Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : AM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1638

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant d’une révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (489532) datée du 17 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 24 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Témoin de l’appelante
Date de la décision : Le 30 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-3137

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire affirme qu’elle a été congédiée parce qu’elle est allée à l’encontre de sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] La prestataire affirme qu’elle n’a pas agi de façon délibérée, mais qu’elle croyait obtenir une exemption fondée sur son état de santé et sa religion. Elle dit ne pas s’être rendu compte qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique. Elle affirme que son employeur n’a pas répondu à temps à sa demande d’exemption de la politique.

[7] La prestataire affirme que le vaccin n’arrête pas la transmission et peut entraîner des effets indésirables. Elle dit pouvoir travailler de la maison. Elle dit que la politique n’était pas raisonnable et qu’elle allait à l’encontre d’un certain nombre de lois et de principes juridiques, y compris la Déclaration canadienne des droits, les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur les droits de la personne, le Code criminel, le congédiement injustifié et son contrat de travail.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique, peu importe si l’employeur a congédié ou suspendu la personneNote de bas page 2.

[10] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[11] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

[12] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[13] La Commission affirme que la prestataire savait et comprenait qu’elle risquait d’être congédiée si elle ne respectait pas la politique de l’employeur. Elle affirme que la prestataire a reconnu qu’elle connaissait la politique et les conséquences de ne pas s’y conformer. Elle affirme qu’il y a d’autres éléments de preuve qui décrivent de façon claire la politique et les conséquences de ne pas s’y conformer. Elle dit aussi que le comportement de la prestataire correspond à la définition d’une inconduite, car il était volontaire, délibéré ou intentionnel, et que la prestataire connaissait les conséquences du non-respect de la politique.

[14] Je conclus qu’il n’est pas contesté que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle est allée à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[15] La raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[16] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la raison du congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[17] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 5.

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait, ou aurait dû savoir, que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 6.

[19] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 8.

[20] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû prendre des dispositions raisonnables (mesures d’adaptation) pour la prestataireNote de bas page 9. Je peux examiner une seule chose : si ce que la prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite au sens de la Loi.

[21] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la prestataire ait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 10.

[22] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a avisé la prestataire de façon claire de ses attentes concernant la vaccination.
  • L’employeur a envoyé de la correspondance écrite aux membres du personnel et directement à la prestataire pour leur faire part de ses attentes, et les documents supplémentaires au dossier exposent clairement la politique et les conséquences du non-respect de celle-ci.
  • Le comportement de la prestataire était volontaire, délibéré ou intentionnel et elle savait quelles seraient les conséquences si elle ne respectait pas la politique.

[23] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite parce qu’elle n’a pas agi volontairement, mais qu’elle croyait obtenir une exemption en raison de son état de santé et de sa religion. Elle dit ne pas avoir réalisé qu’elle perdrait son emploi si elle ne respectait pas la politique. Elle affirme que son employeur n’a pas répondu à temps à sa demande d’exemption de la politique.

[24] La prestataire affirme que le vaccin n’arrête pas la transmission et peut entraîner des effets indésirables. Elle dit qu’elle peut travailler de la maison et que la politique n’était pas raisonnable. Elle affirme que la politique va à l’encontre d’un certain nombre de lois et de principes juridiques.

[25] La politique de vaccination de l’employeur est un arrêté de l’agent provincial de soins de santé daté du 14 octobre 2021Note de bas page 11. L’arrêté précise que les membres du personnel doivent être vaccinés ou bénéficier d’une exemption pour travailler. Il dit que les membres du personnel non vaccinés ne pourront pas travailler après le 25 octobre 2021.

[26] Aux dates suivantes, l’employeur a informé la prestataire des exigences et des conséquences de ne pas respecter ces dernières :

  • Les employés ont reçu un courriel le 7 octobre 2021 indiquant que l’employeur prévoit que tous les membres du personnel devront être vaccinés contre la COVID-19. L’employeur prévoit que si un membre du personnel n’a pas reçu une première dose avant le 26 octobre 2021, il sera mis en congé sans solde. Il a aussi déclaré qu’il existe très peu de circonstances pour lesquelles une exemption médicale peut être accordée et a fourni un lien en ligne pour obtenir de plus amples renseignements.
  • La prestataire a reçu une lettre de suspension de son employeur le 25 octobre 2021. La lettre déclare qu’elle n’a pas confirmé qu’elle était entièrement vaccinée et qu’elle sera donc mise en congé sans solde pour une période de trois semaines à compter du 26 octobre 2021. Elle précise aussi que si la prestataire ne reçoit pas une première dose, son emploi pourrait prendre fin à compter du 15 novembre 2021, sauf si elle attend actuellement une décision relativement à une exemption médicale de la part de l’agent provincial de soins de santéNote de bas page 12.
  • Le 15 novembre 2021, la prestataire a reçu une lettre de congédiement de son employeur indiquant qu’elle n’avait pas confirmé qu’elle était entièrement vaccinée. Elle précisait que la prestataire était congédiée à compter du 15 novembre 2021, et que si son statut vaccinal venait à changer, elle pouvait présenter une nouvelle demande pour un posteNote de bas page 13.

[27] La prestataire a déclaré ce qui suit :

  • Elle a entendu parler de la politique de vaccination en septembre 2021, car elle s’appliquait aux membres du personnel des cliniques, mais la politique ne s’appliquait pas à son poste à ce moment-là.
  • Elle a quitté le travail le 7 octobre 2021 et est partie en congé de maladie en raison de son état mental après le décès de son ami et d’un problème de santé (symptômes cardiovasculaires).
  • Le 7 octobre 2021, elle a parlé à une médecin de l’obtention d’une exemption médicale. La médecin lui a dit que, même si elle comprenait les préoccupations de la prestataire, elle n’était pas en mesure de lui fournir une demande d’exemption médicale. La médecin lui a dit qu’elle ne pouvait pas accorder d’exemption médicale, sauf pour des allergies particulières.
  • Elle a seulement entendu quelques jours avant une rencontre avec la direction, le 25 octobre 2021, que la politique s’appliquait à elle.
  • Elle a rencontré la direction le 25 octobre 2021 pour discuter de la politique.
  • Elle a envoyé sa demande d’exemption pour des raisons de santé et de religion le 25 octobre 2021. Elle n’a pas inclus de note médicale. Elle n’a pas non plus inclus une lettre d’un chef religieux.
  • Elle n’a reçu aucun courriel de son employeur après le 7 octobre 2021, car elle était en congé de maladie. Cependant, elle affirme qu’elle avait accès au courriel de travail pour la semaine du 25 octobre 2021.
  • Elle n’était pas au courant du formulaire d’exclusion médicale avant [traduction] « quelque temps » en novembre 2021, et sa demande d’exemption médicale et religieuse a été refusée [traduction] « quelque temps » en novembre.
  • Elle ne s’est pas rendu compte qu’elle perdrait son emploi, car ses patrons étaient au courant de ses problèmes de santé.
  • Elle ne s’est pas fait vacciner.

[28] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui disait que les membres du personnel non vaccinés ne pourraient pas travailler après le 25 octobre 2022, à moins d’être exemptés de la politique.
  • L’employeur a dit de façon claire à la prestataire ce qu’il attendait des membres de son personnel en ce qui a trait à la vaccination.
  • L’employeur a envoyé de la correspondance écrite à la prestataire à plusieurs reprises pour lui faire part de ses attentes, et il l’a rencontrée pour parler de la politique. Au minimum, l’employeur a rencontré la prestataire le 25 octobre 2021, lui a écrit le 25 octobre 2021 et la prestataire a eu accès à ses courriels de travail pendant la semaine du 25 octobre 2021 pour mieux connaître la politique, les exemptions et les conséquences en cas de non-respect.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur. D’après son témoignage, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était peu probable qu’elle reçoive une exemption de la politique, après sa conversation avec un médecin le 7 octobre 2021. Je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle risquait d’être congédiée pour ne pas avoir respecté la politique, en se fondant sur la lettre datée du 25 octobre 2021. Je remarque que la lettre confirmait que l’employeur lui aurait permis de retourner au travail si elle avait reçu une première dose avant le 15 novembre 2021, soit la date de son congédiement.

La prestataire a-t-elle donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[29] Selon mes conclusions précédentes, je juge que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[30] En effet, les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

Conclusion

[31] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[32] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.