Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

Assurance-emploi – prestations de maternité et prestations parentales – choix de prestations parentales standards ou prolongées – division d’appel – erreur de droit – mauvaise interprétation ou non-respect de la loi – renvoi de la Cour fédérale

L’appelant a demandé et reçu des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, l’appelant a écrit que son enfant était né le 20 septembre 2020. Il a choisi les prestations parentales standards et a dit qu’il voulait demander 16 semaines de prestations. L’appelant a reçu son premier versement de prestations parentales au cours de la semaine du 29 août 2021. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a arrêté de lui verser des prestations le 24 septembre 2021 parce qu’elle a dit qu’elle pouvait seulement verser des prestations dans les 52 semaines suivant la naissance de l’enfant de l’appelant. L’appelant a demandé de passer à l’option prolongée, mais la Commission a refusé. La Commission a maintenu sa décision après révision.

L’appelant a fait appel à la division générale avec succès. La division générale a décidé que le choix de l’appelant des prestations parentales standards était invalide. La Commission a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. La division d’appel a refusé la permission de faire appel. La Commission a ensuite demandé à la Cour fédérale de réviser la décision de la division d’appel. Dans la décision Canada (Procureur général) c Variola, 2022 CF 1402, la Cour fédérale a conclu que la décision de la division d’appel était déraisonnable, et elle lui a renvoyé l’affaire pour qu’elle rende une décision conforme à ses motifs.

La division d’appel a accueilli l’appel et a conclu que la division générale avait commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a ensuite rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.

Dans le cadre de la révision judiciaire de l’affaire, la Cour fédérale a conclu que l’appelant avait choisi de recevoir des prestations parentales standards lorsqu’il a présenté son formulaire de demande, et qu’il ne peut pas modifier ce choix maintenant qu’il a reçu des prestations parentales. Comme l’a conclu la division générale, il est clair que l’appelant a choisi les prestations parentales standards dans son formulaire de demande. À la suite du précédent exécutoire de la Cour fédérale, la division d’appel a conclu que l’appelant avait choisi de recevoir des prestations parentales standards. Ce choix est devenu irrévocable une fois les prestations versées.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c FV, 2023 TSS 104

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Tiffany Glover
Partie intimée : F. V.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 décembre 2021 (GE-21-2341)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 18 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimé
Date de la décision : Le 31 janvier 2023
Numéro de dossier : AD-22-815

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et ce choix était irrévocable.

Aperçu

[2] L’intimé, F. V. (prestataire), a demandé et reçu des prestations parentales de l’assurance-emploi. Dans son formulaire de demande, le prestataire a déclaré que son enfant est né le 20 septembre 2020. Il a choisi les prestations parentales standards et a dit qu’il souhaitait demander 16 semaines de prestations.

[3] Le prestataire a reçu son premier versement de prestations parentales la semaine du 29 août 2021. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a cessé le versement des prestations le 24 septembre 2021 parce qu’elle a dit pouvoir verser des prestations seulement au cours des 52 semaines suivant la naissance de l’enfant du prestataire.

[4] Le prestataire a demandé de passer à l’option prolongée, mais la Commission a refusé. Elle a dit qu’il était trop tard pour changer d’option après le versement de prestations parentales. Le prestataire a demandé une révision et la Commission a maintenu sa décision.

[5] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal et a obtenu gain de cause. La division générale a décidé que le choix de prestations parentales standards par le prestataire n’était pas valide. Elle a conclu que le formulaire de demande ne donnait pas toute l’information dont il avait besoin pour faire un choix valide. Elle a décidé que le prestataire pouvait choisir les prestations prolongées.

[6] La Commission a demandé la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal. Celle-ci lui a refusé la permission. La Commission a ensuite demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel.

[7] La Cour fédérale a conclu que la décision de la division d’appel était déraisonnable et a renvoyé l’affaire à la division d’appel pour qu’elle rende une décision conformément à ses motifs.

[8] J’ai décidé que la division générale avait commis une erreur de droit. J’ai également décidé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que le prestataire a choisi de recevoir des prestations parentales standards et que ce choix était irrévocable.

Questions en litige

[9] Dans le présent appel, j’ai concentré mon attention sur les questions suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.1) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  2. b) Si c’est le cas, quelle est la meilleure façon de corriger l’erreur de la division générale?

Analyse

[10] Je peux intervenir dans la présente affaire seulement si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc vérifier si la division générale aNote de bas page 1 :

  • omis d’offrir un processus équitable;
  • omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[11] Il existe deux types de prestations parentales :

  • Les prestations parentales standards sont versées à un taux de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne qui fait la demande, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 35 semaines de prestations sont payables à un parent.
  • Les prestations parentales prolongées sont versées à un taux de 33 % de la rémunération hebdomadaire assurable de la personne qui fait la demande, jusqu’à concurrence d’un montant maximal. Jusqu’à 61 semaines de prestations sont payables à un parent.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que les prestataires doivent choisir de recevoir des prestations parentales standards ou prolongéesNote de bas page 2. Selon l’article 23(1.2) de cette loi, le choix est irrévocable dès que des prestations parentales ont été versées.

[13] La période au cours de laquelle des prestations parentales peuvent être versées est appelée la « période de prestations parentales ». La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la période de prestations parentales se termine 52 semaines après la naissance de l’enfantNote de bas page 3. Cette période peut être prolongée dans certaines circonstances. Lorsqu’une partie prestataire choisit de recevoir des prestations parentales prolongées, la période est prolongée de 26 semainesNote de bas page 4.

[14] Le prestataire a choisi de recevoir 16 semaines de prestations parentales standards. Cependant, comme il a présenté sa demande près d’un an après la naissance de son enfant, la Commission lui a versé seulement trois semaines de prestations standards. La Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas verser de prestations à l’extérieur de la période de prestations parentales.

[15] Dans sa décision, la division générale a conclu que le choix des prestations parentales standards par le prestataire était clair dans le formulaire de demandeNote de bas page 5. Elle a également conclu que le prestataire avait été induit en erreur par le manque d’information du formulaire de demande et qu’il n’avait pas fait un choix valideNote de bas page 6.

[16] La Commission a demandé la permission de faire appel de la décision de la division généraleNote de bas page 7. La division d’appel lui a refusé la permission en concluant que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès fondée sur l’un ou l’autre des moyens d’appel soulevés par la Commission.

[17] La Commission a demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision de la division d’appel. Dans la décision Canada (Procureur général) v Variola, 2022 CF 1402 (en anglais seulement), la Cour fédérale a conclu que la décision de ne pas accorder la permission de faire appel était déraisonnable.

[18] La Cour fédérale a établi que la division générale s’était trompée en concluant que le formulaire de demande avait induit le prestataire en erreurNote de bas page 8. La Cour a également établi que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant d’appliquer l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9. La Cour a conclu que le prestataire avait choisi de recevoir les prestations parentales standards et que ce choix ne pouvait pas être modifié parce que des prestations avaient été verséesNote de bas page 10.

La division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi

[19] Dans sa décision, la division générale a suivi une approche établie dans des décisions antérieures rendues par la division d’appel. Elle a examiné le type de prestations que le prestataire avait choisi, puis elle a vérifié si ce choix était valideNote de bas page 11.

[20] Suivant cette approche, la division générale a conclu que le prestataire avait clairement choisi les prestations parentales standardsNote de bas page 12. Elle a cependant décidé que ce choix était invalide parce que le formulaire de demande ne fournissait pas tous les renseignements nécessaires pour faire un choix valide. Plus précisément, le formulaire ne contenait aucune information sur la période de prestations parentalesNote de bas page 13.

[21] La Cour fédérale a tenu compte de cette analyse dans la décision qu’elle a rendue dans le cadre du contrôle judiciaire de cette affaire. Elle a jugé que la division générale avait commis une erreur de fait et de droit en concluant que le prestataire avait été induit en erreur par le formulaire de demandeNote de bas page 14.

[22] À la suite d’une autre décision de la Cour fédérale, la Cour a conclu que l’absence de renseignements dans le formulaire de demande ne constituait pas un renseignement trompeurNote de bas page 15. Elle a également conclu que les parties prestataires sont responsables de demander des renseignements supplémentaires lorsqu’elles présentent une demande de prestations et que le site Web de Service Canada fournit les renseignements nécessaires sur la période de prestations parentalesNote de bas page 16.

[23] La Cour fédérale a examiné l’interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi sur laquelle s’est fondée la division générale, et qui tient compte de la validité du choix. Selon cette interprétation, le choix d’une partie prestataire est irrévocable uniquement s’il est valide. La Cour a conclu que cette interprétation est erronée. Une décision récente de la Cour d’appel fédérale a confirmé que le choix d’une partie prestataire est le choix fait dans le formulaire de demande et qu’il est irrévocable dès que les versements ont commencéNote de bas page 17.

[24] Le prestataire soutient qu’il y a un décalage entre la décision de la Cour fédérale et la question fondamentale, à savoir que c’est Service Canada qui est responsable de fournir des renseignements clairs, et que ce n’est pas le cas. Il fait valoir qu’il ne s’agit pas de modifier la loi, mais d’améliorer le site Web et le formulaire de demande.

[25] Le prestataire affirme que l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi ne peut pas s’appliquer lorsque les renseignements fournis par Service Canada laissent les options à l’interprétation. Il fait valoir que personne ne devrait être confronté à la confusion et avoir à faire appel parce qu’elle n’a pas compris le formulaire de demande.

[26] Le prestataire affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur, mais qu’elle a compris son appel. Le problème est que les lignes directrices concernant le choix entre les options de prestations parentales doivent être précisées. Le prestataire affirme qu’il ne devrait pas être pénalisé parce qu’il a pris une décision en fonction de lignes directrices ambiguës.

[27] Je comprends la frustration du prestataire. Il a tenté de prendre une décision éclairée et estime que les renseignements qui lui ont été donnés étaient insuffisants. Je suis sensible à sa demande visant à ce que le site Web et le formulaire de Service Canada fournissent des renseignements clairs et sans ambiguïté sur les prestations parentales.

[28] La Cour fédérale a examiné les renseignements dont le prestataire disposaitNote de bas page 18. Elle a conclu qu’il n’avait pas été induit en erreur. Plus important encore, elle a conclu que le prestataire avait clairement choisi de recevoir des prestations parentales standards. Ce choix était irrévocable dès que le versement des prestations avait commencé. La Cour a confirmé que le contexte dans lequel le prestataire a fait son choix n’est pas pertinent. Elle a également confirmé que le Tribunal ne peut pas invalider un choixNote de bas page 19.

[29] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 23(1.2) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre

[30] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur et que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas page 20. La Commission affirme que la décision de la Cour fédérale est contraignante et qu’il n’y a pas d’autres questions à trancher.

[31] Je suis d’accord. J’estime qu’il convient que je remplace la décision de la division générale par ma propre décision. Les faits ne sont pas contestés et le dossier de preuve est suffisant pour me permettre de rendre une décision.

Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et son choix était irrévocable

[32] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont confirmé qu’une fois que le versement a commencé, le choix des parties prestataires (leur choix dans le formulaire de demande) ne peut pas être modifiéNote de bas page 21. Ces décisions sont contraignantes.

[33] Dans le cadre du contrôle judiciaire de la présente affaire, la Cour fédérale a conclu que le prestataire avait choisi de recevoir des prestations parentales standards lorsqu’il a présenté son formulaire de demande et qu’il ne peut pas modifier ce choix maintenant qu’il a reçu les prestations parentalesNote de bas page 22.

[34] Comme l’a conclu la division générale, le prestataire a clairement choisi les prestations parentales standards dans son formulaire de demande. Étant donné le précédent contraignant de la Cour fédérale, et pour les motifs ci-dessus, je conclus que le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards. Ce choix est devenu irrévocable dès que des prestations ont été versées.

Conclusion

[35] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Le prestataire a choisi de recevoir les prestations parentales standards et ce choix est devenu irrévocable dès que des prestations ont été versées.

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