Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 146

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : D. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 décembre 2022 (GE-22-2210)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 10 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-34

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Le prestataire n’a pas demandé d’exemption. La division générale a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite. Il affirme que la division générale a ignoré ses préoccupations au sujet de blessures ou d’un risque de décès découlant de la prise du vaccin. Le prestataire déclare que de nouvelles données prouvent que le vaccin n’a pas empêché la transmission du virus. Il soutient que l’employeur a violé ses droits humains et constitutionnels.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui qu’il devra franchir à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient qu’il n’a pas été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Il affirme que la division générale a ignoré ses préoccupations au sujet de blessures ou d’un risque de décès découlant de la prise du vaccin. Le prestataire déclare que de nouvelles données prouvent que le vaccin n’a pas empêché la transmission du virus. Il soutient que l’employeur a violé ses droits humains et constitutionnels.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] En se fondant sur la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait disposé d’un délai pour s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale. Le prestataire a refusé intentionnellement, ce refus était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a jugé que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur son lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique afin de mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[20] Je ne trouve aucune erreur révisable dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si la politique de l’employeur violait ses droits humains et constitutionnels.

[22] La question de savoir si la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits humains et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 3.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés selon le droit canadien et le droit internationalNote de bas de page 4.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, conformément à la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[25] Dans la décision Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de la Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours permettant à une partie prestataire de sanctionner le comportement d’un employeur, autres que le transfert des coûts de ce comportement au programme d’assurance-emploi.

[27] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[28] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[29] Le prestataire soutient qu’il a trouvé une décision du Tribunal semblable à sa cause, dans laquelle la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 6. La division d’appel n’est pas liée par cette décision. Les faits de cette affaire sont également différents de ceux de la présente affaire : la convention collective de la prestataire lui permettait précisément de refuser la vaccination. De plus, la décision mentionnée a été rendue avant la décision Cecchetto qui guide maintenant les décideursNote de bas de page 7.

[30] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[31] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[32] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas relevé d’erreur révisable, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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