Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 100

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : B. P.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 22 novembre 2022 (GE-22-1913)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-957

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (le prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] Après révision, la partie défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Le prestataire a ensuite fait appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que le vaccin contre la COVID-19 a soulevé des préoccupations personnelles quant à sa santé. Le prestataire fait valoir que la politique de l’employeur n’était pas conforme aux lois sur le travail et sur la santé et la sécurité. Le prestataire prétend que toute politique d’employeur qui tente de forcer les employés à se faire entièrement vacciner contre la COVID-19 est illégale en raison de la modification des conditions du contrat, de la discrimination fondée sur une invalidité perçue et de la violation des droits de la personne. Il soutient qu’il avait un droit naturel et légal à l’autonomie corporelle, au consentement éclairé et à protéger sa vie privée. Il soutient que l’employeur aurait pu lui permettre de travailler de la maison.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui qu’il devra franchir à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que le vaccin contre la COVID-19 a soulevé des préoccupations personnelles quant à sa santé. Le prestataire fait valoir que la politique de l’employeur n’était pas conforme aux lois sur le travail et sur la santé et la sécurité. Le prestataire prétend que toute politique d’employeur qui tente de forcer les employés à se faire entièrement vacciner contre la COVID-19 est illégale en raison de la modification des conditions du contrat, de la discrimination fondée sur une invalidité perçue et de la violation des droits de la personne. Il soutient qu’il avait un droit naturel et légal à l’autonomie corporelle, au consentement éclairé et à protéger sa vie privée. Le prestataire affirme que l’employeur aurait pu lui permettre de travailler de la maison.

[13] Il ressort clairement de la preuve prépondérante que le prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi. L’employeur l’a suspendu de son emploi. Par conséquent, l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas à son cas.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite n’implique pas que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire, de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Elle doit plutôt décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas de page 1.

[17] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il a été informé de la politique de l’employeur et a eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale. Le prestataire a refusé intentionnellement; son refus était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que la conduite du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations du ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario et du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario afin de mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé des employés, des artistes, des bénévoles, des employés contractuels et des clients pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[21] Il appartient à une autre instance de décider si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation pour le prestataire en lui interdisant de travailler de la maison, ou si sa politique a violé les droits du prestataire au titre des lois sur le travail et la santé et la sécurité, ou si sa politique a violé les droits de la personne et constitutionnels du prestataire. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 3.

[22] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Il se sentait victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 4.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, d’après la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes peuvent avancer adéquatement dans le cadre du système juridique.

[24] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur, autre que le transfert des coûts de ce comportement au régime d’assurance-emploi.

[26] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.  

[27] Comme je l’ai mentionné plus haut, la question soumise à la division générale n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que la suspension serait injustifiée. Elle devait plutôt décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[28] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[29] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[30] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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