Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : KJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1216

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (475395) datée du 20 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 7 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2078

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi.

[3] Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[4] Le prestataire a perdu son emploi d’enseignant à temps partiel dans un collège communautaire. Son employeur affirme l’avoir congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. En vertu de la politique de vaccination, il devait se faire entièrement vacciner et fournir une preuve à son employeur, sinon obtenir une exemption, avant la date limiteNote de bas de page 2. Le prestataire a dit à son employeur qu’il n’allait pas se faire vacciner et il ne l’a pas fait. Il n’a pas non plus demandé d’exemption.

[5] Le prestataire ne conteste pas que cela se soit produit.

[6] Cependant, il affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite. La politique de son employeur était déraisonnable et ne devrait pas s’appliquer à lui. Il dit que son employeur savait avant son embauche qu’il ne se ferait pas vacciner. Son employeur a dit qu’il n’aurait pas à le faire parce qu’il pouvait enseigner en ligne. Par la suite, son employeur a mis en œuvre sa politique de vaccination, mais ne l’a pas communiquée clairement. Le prestataire croyait qu’il pouvait toujours enseigner. Il affirme n’avoir rien fait de mal et n’avoir jamais fait l’objet de mesures disciplinaires de la part de son employeur.

[7] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, la Commission l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[8] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

La décision dont le prestataire fait appel

[9] Le prestataire soutient que je dois tenir compte de son emploi précédentNote de bas de page 3. Il a exercé cet emploi et a cotisé à l’assurance-emploi pendant 10 ans. Il dit qu’il a besoin de prestations d’assurance-emploi maintenant et qu’il devrait pouvoir en obtenir.

[10] Il affirme que la décision de la Commission de l’exclure n’est pas justifiée. Elle a agi de façon injuste et de mauvaise foi en l’excluant du bénéfice des prestations en raison de son emploi au collège communautaire. Cet emploi a duré quinze heures seulement. Ainsi, selon lui, la Commission ne devrait pas pouvoir effacer dix ans de cotisations et de rémunération assurable en raison de circonstances liées à un emploi où il a travaillé pendant quinze heures (son emploi au collège communautaire).

[11] Il ne fait aucun doute que les conséquences financières découlant de la décision de la Commission d’exclure le prestataire sont sévères.

[12] Malheureusement pour le prestataire, je dois suivre la Loi sur l’assurance-emploi lorsque je rends ma décisionNote de bas de page 4. Je n’ai pas le pouvoir, en dehors de la Loi sur l’assurance-emploi, de rendre une décision fondée sur des principes d’équité.

[13] La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Comme pour les autres régimes d’assurance, une personne qui présente une demande pour une prestation spécifique doit démontrer qu’elle remplit toutes les conditions requises pour recevoir cette prestationNote de bas de page 5. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle perd son emploi en raison d’une inconduite, à moins qu’elle ne relève d’une exception à cette règleNote de bas de page 6. Malheureusement pour le prestataire, il ne répond pas aux critères d’exception.

[14] Ainsi, au début de l’audience, j’ai informé le prestataire que je peux seulement examiner la décision de révision de la Commission concernant son emploi au collège communautaire. Je ne peux pas tenir compte des effets de la décision de la Commission sur les cotisations et les heures assurables qu’il a accumulées dans le cadre de son emploi précédent.

Le prestataire a retiré sa contestation constitutionnelle (fondée sur la Charte)

[15] Le prestataire a envoyé des observations juridiques par courriel au Tribunal deux jours avant son audienceNote de bas de page 7.

[16] Dans ces observations, il présente des arguments juridiques concernant le sens d’une inconduite.

[17] Il présente également des arguments fondés sur la Charte canadienne des droits et libertés et sur des principes constitutionnels comme la primauté du droit et l’accès à la justice. Il utilise la Charte pour contester les [traduction] « dispositions problématiques » de la Loi sur l’assurance-emploi. Il utilise aussi la Charte pour contester la façon dont la Commission a interprété et appliqué la Loi sur l’assurance-emploi afin de refuser sa demande de prestations.

[18] Le Tribunal peut examiner et trancher les contestations constitutionnelles (y compris celles fondées sur la Charte) à l’égard de la Loi sur l’assurance-emploi et de l’interprétation et de l’application de la Loi sur l’assurance-emploi par la Commission. Toutefois, le Tribunal peut examiner les contestations constitutionnelles seulement si la partie prestataire a respecté les règles à ce sujetNote de bas de page 8. Dans le présent appel, le prestataire n’a pas respecté ces règles.

[19] Avant l’audience, le Tribunal lui a envoyé par courriel son dossier d’information sur les [traduction] « contestations fondées sur la Charte ».

[20] Au début de l’audience, j’ai expliqué les règles qu’il devait suivre pour présenter une contestation constitutionnelle. Et je lui ai donné un choix : je pouvais ajourner l’audience pour qu’il puisse suivre les règles et obtenir des conseils juridiques s’il le souhaitait. Ou bien, il pouvait aller de l’avant avec l’audience sans faire de contestation constitutionnelle. J’ai expliqué que s’il procédait à l’audience et qu’il faisait ensuite appel de ma décision, il ne pourrait pas faire de contestation constitutionnelle dans le cadre de cet appel.

[21] Il a réfléchi à ses options. Il a décidé d’abandonner sa contestation constitutionnelle et d’aller de l’avant avec l’audience de l’appel. J’ai confirmé qu’il voulait le faire. Il a dit qu’il voulait aller de l’avant avec l’audience. Nous l’avons fait.

Le prestataire a envoyé un document au Tribunal après l’audience

[22] Le lendemain de l’audience, la prestataire a fait suivre un courriel au Tribunal contenant un relevé d’emploi modifiéNote de bas de page 9. Il affirme que son employeur lui a envoyé ce courriel pendant l’audience. Il ne l’a donc vu qu’après l’audience.

[23] Je n’avais pas encore rendu ma décision. Le Tribunal a donc envoyé le relevé d’emploi modifié à la Commission. La Commission a répondu au Tribunal en présentant des observations supplémentairesNote de bas de page 10.

[24] Pour les raisons suivantes, j’accepte que le relevé d’emploi modifié fasse partie de la preuve dont je tiens compte pour rendre ma décision : je n’ai aucune raison de douter que l’employeur a rempli le relevé et l’a envoyé au prestataire. Je n’ai aucune raison de douter que le prestataire l’ait vu pour la première fois après l’audience. Il n’aurait donc pas pu l’envoyer au Tribunal avant l’audience. La Commission ne subit aucun préjudice du fait que j’accepte le relevé modifié parce qu’elle a eu l’occasion de répondre au document.

[25] Enfin, il est dans l’intérêt de l’équité et de la justice d’accepter que le document fasse partie de la preuve. Cela n’a pas trop ralenti le processus du Tribunal. De plus, le document est pertinent quant à une question que je dois examiner et trancher.

Question en litige

[26] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[27] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 11.

[28] Je dois décider deux choses :

  • Premièrement, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi.
  • Deuxièmement, je dois voir si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

La raison pour laquelle le prestataire a perdu son emploi

[29] Je conclus que l’employeur du prestataire l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[30] Je dois évaluer la preuve et tirer une conclusion sur la raison pour laquelle le prestataire a cessé d’exercer son emploi. Autrement dit, je dois tirer une conclusion de fait fondée sur la preuve. Je n’ai pas à suivre, accepter ou croire la raison fournie par l’employeur sur le relevé d’emploi. Je dois examiner et évaluer tous les éléments de preuve pertinents concernant cette questionNote de bas de page 12.

[31] Le prestataire et la Commission conviennent en grande partie que l’employeur a congédié le prestataire parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination. (Il y a un élément de preuve qui contredit cela; je l’examinerai ci-dessous.)

[32] C’est ce que la prestataire a dit à la Commission et cela est conforme à son témoignage à l’audienceNote de bas de page 13. C’est aussi ce qu’il a écrit dans sa demande de révision et dans son avis d’appelNote de bas de page 14.

[33] Sur le premier relevé d’emploi, l’employeur a écrit [traduction] « congédiement » et a utilisé le code M (congédiement ou suspension).Note de bas de page 15 Il a dit à la Commission qu’il a congédié le prestataire parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 16.

[34] J’accepte la preuve du prestataire et celle de l’employeur parce que je n’ai aucune raison de la remettre en question. Leur témoignage était toujours cohérent et le témoignage du prestataire concordait avec celui de l’employeur. À une exception près (voir ci-dessous), ce qu’ils ont dit est appuyé par tous les documents de l’affaire.

[35] L’employeur a envoyé au prestataire un relevé d’emploi modifié, qui a été rempli plus de onze mois après le premier relevé d’emploi. Le prestataire dit l’avoir reçu après l’audience.

[36] Je n’accorde aucune importance à la raison de l’employeur fournie dans le relevé d’emploi modifié ([traduction] « manque de travail ou fin de contrat ou saison », code « A »). Je ne lui accorde pas d’importance pour deux raisons.

[37] Premièrement, j’estime que le premier relevé d’emploi est plus susceptible d’être correct. La Commission n’a pas eu l’occasion de communiquer avec l’employeur pour lui demander pourquoi il avait modifié la raison indiquée dans le relevé modifié. Le premier relevé a été produit peu de temps après le congédiement du prestataire, alors que l’employeur faisait probablement face à de nombreux congédiements liés au non-respect de la politique de vaccination. De plus, tous les autres éléments de preuve (dont je n’ai aucune raison de remettre en question) indiquent que l’employeur l’a congédié parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination.

[38] Deuxièmement, il n’y a aucune preuve à l’appui d’un [traduction] « manque de travail ou d’une fin de contrat ou saison ». Le prestataire avait un contrat à durée déterminée jusqu’à la fin du trimestre. Son contrat indique ce qui suit [traduction] « Date de fin : 15-DÉC.-2021Note de bas de page 17 ». Autrement dit, son contrat n’était pas censé prendre fin le 7 octobre 2021, soit le jour où son employeur l’a congédié. Et le prestataire a déclaré qu’un autre enseignant avait été embauché pour le remplacer. Je n’ai aucune raison d’en douter. Je conclus donc qu’il n’y avait pas un manque de travail. Aucune des autres raisons pouvant possiblement mener à l’annulation du contrat n’existait au moment où il a quitté l’emploiNote de bas de page 18.

[39] Ainsi, d’après tous les documents et témoignages, je conclus que le prestataire n’a pas cessé de travailler en raison d’un [traduction] « manque de travail ou d’une fin de contrat ou saison ». Je conclus que la véritable raison du congédiement du prestataire est qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination.

La raison est une inconduite au sens de la loi

[40] Le fait que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[41] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’on entend par inconduite. Les décisions des tribunaux énoncent le critère juridique de l’inconduite. Le critère juridique établit les questions et les problèmes dont je dois tenir compte pour rendre ma décision.

[42] Je dois me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cette conduite constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 19. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable ou si la suspension et le congédiement constituaient des sanctions raisonnablesNote de bas de page 20.

[43] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable. Autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal pour que je décide que son comportement constituait une inconduiteNote de bas de page 21. Pour être considérée comme une inconduite, sa conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 22. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 23.

[44] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 24.

[45] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas rendre ma décision en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 25. Par exemple, je ne peux pas décider si le prestataire a été congédié à tort en vertu du droit de l’emploi. Je ne peux pas décider si son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en vertu des droits de la personne. Je ne peux pas non plus décider si son employeur a enfreint une convention collective.

[46] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 26.

Ce que la Commission dit de l’inconduite

[47] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve montre qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataireNote de bas de page 27 :

  • connaissait la politique de vaccination et savait qu’elle s’appliquait à lui même s’il travaillait à distanceNote de bas de page 28;
  • savait qu’il devait se faire vacciner ou obtenir une exemption avant la date limiteNote de bas de page 29;
  • savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié s’il ne le faisait pas parce que la politique l’indiquait et il a dit cela à la CommissionNote de bas de page 30;
  • ne s’est pas fait vacciner et n’a pas demandé d’exemption,Note de bas de page 31 ce qui constitue une conduite délibérée;
  • a été congédié parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeurNote de bas de page 32.

[48] La Commission se sert de la politique de vaccination de l’employeur pour appuyer sa thèse. L’employeur a fait suivre à la Commission deux messages qu’il dit avoir envoyés à tous les étudiants et employés, le 2 septembre 2021 et le 10 septembre 2021Note de bas de page 33.

[49] Le message du 2 septembre 2021 comprend les points suivants :

  • La politique de vaccination entre en vigueur le 7 septembre 2021 pour tous les étudiants et employés.
  • À compter du 7 septembre 2021, tous les étudiants et employés doivent avoir reçu la première dose d’un vaccin approuvé pour participer aux activités en personne autorisées par le collège sur le campus ou hors campus.
  • À compter du 1er novembre 2021, tous les étudiants et employés participant à des activités collégiales en personne doivent être entièrement vaccinés (ils doivent recevoir leur deuxième dose au plus tard le 17 octobre 2021), à moins qu’une exemption ne leur ait été accordée conformément à la politique et à la procédure.
  • Un lien hypertexte vers la [traduction] « Politique et procédure de vaccination contre la COVID-19 ».

[50] Le message du 10 septembre 2021 comprend les nouveaux points suivants :

  • Tous les étudiants et employés doivent divulguer leur statut vaccinal au collège.
  • La divulgation du statut vaccinal est une condition essentielle si l’on veut apprendre et travailler au collège.
  • Même les personnes qui travaillent à distance doivent se faire vacciner parce qu’elles peuvent être obligées d’aller sur le campus pour diverses raisons.

Ce que le prestataire dit de l’inconduite

[51] Le prestataire affirme que l’exigence de vaccination contre la COVID-19 ne faisait pas partie de son contratNote de bas de page 34. Avant d’occuper cet emploi, il avait demandé au doyen du département s’il devait se faire vacciner. Il a même dit au doyen qu’il ne pouvait pas se faire vacciner (avant que la politique de vaccination soit annoncée par le collège). Il affirme que le doyen lui a dit qu’il n’aurait pas à se faire vacciner. Il a donc signé le contrat.

[52] Le prestataire affirme aussi que ce que le doyen lui a dit faisait partie de son contrat d’emploi. L’employeur a donc rompu son contrat en le congédiant parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination.

[53] Il ajoute que la politique de vaccination ne s’appliquait pas à lui parce qu’il travaillait à distance, et non en personne. De plus, le prestataire affirme que son employeur ne lui a pas clairement communiqué la politique de vaccination. Lorsque l’employeur a communiqué la politique pour la première fois, il n’a pas précisé qu’elle s’appliquait aux travailleurs à distance. Et il a dit à la Commission qu’il a seulement appris du doyen, le 29 septembre, que la politique s’appliquait aux travailleurs à distance. Il a également dit à la Commission qu’il savait qu’il pouvait être congédié s’il ne se faisait pas vaccinerNote de bas de page 35.

[54] À l’audience, il a déclaré qu’il pensait que les choses allaient s’arranger. Il ne s’attendait pas à recevoir une lettre de congédiement. Il croyait que les travailleurs à distance ne seraient pas congédiés en vertu de la politique parce qu’il est déraisonnable de forcer les travailleurs à distance à se faire vacciner. Et cela allait à l’encontre des conditions de son contrat.

[55] Il a déclaré avoir parlé au doyen quelque temps après le message du 10 septembre. Le doyen lui a dit qu’on avait modifié la politique et qu’elle s’appliquait maintenant au prestataire, même s’il enseignait à distance.

[56] Il a affirmé qu’après avoir parlé au doyen, il a communiqué directement avec le collège communautaire. Le prestataire a présenté une demande pour qu’on indique que son contrat avait pris fin, au lieu d’indiquer qu’il avait été congédié en vertu de la politique de vaccination. Le collège n’a pas répondu à sa demande.

[57] Il a déclaré qu’il ne voulait pas demander d’exemption. Cela le gênait. Il ne pensait pas qu’il devrait être contraint de le faire. Il était d’avis qu’on ne devrait pas le forcer à fournir ses renseignements personnels à son employeur. Il ne faisait pas confiance à son employeur pour ce qui est de ses renseignements personnels. Et il craignait être l’objet de discrimination s’il présentait une demande.

[58] Enfin, il a déclaré qu’il ne s’agit pas d’une inconduite parce que son employeur n’a pas pris de mesures disciplinaires contre lui avant de le congédier. D’ailleurs, il a été congédié avant la date limite pour se faire vacciner ou obtenir une exemption.

La Commission a prouvé qu’il a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[59] La Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que le refus du prestataire de suivre la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[60] Je conclus que la politique de vaccination de l’employeur est devenue une condition d’emploi. La politique a supplanté ce que le doyen a dit au prestataire au sujet de la vaccination avant que ce dernier ne signe son contrat. L’employeur a clairement communiqué par écrit la politique et les obligations du prestataire en vertu de la politique. De plus, le prestataire ne nie pas avoir reçu ces messages.

[61] Je conclus que le prestataire connaissait la politique de vaccination et savait qu’elle s’appliquait à lui, même s’il travaillait à distance. Il savait qu’il pouvait être congédié s’il ne la suivait pas. Il a confirmé à l’audience ce qu’il avait dit à la Commission; soit qu’il connaissait la politique de vaccination et savait qu’il serait congédié s’il ne s’y conformait pas. Aussitôt que la politique a été modifiée afin d’inclure les travailleurs à distance, le prestataire a communiqué avec le doyen. Le doyen aurait dit que la politique s’appliquait à lui. Je n’ai aucune raison de douter de son témoignage sur ces points. Il est appuyé par ce que les deux parties ont dit à la Commission et par la politique de vaccination. Le prestataire était donc au courant.

[62] Le prestataire a dit deux choses différentes au sujet du moment où il a appris que la politique de vaccination s’appliquait aux travailleurs à distance. Il a confirmé à l’audience ce qu’il avait dit à la Commission, soit que le courriel du 10 septembre de son employeur n’indiquait pas que la politique s’appliquait aux travailleurs à distance. Il l’a donc appris le 29 septembre, lorsqu’il a parlé au doyen. Cependant, à l’audience, j’ai demandé au prestataire de consulter la page GD3-20, où la communication du 10 septembre sur la politique indique qu’elle s’applique aux travailleurs à distance. Il a reconnu que la politique indiquait cela.

[63] Je conclus que l’employeur a clairement communiqué sa politique de vaccination au prestataire. Aucun élément de preuve ne contredit cela. Le fait qu’il n’a peut-être pas bien compris ou mal interprété la communication de la politique ne signifie pas forcément qu’on ne la lui a pas communiquée clairement.

[64] Même si je me trompe en disant qu’il savait que la politique s’appliquait à lui et qu’il pouvait être congédié s’il ne se faisait pas vacciner (ou s’il n’obtenait pas d’exemption) avant la date limite, je conclus qu’il aurait dû le savoir.

[65] Étant donné les circonstances, il était déraisonnable que le prestataire continue à croire ce que le doyen lui a dit en août et au début de septembre. Le 10 septembre, l’employeur a clairement indiqué que sa politique de vaccination s’appliquait aux « travailleurs à distance » et que la vaccination était une condition de travail. Le prestataire avoue qu’il a reçu ce document. J’accepte son témoignage selon lequel le doyen lui a dit le 29 septembre que cela s’appliquait à lui et qu’il pouvait être congédié. J’accepte aussi les notes de la Commission selon lesquelles le prestataire lui aurait dit à trois reprises qu’il savait qu’on pouvait le congédier s’il ne se faisait pas vacciner. Il aurait donc dû savoir qu’il serait congédié s’il ne se conformait pas à la politique.

[66] Je conclus que l’employeur a congédié le prestataire avant la date limite pour se faire vacciner ou obtenir une exemption. Aucun élément de preuve ne contredit ce fait.

[67] Cela ne change rien à ma décision selon laquelle sa conduite constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et ce, pour trois raisons :

  • Premièrement, il n’avait même pas l’intention de se faire vacciner. Il n’a pas reçu le vaccin. C’est ce qu’il a dit et je n’ai aucune raison d’en douter. Il l’avait dit clairement à son employeur et il m’a dit la même chose à l’audience. Il est logique que l’employeur ait fait des démarches pour le remplacer puisque le cours qu’il enseignait avait déjà commencé.
  • Deuxièmement, même si je me trompe au sujet de la première raison, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait déjà enfreint la politique de vaccination de son employeur lorsqu’il a été congédié le 7 octobre. Il n’avait déjà plus le temps de se conformer à la politique. La politique précise qu’il devait recevoir la deuxième dose au plus tard le 17 octobre 2021. Il n’aurait pas pu le faire selon les lignes directrices médicales acceptées pour la vaccination contre la COVID-19. Les lignes directrices prévoient un délai d’au moins dix-neuf jours entre la première et la deuxième doseNote de bas de page 36. J’ai accepté ces éléments de preuve parce qu’ils sont « notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnablesNote de bas de page 37 ».
  • Troisièmement, il n’avait pas l’intention de demander une exemption. Il a déclaré qu’il ne pensait pas qu’il devrait le faire ou qu’il devrait être forcé de le faire en vertu de diverses lois. De plus, il ne faisait pas confiance à son employeur pour ce qui est de ses renseignements personnels. Je n’ai aucune raison de douter de ce qu’il a dit au sujet de ses croyances et de ses intentions.

[68] Finalement, je conclus qu’il a consciemment, délibérément et intentionnellement refusé de suivre la politique de vaccination de son employeur. J’accepte son témoignage à ce sujet. Son témoignage était clair et cohérent sur ce point. Il n’allait pas se faire vacciner ni demander une exemption. Il a présenté de nombreuses raisons justifiant son refus. De plus, il estimait que son employeur n’avait pas le pouvoir légal de faire en sorte que la vaccination ou la demande d’exemption fasse partie de son contrat d’emploi. Il n’y a aucune preuve qui contredit son témoignage à ce sujet.

Les autres arguments du prestataire

[69] Le prestataire a dit que je devrais accueillir son appel en raison de la décision du Tribunal dans le dossier d’appel du Tribunal GE-22-829.

[70] Je ne suis pas d’accord pour deux raisons.

[71] Premièrement, je n’ai pas à suivre les décisions antérieures du Tribunal.

[72] Deuxièmement, les faits dans l’affaire GE-22-829 ne ressemblent pas aux faits de l’appel du prestataire. Dans l’affaire GE-22-829, le prestataire a eu gain de cause dans son appel parce que son employeur l’a congédié deux jours après lui avoir parlé de sa politique de vaccination. Le prestataire en question n’a donc pas eu l’occasion de se conformer à la politique. Cela signifie que sa conduite n’était pas délibérée ou si insouciante qu’elle était presque délibérée. Sa conduite n’était donc pas une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[73] Dans le présent appel, le prestataire a eu assez de temps pour se conformer à la politique de son employeur. Il a choisi volontairement de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur.

[74] Le prestataire a présenté d’autres argumentsNote de bas de page 38 :

  • Son employeur a enfreint son contrat de travail.
  • Son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation et considérer d’autres solutions.
  • La politique de vaccination n’était pas raisonnable compte tenu de la preuve concernant les vaccins contre la COVID-19.
  • L’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi devrait tenir compte d’autres facteurs, comme le droit du travail et le droit de l’emploi.
  • Son employeur a enfreint la loi ontarienne sur la protection de la vie privée en exigeant que les employés divulguent leur statut vaccinal.

[75] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas tenir compte de ces arguments. Les tribunaux ont établi clairement que j’ai le devoir dans les cas d’inconduite de vérifier que la conduite du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas me concentrer sur la conduite de son employeur. Je ne peux donc pas vérifier si la politique de son employeur ou la sanction qui lui a été imposée était raisonnable. Je ne peux pas non plus tenir compte d’autres lois, comme le droit du travail, le droit de l’emploi ou le droit de la protection de la vie privée.

La conduite du prestataire était une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[76] À la lumière de tous les documents et témoignages, ainsi que des conclusions que j’ai tirées ci-dessus, je conclus que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[77] Comme je l’ai reconnu plus haut, la décision de la Commission a eu de graves conséquences financières pour le prestataire. Cependant, je dois suivre la Loi sur l’assurance-emploi lorsque je rends ma décision. Je ne peux pas trancher les appels en me fondant sur les principes généraux d’équité ou de justice.

Conclusion

[78] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi.

[79] Cela signifie que l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.