eu l’intention de demeurer vague avec son employeur au sujet de son absence le 1er mars 2021. Je conclus toutefois qu’elle a agi de façon insouciante en n’informant pas son employeur par écrit qu’elle ne serait pas au travail le 1er mars 2021 et en n’expliquant pas qu’elle aurait une note du médecin à lui remettre le 1er mars 2021, qui prolongerait son absence après le 28 février 2021. Pour cette raison, je conclus qu’il y a eu inconduite.

[47] Il ne m’appartient pas de déterminer si le congédiement de la prestataire par l’employeur au motif qu’elle ne s’est pas présentée au travail le 1er mars 2021 à 7 h 30 comme prévu était justifié ou approprié. On pourrait soutenir que l’employeur aurait pu appeler la prestataire pour lui demander de confirmer si elle avait une note du médecin à jour. Or, mon rôle consiste uniquement à déterminer si le geste posé par la prestataire constitue une inconduiteNote de bas de page 7.

[48] Je compatis avec la prestataire compte tenu de sa situation actuelle. Elle doit encore composer avec les effets des blessures qu’elle a subies par suite de sa chute. Elle a perdu son emploi et doit maintenant faire face à un trop payé, puisqu’elle est exclue du bénéfice des prestations. Bien que je sympathise avec la situation de la prestataire, je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 8.

Donc, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison de son inconduite?

[49] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Conclusion

[50] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[51] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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