Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 151

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : T. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 janvier 2023 (GE-22-2909)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-42

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu et a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a établi que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre et de le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Le prestataire soutient qu’il ne défiait pas son employeur, mais qu’il exprimait simplement son intérêt à protéger sa santé. Il affirme qu’il a le droit de ne pas accepter de traitement médical, ce qui comprend la vaccination. Le prestataire déclare qu’il n’a pas manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Il soutient que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi sans son consentement. Il dit que son geste ne peut pas être qualifié d’inconduite.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient qu’il ne défiait pas son employeur, mais qu’il exprimait simplement son intérêt à protéger sa santé. Il affirme qu’il a le droit de ne pas accepter de traitement médical, ce qui comprend la vaccination. Le prestataire déclare qu’il n’a pas manqué à une obligation expresse ou implicite découlant de son contrat de travail. Il soutient que l’employeur a imposé unilatéralement une nouvelle condition d’emploi sans son consentement. Il dit que son geste ne peut pas être qualifié d’inconduite.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de telle sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension et son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; son refus était donc délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension et de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait que le fait de refuser de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension et son congédiement.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre une politique visant à assurer une conformité avec les mesures et la réglementation en matière de santé publique. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu et congédiéNote de bas de page 3.

[20] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique violait ses droits humains et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 4.

[21] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[22] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a déclaré qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il a le droit de contrôler son intégrité corporelle et que ses droits ont été violés selon le droit canadien et le droit internationalNote de bas de page 5.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, conformément à la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[24] Dans la décision Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours permettant à une partie prestataire de sanctionne le comportement d’un employeur, autres que le transfert des coûts de ce comportement au programme d’assurance-emploi.

[26] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension et son congédiement.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[28] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire fait référence à une décision de la division générale dans laquelle la partie demanderesse a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas liée par la décision de la division générale. Les faits de cette affaire sont également différents de ceux de la présente affaire : la convention collective de la partie prestataire comprenait des dispositions précises lui permettant de refuser de se faire vacciner. Le prestataire n’a pas présenté de telles preuves devant la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision Cecchetto de la Cour fédérale.

[29] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[30] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a pas cerné d’erreur de droit ni de conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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