Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 138

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. D.
Représentante ou représentant : T. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 décembre 2022 (GE-22-1881)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 10 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-35

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Celui-ci ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue, et qu’elle avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a conclu que la prestataire aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre et de la congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que la division générale a ignoré des faits importants lorsqu’elle a conclu qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social précise les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient qu’elle a respecté toutes les politiques de l’employeur avant le 13 octobre 2021. Elle soutient que la politique du 13 octobre 2021 était la seule qui indiquait qu’elle serait mise en congé sans solde si elle n’était pas vaccinée. Elle est partie en vacances le 19 octobre 2021 et a dû rester en quarantaine pendant deux semaines supplémentaires. Elle n’a pas pu obtenir de rendez-vous chez le médecin pour obtenir une exemption médicale avant le 20 décembre 2021.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] La division générale a établi que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de suivre la politique de l’employeur qui s’appliquait à tous les membres du personnel. Elle avait été informée de la politique et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel et délibéré, et il s’agit de la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[17] Elle a également conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 2.

[19] La division générale a conclu que la prestataire avait eu au moins un mois pour lire et comprendre la politique de vaccination de l’employeur, et s’y conformer. La prestataire a convenu qu’elle avait reçu la politique de vaccination mise à jour le 13 octobre 2021 avant de partir en vacances le 19 octobre 2021. La division générale a conclu que la politique prévoit que les membres du personnel qui ne s’y conforment pas avant la date limite du 15 novembre 2021 seront mis en congé sans solde et pourraient être congédiés. La division générale a conclu que les vacances de la prestataire ne changeaient rien au fait que l’employeur lui avait donné assez de temps pour se conformer à la politique. Elle a conclu que la prestataire avait seulement dit qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour se conformer à la politique après avoir fait appel au Tribunal.

[20] Je remarque que lorsque la Commission a interrogé la prestataire le 10 février 2022, celle-ci a déclaré que son médecin n’avait pas voulu lui accorder une exemption parce qu’il ne croyait pas que c’était nécessaire Note de bas de page 3. Lors d’un deuxième entretien le 4 avril 2022, la prestataire a répété que son médecin ne lui accorderait pas d’exemption du vaccin. Elle a ajouté avoir fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner Note de bas de page 4.

[21] Il est bien établi qu’un appel à la division d’appel n’est pas une nouvelle audience où une partie peut présenter de nouveau des éléments de preuve et espérer une issue favorable. Les pouvoirs de la division d’appel sont limités par la loi Note de bas de page 5.

[22] La question de savoir si la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance appropriée auprès de laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demande Note de bas de page 6.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il se sentait victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique et qu’on a porté atteinte à ses droits au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 7.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. Elle a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur, la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons que les demandes de la prestataire peuvent aller de l’avant dans le cadre du système juridique.

[25] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[28] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 8 .

[29] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a soulevé aucune erreur révisable, comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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