Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 266

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : K. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 7 novembre 2022 (GE-22-2078)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 février 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée 

Date de la décision : Le 13 mars 2023
Numéro de dossier : AD-22-884

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (le prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée (la Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel auprès de la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission de faire appel. Le prestataire soutient que la division générale a ignoré l’élément de preuve montrant que l’employeur avait convenu – avant que le prestataire accepte l’offre d’emploi – qu’il ne serait pas tenu de se faire vacciner contre la COVID-19. L’employeur a contrevenu à son contrat de travail. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du relevé d’emploi modifié de l’employeur qui indique « fin du contrat ». L’employeur ne pouvait remplir ses obligations prévues dans les conditions d’emploi, de sorte que le contrat a pris fin. Le prestataire soutient qu’un employeur ne peut pas imposer des politiques intrusives sur les employés comme bon lui semble.

[6] Je dois voir si la division générale a commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[7] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social , son mandat lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance semblable à celui exercé par une cour supérieureNote de bas de page 2.

[11] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a ignoré l’élément de preuve montrant que l’employeur avait convenu – avant que le prestataire accepte l’offre d’emploi – qu’il ne serait pas tenu de se faire vacciner contre la COVID-19. L’employeur a contrevenu à son contrat de travail. Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du relevé d’emploi modifié de l’employeur qui indique « fin du contrat ». L’employeur ne pouvait remplir ses obligations prévues dans les conditions d’emploi, de sorte que le contrat a pris fin. Le prestataire soutient qu’un employeur ne peut pas imposer des politiques intrusives sur les employés comme bon lui semble.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. La division générale doit plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il a été informé de la politique de l’employeur et a eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; c’était délibéré. Il s’agit de la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3 . On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entrepriseNote de bas de page 4.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection aux employés travaillant à distance pendant la pandémie.

[21] En l’espèce, l’employeur a suivi les recommandations du gouvernement pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de tous les employés et étudiants pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédié.

[22] Le prestataire soutient que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur la question de savoir si l’employeur a omis de respecter son contrat de travail et si la politique de l’employeur a violé ses droits.

[23] Les questions suivantes relèvent d’une autre instance : décider si l’employeur aurait dû offrir au prestataire des mesures d’adaptation; décider si l’employeur a violé ses droits d’emploi en modifiant son entente initiale de travail; décider si la politique a violé ses droits de la personne et constitutionnels. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 5.

[24] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 6.

[25] Le prestataire a soutenu que refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire estimait qu’il faisait l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit d’assumer sa propre intégrité physique et que ses droits avaient été violés aux termes du droit canadien et du droit international.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à aborder ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7 . La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur, autre que le transfert des coûts de ce comportement au régime d’assurance-emploi.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[31] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné son congédiement.

[32] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8 .

[33] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que l’employeur a présenté un relevé d’emploi mis à jour qui indique qu’il a été produit en raison d’un manque de travail ou d’une fin de contrat. Il soutient que la Commission aurait dû communiquer avec l’employeur à la suite de la réception du relevé d’emploi modifié.

[34] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, de cerner les faits pertinents à la question en litige dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision à cet égard.Il n’incombe pas à la division générale d’enquêter sur la conduite de la Commission pendant le processus.

[35] La division générale a conclu que la preuve montrait que l’employeur avait produit un premier relevé d’emploi indiquant que le prestataire avait été congédié. Elle a conclu que l’employeur a déclaré à plusieurs reprises que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait refusé de se conformer à sa politique. La division générale a également conclu que le prestataire avait confirmé la version des faits de l’employeur lors des entrevues avec la Commission.

[36] La division générale n’est pas liée par le relevé d’emploi mis à jour de l’employeur. J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que la preuve prépondérante fournie par les parties pendant la procédure n’appuyait pas le fait que le prestataire aurait été congédié à la suite d’un manque de travail ou d’une fin de contrat.

[37] Je suis pleinement conscient du fait que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[38] Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel.

Conclusion

[39] L’appel est rejeté.

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