Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 126

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. S.
Représentant : Scott Lowe
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 30 novembre 2022 (GE-22-1886)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 2 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-966

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après le rejet de sa demande de révision, la prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée suite à son refus de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Elle a jugé que la prestataire savait que l’employeur était susceptible de la congédier dans ces circonstances. La division générale a estimé que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que l’employeur n’a pas le droit de lui imposer un vaccin expérimental et non testé. Elle dit que sa convention collective n’incluait pas le vaccin contre la COVID-19. Elle affirme que la politique de son employeur porte atteinte à ses droits constitutionnels à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, pour accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire dit que l’employeur n’a pas le droit de lui imposer un vaccin expérimental et non testé. Elle soutient que sa convention collective n’incluait pas le vaccin contre la COVID-19. Elle affirme que la politique de vaccination de son employeur porte atteinte à ses droits constitutionnels à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix.

[13] La division générale devait décider si la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait une inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou, à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé d’ignorer les répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si l’inconduite a entraîné son congédiementNote de bas de page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur. Elle avait été informée de la politique et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a jugé que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu que la preuve prépondérante démontrait que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés dans leur milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique en mettant en œuvre sa politique de vaccination visant à protéger la santé de tous les employés et donneurs pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiée.

[20] Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Les questions de savoir si l’employeur n’a pas respecté la convention collective de la prestataire et si la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits constitutionnels à l’autonomie corporelle et à la liberté de choix relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas de page 3.

[22] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Le prestataire a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Il estimait avoir été victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas de page 4.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour fédérale a déclaré qu’il existait d’autres moyens qui permettaient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le système juridique.

[24] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui reconnaissait l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a d’autres recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[26] La preuve prépondérante devant la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[27] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait fait une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 5.

[28] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 6. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[29] Dans sa demande de permission de faire appel, la prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle de la part de la division générale. Elle n’a pas non plus relevé d’erreur de droit que la division générale aurait commise ni de conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[30] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[31] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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