Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : PP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1615

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : P. P.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (470133) datée du 27 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 26 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2467

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Décision

[1] L’appel est rejeté avec modifications. La prestataire ne peut pas recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi au lieu de la prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU). Elle doit rembourser toutes les prestations d’assurance-emploi d’urgence qu’elle a reçues et auxquelles elle n’était pas admissible. Toutefois, elle a droit à une semaine de PAEU de plus que ce qui avait initialement été déclaré.

Aperçu

[2] En raison de la pandémie de COVID-19, le gouvernement a modifié la Loi sur l’assurance-emploi pour créer une nouvelle prestation : la PAEU. La PAEU est entrée en vigueur le 15 mars 2020.

[3] En général, les prestataires qui auraient pu faire établir une période de prestations pour les prestations régulières d’assurance-emploi entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020 ont reçu au lieu la PAEU.

[4] La prestataire a demandé des prestations le 22 mars 2020. La prestataire a reçu douze semaines de prestations de la PAEU. Elle a également reçu une avance de 2 000 $ sous forme de PAEU.

[5] La Commission affirme que normalement, au cours du versement de la PAEU, elle retient quatre semaines de la prestation en aval, soit 2 000 $, afin d’équilibrer l’avance. Toutefois, dans le cas de la prestataire, elle a recommencé à travailler avant que la Commission puisse le faire. Elle affirme par conséquent que la prestataire a un trop-payé de 2 000 $; elle doit rembourser l’avance parce que cela représente des semaines de prestations auxquelles elle n’a pas droit.  

[6] La prestataire soutient qu’elle ne voulait pas recevoir la PAEU, car elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. La prestataire affirme qu’on lui a donné 2 000 $ et que le gouvernement n’a pas averti, au moment de l’annoncer publiquement, qu’il se pourrait qu’on doive rembourser cette somme.

[7] La prestataire affirme que le site Web de l’Agence du revenu du Canada (ARC) indique qu’elle n’a pas à rembourser le paiement anticipé de 2 000 $.

Question que je dois examiner en premier

[8] À l’audience, j’ai demandé à la prestataire de préciser quand elle a recommencé à travailler et ce qu’elle a gagné. Elle a dit qu’elle n’avait pas cette information sous les yeux. Je lui ai donné le temps après l’audience de m’envoyer cette information. Elle l’a fait.

[9] J’ai tenu compte de cette informationNote de bas de page 1, car elle est directement liée à la question de savoir si la prestataire est admissible au versement anticipé de 2 000 $ de la PAEU.

Questions en litige

[10] La prestataire peut-elle recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi au lieu de la PAEU?

[11] La prestataire doit-elle rembourser le trop-payé de 2 000 $?

Analyse

[12] Avant d’analyser les questions essentielles en litige, je tiens à clarifier un peu les prestations sur lesquelles je vais me pencher.

[13] Dans l’information fournie par la Commission, deux acronymes différents sont utilisés : PAEU et PCU. La prestataire évoque également la PCU dans ses documents.

[14] La PCU fait référence à la Prestation canadienne d’urgence. Il s’agit du nom général de la prestation créée par le gouvernement du Canada en réponse à la pandémie de COVID-19 et à ses effets sur l’économie.

[15] Il y avait deux façons de demander la PCU. Une personne pouvait faire une demande par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ou par l’entremise de l’assurance-emploi.

[16] Lorsqu’une personne présentait une demande par l’entremise de l’ARC, elle recevait la PCU.

[17] Lorsqu’une personne présentait une demande par l’entremise de l’assurance-emploi, elle recevait la PAEUNote de bas de page 2.

[18] Comme la prestataire a présenté une demande dans le cadre de l’assurance-emploi, elle a reçu la PAEU. Il se peut donc que les renseignements qu’elle évoque concernant la PCU, laquelle est gérée par l’ARC, ne soient pas pertinents pour la PAEU. En effet, c’est à partir de la Loi sur l’assurance-emploi qu’on décide si la prestataire est admissible au versement anticipé de 2 000 $.

La prestataire peut-elle recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi au lieu de la PAEU?

[19] Non, la prestataire ne peut pas recevoir des prestations régulières au lieu de la PAEU.

[20] La prestataire affirme qu’elle ne voulait pas recevoir la PAEU, car elle remplissait les conditions requises pour recevoir les prestations régulièresNote de bas de page 3.

[21] Je conclus que même si la prestataire voulait peut-être recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi et qu’elle y était peut-être même admissible au moment où elle a présenté sa demande, elle n’avait pas le droit de choisir entre les prestations régulières d’assurance-emploi et la PAEU.

[22] La prestataire a présenté une demande le 22 mars 2020. La loiNote de bas de page 4 précise que, pour la période du 15 mars 2020 au 26 septembre 2020, aucune période de prestations ne doit être établie à l’égard des prestations régulières. J’estime que la loi ne prévoit aucune option permettant à la prestataire de refuser la PAEU afin de recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi au lieu, ou de simplement refuser la PAEU.

[23] Bien que le gouvernement ait décidé de façon arbitraire de forcer tout le monde à recourir à la PAEU, je ne peux pas réécrire la loi ni l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 5. C’est le rôle du Parlement de modifier la loi.  

La prestataire doit-elle rembourser le paiement anticipé de 2 000 $?

[24] La prestataire n’a pas à rembourser la totalité du paiement anticipé, seulement 1 500 $, car cela représente les trois semaines de PAEU qu’elle a reçues et auxquelles elle n’est pas admissible. 

[25] La Commission soutient qu’elle a versé à la prestataire des prestations d’urgence d’une valeur de 2 000 $ et qu’elle recouvrerait normalement cette avance en retenant quatre semaines de PAEU pendant la durée de la période de prestations. Cependant, la prestataire a recommencé à travailler avant qu’elle puisse le faireNote de bas de page 6.

[26]   La Commission soutient que la prestataire a reçu douze semaines de PAEU du 22 mars 2020 au 20 juin 2020, et que ce sont les seules semaines pour lesquelles elle était admissibleNote de bas de page 7, alors elle doit rembourser le paiement anticipé de 2 000 $.

[27] La prestataire affirme que le versement de 2 000 $ a été annoncé par le gouvernement du Canada pour aider tous les employés touchés par la COVID-19. Elle ajoute qu’au moment de l’annonce, on n’a rien dit au sujet du remboursement.

[28] Je peux comprendre qu’il y ait une certaine confusion au sujet du fait qu’on lui ait demandé de rembourser l’avance de 2 000 $. En effet, on n’a pas informé la prestataire, au moment où l’avance a été versée, qu’elle devrait peut-être la rembourser éventuellement. Je vais alors essayer de clarifier un peu la situation.

[29] Dans une demande de PAEU, les prestataires peuvent recevoir jusqu’à vingt-huit semaines de prestationsNote de bas de page 8.

[30] La loi permet à la Commission de verser la PAEU avant le moment habituel de le faireNote de bas de page 9. La Commission affirme l’avoir fait ; elle a versé à la prestataire quatre semaines de PAEU (2 000 $). Cela correspond aux versements de la PAEU qu’elle aurait reçus aux semaines 13 et 14, et aux semaines 18 et 19 – si elle avait reçu la totalité des vingt-huit semaines de PAEU.  

[31] Autrement dit, l’avance de 2 000 $ n’est pas un type spécial de paiement distinct de la PAEU, mais simplement le versement anticipé des semaines 13, 14, 18 et 19 de la PAEU. L’admissibilité à l’avance de 2 000 $ n’est pas différente de l’admissibilité à d’autres semaines de PAEU.  

[32] Pour équilibrer le fait que quatre semaines de PAEU ont été versées à la prestataire plus tôt, la Commission affirme qu’elle n’aurait pas payé quatre semaines ultérieures de PAEU.

[33] Donc, en admettant que la prestataire avait continué à demander des prestations d’urgence et n’était pas retournée travailler pendant les semaines 13, 14, 18 et 19 de sa demande, elle n’aurait quand même pas reçu de PAEU pour ces semaines, car ces prestations lui avaient déjà été versées en tant que versement anticipé de 2 000 $ le 6 avril 2020.

[34] La prestataire souhaite recevoir une preuve montrant que le gouvernement a déclaré que les 2 000 $ devraient être remboursés.

[35] J’invite la prestataire à se reporter à la Loi sur l’assurance-emploi, car cette dernière prévoit que si une personne reçoit une somme à laquelle elle n’était pas admissible, elle doit rembourser cette sommeNote de bas de page 10.  

[36] Toutefois, au moment où l’avance de 2 000 $ a été versée à la prestataire, la Commission n’était pas en mesure de lui dire qu’elle prévoyait lui demander de rembourser une partie ou la totalité de l’avance. En effet, la Commission n’aurait pas pu savoir à ce moment-là que la prestataire retournerait travailler et donc ne serait plus admissible à la PAEU.

[37] Ce n’est qu’en examinant le dossier de la prestataire plus tard que la Commission a décidé que celle-ci n’avait pas droit à toutes les semaines de prestations qu’elle avait reçues. C’est alors que la Commission a demandé le remboursement de ces prestations. La loi permet à la Commission d’examiner une demande dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payéesNote de bas de page 11.

[38] Ainsi, la question que je dois trancher est celle de savoir si la prestataire est admissible au versement anticipé de 2 000 $. Autrement dit, je dois voir si elle a droit à quatre semaines supplémentaires de PAEU – au-delà de ce qu’elle a déjà reçu –, car c’est ce que représente le paiement anticipé de 2 000 $.

[39] Pour recevoir des PAEU, une personne doit d’abord être une « partie prestataire ». Un type de « partie prestataire » est une personne qui cesse de travailler pour des raisons liées à la COVID-19Note de bas de page 12.

[40] Je conclus que la prestataire répond à la définition de « partie prestataire » en ce qui concerne la PAEU, car elle affirme que c’est en raison des confinements provinciaux liés à la COVID-19 qu’elle a été mise à pied. Je signale que la Commission convient également que la prestataire est admissible à la PAEU dans un sens généralNote de bas de page 13.

[41] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle est admissible à la PAEU des façons suivantes :

  • Elle résidait au Canada.
  • Elle avait au moins 15 ans.
  • Elle avait une rémunération assurable d’au moins 5 000 $ en 2019 ou au cours des 52 semaines précédant la date à laquelle elle a présenté sa demande de PAEU.
  • Elle a cessé de travailler pendant au moins sept jours consécutifs compris dans la période de deux semaines pour laquelle elle demande la prestation.
  • Elle n’a aucun revenu d’emploi pour les jours consécutifs où elle a cessé de travailler.

[42] Je juge que les trois premiers points d’admissibilité ne sont pas contestés, car je ne vois aucune preuve que la prestataire ne remplit pas ces critères. De plus, la Commission n’a pas soutenu qu’elle ne remplissait pas ces critères. J’estime que les points de litige sont les deux derniers points d’admissibilité.

[43] La Commission affirme avoir versé la PAEU à la prestataire pour les semaines suivantes :

[44] Du 22 mars 2020 au 30 mai 2020 et du 7 juin au 20 juin 2020, soit un total de douze semaines de PAEU. La Commission n’a pas versé de PAEU pour la semaine du 31 mai 2020 au 6 juin 2020 parce que la prestataire travaillait et avait une rémunération. Elle n’a pas versé de PAEU pour la semaine du 21 juin au 27 juin 2020 non plus, parce que la prestataire est retournée travailler à temps plein à compter du 21 juin 2020.

[45] La Commission affirme que les douze semaines de PAEU que la prestataire a reçues représentent toutes les semaines pour lesquelles elle est admissible. Par conséquent, si l’on lui permettait de garder l’avance de 2 000 $, qui représente quatre semaines de PAEU, ce serait l’équivalent de recevoir seize semaines de PAEU, soit quatre semaines de plus que ce à quoi elle a droit.

[46] Je ne suis pas d’accord avec les observations de la Commission.

[47] Pour la semaine du 31 mai au 6 juin 2020, la prestataire n’a pas cessé de travailler et recevoir un revenu pendant sept jours consécutifs au cours de cette période de prestations de deux semaines, car elle a déclaré avoir travaillé pendant la semaine du 24 mai au 30 mai et du 31 mai au 6 juin 2020Note de bas de page 14. Cependant, j’estime que la prestataire peut tout de même recevoir des prestations pour la semaine du 31 mai au 6 juin 2020, car une autre voie vers l’admissibilité lui permet de remplir les conditions requises pour cette semaine.

[48] Même si je ne suis pas lié par cette décision, je trouve convaincant le raisonnement dans l’affaire intitulée Commission de l’assurance-emploi du Canada c JE, 2022 TSS 201. Cette décision fait valoir qu’il existe une autre façon d’être admissible à la PAEU, soit de ne pas avoir une rémunération dépassant 1 000 $ sur une période de quatre semaines qui se succèdent dans l’ordre chronologique, mais pas nécessairement consécutivementNote de bas de page 15.

[49] Si je prends la semaine du 31 mai au 6 juin 2020 et que je l’insère dans une série de quatre semaines commençant avec la semaine du 10 mai au 16 mai 2020, la prestataire aurait moins de 1 000 $ de rémunération dans cette série de quatre semaines.

[50] Mon choix de mettre la semaine du 31 mai au 6 juin 2020 à la fin d’une série de quatre semaines est arbitraire. La loi ne précise pas comment les séries de quatre semaines doivent être construites; elle indique seulement que les semaines doivent se succéder dans l’ordre chronologique. Elle n’indique pas que les séries de quatre semaines doivent être comptées à partir du tout début de la période de prestations, ni où il faut commencer à compter relativement à la création d’une série de quatre semaines. Par conséquent, j’estime que ma façon de construire une série de quatre semaines est conforme à la loi étant donné que ma série de quatre semaines du 10 mai au 6 juin 2020 compte quatre semaines, lesquelles se succèdent chronologiquement.

[51] Ce qui suit représente quatre semaines dont la rémunération est inférieure à 1 000 $ : la prestataire n’a déclaré aucune rémunération pour les semaines du 10 au 16 mai 2020 et du 17 au 23 mai 2020; elle a reçu une rémunération de 245 $ pour la semaine du 24 au 30 mai 2020, et 419 $ pour la semaine du 31 mai au 6 juin 2020Note de bas de page 16. Cela signifie que la prestataire est admissible au versement de la PAEU pour la semaine du 31 mai au 6 juin 2020Note de bas de page 17.

[52] Pour la semaine du 21 au 27 juin 2020, comme elle est retournée travailler à temps plein à compter du 21 juin 2020Note de bas de page 18, elle n’aurait plus au minimum sept jours consécutifs sans travail ni rémunération au cours d’une période de prestations de deux semaines. Par conséquent, elle n’est pas admissible pour la semaine du 21 juin au 27 juin 2020. Elle ne peut donc pas utiliser cette somme pour aider à compenser son trop-payé de 2 000 $.

[53] De plus, l’autre voie vers l’admissibilité n’aide pas la prestataire. En effet, si on intègre la semaine du 21 juin au 27 juin 2020 dans une série de quatre semaines, il faut le faire à la toute fin de cette sérieNote de bas de page 19, et cela donnerait à la prestataire une rémunération dépassant 1 000 $ dans cette série de quatre semaines. 

[54] Par conséquent, comme la prestataire a reçu douze semaines de PAEU et que j’ai conclu qu’elle était admissible pendant treize semaines, elle n’a qu’à rembourser 1 500 $ de l’avance. Cette somme représente les trois semaines de PAEU auxquelles elle n’est pas admissible. La loi prévoit qu’elle doit rembourser toutes les prestations qu’elle a reçues et auxquelles elle n’était pas admissibleNote de bas de page 20.

[55] Même si je suis certain que la prestataire aimerait ne rien avoir à rembourser, je ne peux pas effacer ou annuler le trop-payéNote de bas de page 21. Seule la Commission a le pouvoir de le faire. La prestataire devrait donc s’adresser à la Commission si elle souhaite supprimer le trop-payé.

Conclusion

[56] L’appel est rejeté avec modifications. La prestataire ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi à la place de la PAEU. Elle doit rembourser la PAEU qu’elle a reçue et à laquelle elle n’est pas admissible. Toutefois, comme elle a droit à une semaine de PAEU de plus que ce qu’elle a reçu initialement, elle doit seulement rembourser 1 500 $.

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