Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 137

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : D. H.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 décembre 2022 (GE-22-2436)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 10 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-38

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi suite à son refus de se conformer à la politique de l’employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption médicale. La division générale a jugé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel à la division d’appel. Elle soutient que la division générale n’a pas considéré que sa crise effrayante était la raison pour laquelle elle ne se faisait pas vacciner. La prestataire affirme qu’elle aurait pu passer des tests de dépistage de la COVID-19 deux fois par semaine, ce qui aurait été suffisant. Elle croit que sa décision n’était pas une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la division générale n’a pas considéré que sa crise effrayante était la raison pour laquelle elle ne s’est pas fait vacciner. Elle dit qu’elle aurait pu passer des tests de dépistage de la COVID-19 deux fois par semaine, ce qui aurait été suffisant. Elle croit que sa décision n’était pas une inconduite.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne veut pas nécessairement dire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérées, ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé d’ignorer les répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné son congédiementNote de bas page 1.

[16] La division générale a jugé que la prestataire avait perdu son emploi parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de l’employeur. Elle avait été informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption médicale. Son médecin ne lui a pas dit de ne pas se faire vacciner. Les notes médicales ne disent pas qu’elle ne peut pas se faire vacciner. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de suivre la politique pouvait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[19] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à la prestataire en ce qui a trait aux tests de dépistage de la COVID-19 relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas page 3.

[20] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il estimait avoir été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas page 4.

[21] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il existait d’autres moyens qui permettaient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le système juridique.

[22] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui reconnaissait l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[23] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[24] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation d’un employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite dans le cadre de l’assurance-emploi.

[25] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[26] La prestataire soutient qu’elle a trouvé une décision du Tribunal semblable à sa situation où la demanderesse a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. La division d’appel n’est pas liée par cette décision. Les faits de cette décision sont également différents de ceux de la présente affaire en ce sens que la prestataire a réussi à démontrer que la convention collective lui permettait précisément de refuser la vaccinationNote de bas page 5.

[27] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas page 6.

[28] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre autorité si l’existence d’une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[29] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a pas non plus relevé d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tiré de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[30] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

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