Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1643

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. L.
Partie intimée : Commission de l’assurance emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (535343) datée du 4 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience  : Le 10 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 11 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3331

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a été mise en congé sans solde (suspendue) de son emploi. Son employeur a déclaré qu’elle avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se faire vacciner conformément à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] La prestataire ne conteste pas que cela s’est produit. Cependant, elle n’était pas d’accord avec la politique de l’employeur. Celle-ci allait à l’encontre de ses croyances religieuses. Elle affirme que son employeur a violé ses droits et qu’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en raison de ses croyances religieuses. Elle a déposé une plainte relative aux droits de la personne. Elle affirme qu’elle n’a commis aucune inconduite.

[5] La Commission a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par la suite, la Commission a décidé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 28 mars 2022 au 17 juin 2022 parce qu’elle avait été suspendue de son emploi au cours de cette période en raison d’une inconduite.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[7] Pour répondre à cette question, je dois décider deux choses. D’abord, je dois examiner pour quelle raison la prestataire a été suspendue de son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Analyse

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[8] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID de l’employeur. La prestataire convient qu’elle a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur et qu’elle ne s’est pas fait vacciner.

[9] La prestataire a déclaré que l’employeur a envoyé un courriel aux employés en août 2021. Ce courriel disait que tous les employés devaient être vaccinés contre la COVID-19 et attester qu’ils étaient vaccinés au plus tard le 29 octobre 2021.

[10] La politique de l’employeur est entrée en vigueur le 6 octobre 2021Note de bas page 2.

[11] Elle prévoyait ce qui suit :

  • Tous les employés devaient attester qu’ils étaient entièrement vaccinés au plus tard le 29 octobre 2021, deux semaines après leur retour d’un congé payé ou deux semaines après avoir été informés que leur demande de mesures d’adaptation avait été refusée.
  • Les employés qui n’attestaient pas qu’ils étaient entièrement vaccinés dans les délais prescrits n’étaient pas autorisés à continuer de travailler ou à entrer dans les locaux de l’employeur.
  • Les employés qui n’attestaient pas être entièrement vaccinés dans les délais prescrits étaient suspendus sans solde.

[12] La prestataire a demandé à être exemptée de la vaccination pour des raisons religieuses. L’employeur a rejeté sa demande. Elle estime que sa demande d’exemption religieuse aurait dû être approuvée par l’employeur.

[13] La prestataire a déclaré qu’elle ne s’est pas fait vacciner et qu’elle a été suspendue le 23 mars 2022. Elle a été rappelée au travail en juin 2022 lorsque la politique de vaccination obligatoire de l’employeur a été suspendue. Elle est cependant partie en congé de maladie jusqu’en octobre 2022, puis a repris son emploi.

[14] L’employeur a dit à l’agent de la Commission que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Il a confirmé que bien que la date limite pour se faire vacciner était le 29 octobre 2021, la prestataire avait été autorisée à travailler jusqu’au 23 mars 2022, pendant que sa demande d’exemption religieuse était examinéeNote de bas page 3.

[15] La prestataire a déclaré qu’elle avait dit à l’employeur qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’allait pas se faire vacciner. Elle a confirmé qu’elle ne pouvait pas travailler pour l’employeur à moins d’être vaccinée ou d’obtenir une exemption.

La prestataire a-t-elle été suspendue en raison d’une inconduite?

[16] La prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si la prestataire a été congédiée pour une inconduite au sens de la Loi. Cette dernière énonce le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les éléments à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 4. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 5. Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas page 6.

[19] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’elle soit suspendue de son emploiNote de bas page 7.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 8.

[21] Je peux trancher que les questions relatives à la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si la prestataire a d’autres options selon d’autres lois. Il ne m’appartient pas non plus de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de la prestataireNote de bas page 9. Je ne peux examiner qu’une seule chose, soit si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[22] Dans l’affaire McNamara dont la Cour d’appel fédérale a été saisie, le prestataire a fait valoir qu’il devait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait congédié à tortNote de bas page 10. Il a perdu son emploi en raison de la politique de dépistage des drogues de son employeur. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité parce qu’il consommait des drogues. De plus, les résultats de son dernier test de dépistage auraient dû être encore valables.

[23] La Cour d’appel fédérale a répondu qu’elle avait toujours dit que dans les cas d’inconduite, la question était de savoir si l’acte ou l’omission de l’employé constituait une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non si l’employé avait été congédié à tortNote de bas page 11.

[24] La Cour d’appel fédérale a également déclaré que pour interpréter et appliquer la Loi, l’accent doit être clairement mis sur le comportement de l’employé, et non sur celui de l’employeur. Elle a souligné que les employés qui ont été congédiés à tort ont d’autres solutions à leur disposition. Ces solutions permettent de sanctionner le comportement de l’employeur, plutôt que de faire payer les contribuables pour celui-ci par le truchement des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 12.

[25] Dans l’affaire plus récente Paradis, le prestataire a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas page 13. Il a soutenu qu’il avait été congédié à tort puisque les résultats du test indiquaient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail. Il a dit que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’était pas pertinente pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 14.

[26] De même, dans l’affaire Mishibinijima, le prestataire a perdu son emploi en raison de sa dépendance à l’alcoolNote de bas page 15. Il a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que la dépendance à l’alcool est considérée comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a rappelé que l’accent doit être mis sur ce que l’employé a fait ou n’a pas fait, et que le fait que l’employeur ne lui ait pas offert de mesures d’adaptation n’était pas un facteur pertinentNote de bas page 16.

[27] Ces affaires ne portent évidemment pas sur des politiques de vaccination contre la COVID-19, mais les principes qu’elles renferment sont tout de même pertinents. Mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de suspendre la prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait, et établir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

[28] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que la prestataire a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur et savait que son choix pouvait entraîner sa suspension.

[29] La prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur était illégale et violait ses droits. Son employeur aurait dû l’exempter de la vaccination pour des raisons religieuses. Sa convention collective n’exige pas qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. Elle a le droit de donner son consentement éclairé et de refuser un traitement médical.

[30] Je conclus que la prestataire a choisi de façon consciente et délibérée de ne pas se faire vacciner, contrairement à la politique de l’employeur. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas été vaccinée et que sa demande d’exemption avait été rejetée. Elle a dit à son employeur qu’elle n’était pas vaccinée et qu’elle n’allait pas se faire vacciner.

[31] La prestataire savait qu’elle ne pouvait pas travailler parce qu’elle n’était pas vaccinée. Elle a déclaré qu’elle savait qu’elle ne pouvait pas travailler sans être vaccinée, à moins d’obtenir une exemption. Comme l’employeur a rejeté sa demande d’exemption, elle savait qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler parce qu’elle n’était pas vaccinée à la date limite.

[32] La prestataire savait qu’elle pouvait être suspendue de son emploi si elle ne se conformait pas à la politique de vaccination de l’employeur. Elle a confirmé dans son témoignage qu’elle avait reçu et lu la politique de vaccination de l’employeur. Elle a dit que la politique s’appliquait à elle. Elle a déclaré que l’employeur lui avait dit qu’elle pouvait être suspendue de son emploi si elle ne respectait pas la politique. Elle n’a pas été surprise d’être suspendue.

[33] Je conclus que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que tous les employés se fassent entièrement vacciner ou soient exemptés de la vaccination.
  • L’employeur a clairement communiqué sa politique à la prestataire et a précisé ses attentes en matière la vaccination.
  • La prestataire connaissait les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.
  • La prestataire n’a pas été exemptée de la vaccination.
  • La prestataire ne s’est pas fait vacciner et a donc été suspendue.

La prestataire a-t-elle donc été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Selon mes conclusions précédentes, je juge que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[35] Je tire cette conclusion parce que les actions de la prestataire ont mené à sa suspension. Elle a agi délibérément. Elle savait qu’elle serait suspendue si elle refusait de se faire vacciner.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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