[TRADUCTION]
Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1524
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Parties appelante : | M. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante : | Anick Dumoulin |
Décision portée en appel : | Décision rendue par la division générale le 12 août 2022 (GE-22-1771) |
Membre du Tribunal : | Janet Lew |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 8 décembre 2022 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Représentante de l’intimée |
Date de la décision : | Le 22 décembre 2022 |
Numéro de dossier : | AD-22-631 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen devant un autre membre.
Aperçu
[2] L’appelante, M. S. (la prestataire), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, elle a conclu que la prestataire a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi. La prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur, laquelle exigeait qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19.
[3] Ayant conclu qu’il y avait eu inconduite, la division générale a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.
[4] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait. Elle affirme que la division générale ne s’est pas prononcé sur la légalité de la politique de vaccination de son employeur. Elle affirme que la politique de vaccination de son employeur a enfreint la loi sur les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés. Elle affirme qu’aucune politique n’est légale si elle éclipse les droits de la personne et la Constitution.
[5] La prestataire soutient également qu’il n’y a pas eu d’inconduite dans son cas parce qu’elle ne savait tout simplement pas qu’elle pouvait être congédiée si elle ne respectait pas la politique de son employeur.
[6] La prestataire demande à la division d’appel d’accueillir son appel et de conclure qu’elle n’a commis aucune inconduite.
[7] La partie intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, soutient que la division générale n’a commis aucune erreur. La Commission demande à la division d’appel de rejeter l’appel.
Question en litige
[8] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :
- a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait concernant, d’une part, ce que la prestataire savait et, d’autre part, le moment où elle a eu connaissance des conséquences découlant du non-respect de la politique de vaccination de son employeur?
- b) La division générale a-t-elle mal interprété ce qu’est une inconduite?
Analyse
[9] La division d’appel peut intervenir dans les décisions de la division générale en cas d’erreurs de compétence, de procédure, de droit ou de certains types d’erreurs de faitNote de bas de page 1.
[10] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
La division générale a-t-elle commis une erreur de fait concernant, d’une part, ce que la prestataire savait et, d’autre part, le moment où elle a eu connaissance des conséquences découlant du non-respect de la politique de vaccination de son employeur?
[11] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait concernant ce qu’elle savait relativement aux conséquences découlant du non-respect de la politique de vaccination. Elle affirme qu’elle ignorait les conséquences découlant du non-respect de la politique. La prestataire soutient que son cas ressemble à celui de TCNote de bas de page 2 ; elle soutient que, de façon similaire, on devrait conclure qu’il n’y a pas eu d’inconduite dans son cas.
[12] Dans l’affaire TC, la division générale a conclu que T.C. n’avait pas reçu un préavis adéquat concernant la politique de vaccination de son employeur, de sorte qu’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y conforme. De plus, T. C. ne savait pas et n’aurait pas pu savoir quelles conséquences découleraient du non-respect de la politique de son employeur. Par conséquent, la division générale a conclu que la conduite du prestataire ne constituait pas une inconduite. Il n’a pas été exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.
[13] Dans l’affaire dont je suis saisie, la division générale a décidé qu’il y a inconduite si une partie prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 3.
[14] La division générale a conclu que la [traduction] « prestataire était au courant de la politique de vaccination de l’employeur, qu’elle a eu le temps de s’y conformer, qu’elle a choisi volontairement et délibérément de ne pas s’y conformer et que c’était la cause immédiate de son congédiementNote de bas de page 4 ».
[15] La prestataire soutient que son employeur ne lui a jamais clairement communiqué sa politique. Elle affirme qu’elle ignorait que son employeur pouvait la congédier si elle ne se faisait pas vacciner. Elle affirme que son employeur a tout au plus affirmé qu’il y aurait des conséquences, sans préciser quelles pouvaient être ces conséquences.
[16] La Commission soutient que, comme l’employeur a indiqué que toutes les options seraient examinées, la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait éventuellement être congédiéeNote de bas de page 5.
La preuve présentée à la division générale
[17] Les éléments de preuve présentés à la division générale étaient les suivants :
- Le courriel que l’employeur a envoyé à la prestataire le 26 septembre 2021. L’employeur lui a dit qu’il exigeait que les employés reçoivent leur première dose du vaccin avant la fin du mois d’octobre 2021 et la deuxième dose dans les quatre à six semaines qui suivaient.
- L’employeur a expliqué que cela serait conforme aux directives des services de santé provinciaux, qui touchent tous les médecins, les membres du personnel et les employés contractuels. Le courriel de l’employeur ne mentionnait pas les conséquences que pourrait encourir tout employé qui refuserait de se faire vaccinerNote de bas de page 6.
- Le courriel de l’employeur daté du 26 octobre 2021. L’employeur a confirmé que la prestataire n’avait pas été vaccinée. L’employeur a fait remarquer que les services de santé provinciaux avaient prolongé la date limite pour la vaccination, alors il a accordé la même prolongation à ses employés.
- Cependant, l’employeur a clairement indiqué que si la prestataire ne se faisait pas vacciner, il serait [traduction] « obligé d’envisager toutes les options pour répondre en toute sécurité aux besoins des patients à long termeNote de bas de page 7 ». L’employeur n’a pas fait état des options.
- Le document intitulé Renseignements supplémentaires, daté du 4 mars 2022, fournit un compte rendu d’un appel téléphonique entre la prestataire et un agent de la Commission. La prestataire a déclaré que l’employeur avait mis en place la politique vers la fin du mois d’août 2021. Elle a reçu une copie de la politique par courriel.
- La politique de l’employeur exigeait que les employés fournissent une preuve de vaccination complète avant la fin novembre 2021. La prestataire a déclaré que l’employeur avait expliqué que le non-respect de la politique pouvait entraîner un congédiementNote de bas de page 8.
- Au cours de l’appel téléphonique, la prestataire a accepté de fournir une copie de la politique de vaccination de l’employeur. Elle a fourni une copie des courriels que l’employeur a envoyés le 26 septembre 2021 et le 26 octobre 2021.
- Le document intitulé Renseignements supplémentaires, daté du 25 avril 2022, fournit un compte rendu d’un appel téléphonique entre la prestataire et un agent de la Commission. La prestataire a déclaré qu’elle [traduction] « comprenait les conséquences de ne pas se faire vacciner et qu’elle pouvait perdre son emploiNote de bas de page 9 ».
- Lors de l’audience de la division générale, le 22 juin 2022, la prestataire a déclaré avoir reçu une copie de la politique de son employeur par courriel. Elle prétendait qu’elle ignorait qu’elle pouvait être congédiée. Elle a déclaré que son employeur avait dit qu’il y aurait des conséquences, mais qu’il n’a pas précisé ce que cela voulait direNote de bas de page 10.
[18] À l’audience de la division d’appel, la prestataire a déclaré que c’est à la fin de novembre 2021 qu’elle a appris qu’elle pouvait être congédiée. Cet élément de preuve n’a pas été présenté à la division générale. La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuve, alors je ne peux pas en tenir compte. La prestataire a expliqué que la membre de la division générale ne lui a pas demandé quand elle avait appris que son employeur pouvait la congédier si elle n’était pas entièrement vaccinée.
[19] Il y a deux divergences apparentes dans la preuve :
- i. La véritable politique de l’employeur : la prestataire a dit qu’elle avait reçu la politique vers la fin d’août 2021Note de bas de page 11, mais lorsqu’on lui a demandé de fournir une copie de la politique, elle a fourni les deux courriels de son employeur de septembre et d’octobre 2021.
- La prestataire a-t-elle reçu la politique de l’employeur vers la fin du mois d’août 2021? Si oui, de quoi s’agissait-il? Ou bien la politique de l’employeur correspond-elle aux deux courriels de septembre et d’octobre 2021?
- ii. À l’audience de la division générale, la prestataire a déclaré qu’elle ignorait qu’elle pouvait être congédiée en vertu de la politique de son employeur qu’elle avait reçue par courriel. Elle a souligné que le courriel indiquait qu’il y aurait des conséquences, mais il ne précisait pas quelles pouvaient être ces conséquences.
- Pourtant, la division générale n’a pas examiné la preuve de la prestataire sur ce point, même si elle contredisait les déclarations de la prestataire à la Commission selon lesquelles elle savait, peut-être dès août 2021, que le non-respect de la politique pouvait entraîner un congédiementNote de bas de page 12.
[20] La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une analyse minutieuse est nécessaire lorsqu’il y a des éléments de preuve contradictoiresNote de bas de page 13. La division générale n’a pas analysé, accepté, rejeté ou expliqué pourquoi elle préférait certains éléments de preuve à d’autres, ce qu’elle était tenue de faireNote de bas de page 14. La division générale aurait dû aborder les éléments de preuve contradictoires, car ils auraient pu être essentiels à l’issue de l’affaire.
[21] Compte tenu de la nature de l’erreur, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres arguments de la prestataire.
Réparation
[22] Comment puis-je corriger l’erreur de la division générale? J’ai deux optionsNote de bas de page 15. Je peux substituer ma propre décision ou renvoyer l’affaire à la division générale pour un nouvel examen. Si je substitue ma propre décision, cela signifie que je peux tirer des conclusions de fait.
[23] Il y a des lacunes dans la preuve et la prestataire devrait avoir la possibilité de les combler ou de les expliquer. Pour cette raison, il convient de renvoyer l’affaire à la division générale.
Conclusion
[24] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour qu’un autre membre la réexamine.