Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SO c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 118

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. O.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 8 décembre 2022 (GE-22-2303)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 8 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-28

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La partie demanderesse (le prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (la Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas demandé d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le prestataire soutient qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite. Il soutient qu’il n’a pas manqué à l’obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail. Le prestataire soutient que l’employeur a imposé unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans consultation. Il soutient qu’il avait des doutes concernant l’efficacité du vaccin et des questions concernant les effets nocifs possibles. Le prestataire soutient que l’employeur n’avait aucun motif légal pour imposer la vaccination et qu’il a violé ses droits de la personne et constitutionnels relativement au consentement éclairé, à la liberté de choix et à l’intégrité physique.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui qu’il devra franchir à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable de la division générale qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient qu’il n’a pas été suspendu en raison d’une inconduite. Il soutient qu’il n’a pas manqué à l’obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail. Le prestataire soutient que l’employeur a imposé unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans consultation. Il soutient qu’il avait des doutes concernant l’efficacité du vaccin et des questions concernant ses effets nocifs possibles. Le prestataire soutient que l’employeur n’avait aucun motif légal d’imposer la vaccination et qu’il a violé ses droits de la personne et constitutionnels relativement au consentement éclairé, à la liberté de choix et à l’intégrité physique.

[13] Il est bien établi que pour trancher la demande de permission de faire appel du prestataire, je dois m’appuyer sur la preuve qui a été présentée à la division générale Note de bas de page 1.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que sa conduite aurait sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 2.

[17] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il a été informé de la politique de l’employeur et a eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; c’était délibéré. Il s’agit de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entrepriseNote de bas de page 4.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur son lieu de travail. Dans le cas présent, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique lorsqu’il a mis en œuvre sa politique visant à protéger pendant la pandémie la santé de tous les employés, étudiants et familles. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 5.  

[21] J’estime que la division générale n’a pas commis une erreur révisable lorsqu’elle a conclu qu’elle n’a pas la compétence de trancher les questions sur l’efficacité ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[22] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur a omis de respecter la convention collective et si la politique de l’employeur a violé ses droits.

[23] Les questions suivantes relèvent d’une autre instance : décider si l’employeur aurait dû offrir au prestataire des mesures d’adaptation; décider si la politique de l’employeur violait ses droits en vertu de la convention collective; décider si la politique violait ses droits de la personne et constitutionnels. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 6.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit d’assumer sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés en vertu du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 7.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, d’après la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et qu’il avait donc perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La Cour a déclaré qu’il y a d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur, autre que le transfert des coûts de ce comportement au régime d’assurance-emploi.

[28] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi. 

[29] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée. Elle doit plutôt décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[30] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[31] Le prestataire soutient qu’il s’est appuyé sur la jurisprudence du tribunal ; il a trouvé un cas semblable au sien dans lequel le prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9. Comme l’a déclaré la division générale, les membres ne sont pas liés par les décisions des autres membres du Tribunal. De plus, la décision qu’évoque le prestataire a été rendue avant la décision Cecchetto, laquelle guide maintenant les décideursNote de bas de page 10.

[32] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[33] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 12. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[34] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[35] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[36] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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