Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : KC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1645

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : K. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (466365) datée du 2 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 3 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 11 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1780

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Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi permanent (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. C’est pour cette raison qu’elle est exclue du bénéfice des prestations régulières de l’assurance-emploi.

[3] La prestataire est responsable de rembourser le trop-payé de prestations. Par conséquent, je ne vais pas réduire ni annuler ce trop-payé.

Aperçu

[4] La prestataire a établi une période de prestations régulières de l’assurance-emploi prenant effet le 27 juin 2021. Elle a occupé un poste permanent à temps plein pendant 10 mois à titre d’assistante en éducation.

[5] La prestataire a communiqué avec la Commission de l’assurance-emploi du Canada le 21 septembre 2021 pour discuter de la raison de la cessation d’emploi figurant sur son relevé d’emploi. Elle a dit à la Commission qu’elle avait pris sa retraite de son emploi permanent à temps plein le 30 juin 2021 et qu’elle était devenue une employée occasionnelle.

[6] La Commission a effectué un examen des demandes de la prestataire. Elle a déterminé que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi permanent à temps plein, et ce sans justification. La Commission a imposé une exclusion rétroactive à compter du 27 juin 2021. Cela a entraîné un trop-payé de prestations de 4 202 $. La Commission a maintenu cette décision après révision.

[7] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale parce qu’elle ne veut pas avoir à rembourser le trop-payé de 4 202 $. Elle dit être atteinte d’asthme et d’anxiété. Elle affirme qu’elle ne voulait pas contracter le virus de la COVID-19; elle a donc décidé de prendre sa retraite. Elle s’est inscrite à la liste des employés occasionnels, de façon à limiter sa disponibilité pour travailler à trois écoles où les cas de COVID-19 étaient peu nombreux. Elle affirme qu’elle devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues parce qu’elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années.

Questions en litige

[8] La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi?

[9] Dans l’affirmative, a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

[10] Si ce n’est pas le cas, la Commission a-t-elle examiné les demandes adéquatement (c’est-à-dire de façon judiciaire)?

[11] Puis-je réduire ou annuler le trop-payé?

Analyse

Départ volontaire

[12] Selon la loi, pour décider si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi, « La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de quitter?Note de bas de page 1 »

[13] Je conclus que la prestataire a quitté volontairement son emploi parce qu’elle avait le choix de continuer à occuper son poste permanent d’assistante en éducation. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[14] À l’audience, la prestataire a dit avoir choisi de prendre sa retraite de son poste permanent à temps plein. Elle a occupé ce poste pendant environ neuf ans. Elle admet qu’elle aurait pu continuer à travailler à temps plein, mais elle a choisi de prendre sa retraite pour pouvoir faire du travail sur appel de façon occasionnelle afin de limiter son exposition au virus de la COVID-19. À titre d’employée occasionnelle, elle a limité sa disponibilité pour travailler à trois écoles. Celle où elle avait travaillé à temps plein de façon permanente au cours des deux dernières années faisait partie des écoles où elle a choisi de travailler sur appel de façon occasionnelle.

[15] La prestataire ne conteste pas avoir fait le choix personnel de quitter son emploi permanent à temps plein pour prendre sa retraite et devenir une employée occasionnelle. Je conclus donc qu’elle a quitté volontairement son emploi à temps plein.

Justification

[16] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[17] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[18] La loi explique ce que veut dire « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[19] La prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 4.

Circonstances au moment du départ de la prestataire

[20] La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 5. Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent à la prestataire, celle-ci devra démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 6.

[21] À l’audience, la prestataire a expliqué sa situation en détail. J’ai résumé ces circonstances ci-dessous.

  • Elle est atteinte d’asthme et d’anxiété.
  • Peu après le début de la pandémie de COVID-19, elle a pris un congé de maladie du travail, du 25 mai 2020 au 30 juin 2020.
  • Elle est retournée travailler à temps plein, en occupant son emploi permanent pendant 10 mois, soit du 8 septembre 2020 au 30 juin 2021.
  • Elle a fait le choix personnel de prendre sa retraite le 30 juin 2021. Elle a choisi un paiement forfaitaire versé à titre de pension, qu’elle a reçu le 8 octobre 2021.
  • Elle a choisi d’être sur la liste des employés occasionnels pour travailler sur appel comme assistante en éducation. Elle a limité sa disponibilité pour travailler à trois écoles où il y avait moins d’éclosions de COVID-19. L’une des écoles où elle a choisi de travailler de façon occasionnelle était celle où elle travaillait à temps plein au moment de prendre sa retraite.
  • Elle dit avoir décidé de prendre sa retraite parce que l’idée de se rendre à l’école pendant la pandémie de COVID-19 l’angoissait en raison de son anxiété.

[22] La loi prévoit une situation dans laquelle les conditions de travail constituent un danger pour la santé. Le problème de santé sur lequel une personne se fonde doit être précis plutôt que général et étayé par des preuves médicalesNote de bas de page 7.

[23] Bien que la prestataire puisse être atteinte d’asthme et d’anxiété, elle admet qu’après son congé de maladie approuvé, elle a pu retourner travailler à temps plein pendant toute la période de 10 mois allant du 8 septembre 2020 au 30 juin 2021.

[24] Il n’y a aucune preuve médicale au dossier à l’appui du fait que la prestataire a dû prendre sa retraite ou arrêter de travailler en juin 2021 pour des raisons de santé. Selon la loi, même si elle avait démontré qu’enseigner dans une école présentait un risque pour sa santé, la prestataire devait quand même démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-là.

Solutions raisonnables

[25] Lorsque j’examine l’ensemble de la preuve, je conclus que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi permanent à temps plein au moment où elle l’a fait. Elle n’a donc pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[26] Après avoir examiné les observations de la Commission, la prestataire convient qu’elle aurait pu demander un congé ou des mesures d’adaptation pour raisons de santé à son employeur, au lieu de prendre sa retraite.

[27] Je suis d’accord avec la Commission lorsqu’elle affirme que l’obtention d’un certificat médical avant de prendre sa retraite était une autre solution raisonnable pour la prestataire si elle avait vraiment l’impression de ne pas pouvoir continuer à travailler à temps plein pour des raisons de santé. La prestataire reconnaît que si c’était à refaire, elle demanderait un billet à son médecin.

[28] La preuve contredit la déclaration de la prestataire selon laquelle elle ne se sentait pas en sécurité en occupant son emploi à temps plein en raison de la COVID-19. Plus précisément, après avoir été en congé de maladie de mai 2020 à la fin juin 2020, elle est retournée travailler à temps plein au début de l’année scolaire suivante. Elle a travaillé du 8 septembre 2020 au 30 juin 2021, soit une période où la pandémie de COVID-19 était encore très active. Puis, à compter de septembre 2021, elle a continué à travailler de façon occasionnelle, à la même école où elle occupait son poste permanent à temps plein. Donc, si elle ne se sentait vraiment pas en sécurité au travail, on pourrait se demander pourquoi elle aurait continué à travailler de façon occasionnelle dans la même école.

[29] Ainsi, même en examinant l’ensemble de la preuve, comme je l’ai mentionné plus haut, je conclus que la prestataire a fait le choix personnel de prendre sa retraite. Elle a choisi de quitter son emploi à temps plein et de travailler sur appel comme employée occasionnelle. Même si un choix personnel peut constituer un motif valable, il ne prouve pas que la prestataire était fondée à quitter un emploi permanent à temps pleinNote de bas de page 8.

La Commission a-t-elle examiné les demandes adéquatement (c’est-à-dire de façon judiciaire)?

[30] Oui. La Commission a effectué son examen adéquatement.

[31] La loi précise que la Commission dispose de 36 mois après avoir versé des prestations d’assurance-emploi pour réexaminer une demande de prestationsNote de bas de page 9. Ce délai peut atteindre 72 mois lorsque la Commission est d’avis qu’une déclaration ou une affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demandeNote de bas de page 10.

[32] La Cour d’appel fédérale reconnaît que la Commission ne peut pas examiner les changements apportés aux demandes au moment précis où ils se produisent. C’est précisément pour cette raison que la Loi sur l’assurance-emploi accorde à la Commission un délai pour pouvoir annuler ou modifier toute décision rendue à l’égard d’une demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[33] La prestataire affirme qu’il doit y avoir des exceptions pour tenir compte de sa situation. Elle fait valoir qu’elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant de nombreuses années. Elle a également souligné certaines erreurs de transcription dans son formulaire de demande, dans le relevé d’emploi et dans le document de la Commission, où un numéro de téléphone incorrect était indiqué.

[34] Comme il a été expliqué à l’audience, les prestations d’assurance-emploi ne constituent pas un fonds de pension ou un programme fondé sur les besoins qu’elle peut retirer à son gré. Bien que l’admissibilité aux prestations exige des cotisations au régime d’assurance-emploi, une personne doit remplir les conditions d’admissibilité et se conformer aux exigences énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi pour pouvoir recevoir des prestations.

[35] De plus, j’estime que les erreurs de transcription n’ont causé aucun préjudice à la prestataire, car elle a pu faire appel de la décision de la Commission. Les appels dont le Tribunal est saisi sont de novo. Ainsi, le processus de prise de décision à l’égard de la demande de la prestataire commence à nouveau, ce qui lui permet de présenter tous les éléments de preuve pertinents.

[36] Je reconnais que la prestataire soutient qu’elle aurait pu être admissible aux prestations régulières qu’elle a reçues si elle avait pris sa retraite en septembre plutôt qu’en juin 2021. Cependant, comme je l’ai expliqué à l’audience, je dois trancher l’appel en me fondant sur les faits et non sur ce qui aurait pu se produire si elle a fait des choix différents.

[37] Il s’agit vraiment d’une situation malheureuse. La prestataire a été honnête et a téléphoné à la Commission en septembre pour divulguer qu’elle avait pris sa retraite en juin 2021. Ainsi, si le relevé d’emploi avait indiqué « G » pour la retraite plutôt que « A » pour la mise à pied, le trop-payé n’aurait peut-être pas été aussi élevé, puisque cela aurait pu amener la Commission à examiner la raison de la cessation d’emploi plus tôt. Cela dit, la Commission a effectué son évaluation conformément à la loi, de sorte que le trop-payé est valide.

Remboursement d’un trop-payé?

[38] La loi précise qu’une personne a l’obligation de rembourser les prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’est pas admissibleNote de bas de page 12.

[39] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou d’annuler le trop-payéNote de bas de page 13. Ce pouvoir appartient à la Commission. Je n’ai pas non plus le pouvoir d’ordonner à la Commission d’annuler un trop-payé.

[40] Je compatis avec la prestataire, compte tenu des circonstances qu’elle a présentées. Elle croit qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser les prestations d’assurance-emploi en raison de sa situation. Toutefois, l’assurance-emploi n’est pas un programme fondé sur les besoins. Les parties prestataires doivent prouver qu’elles remplissent les conditions requises pour recevoir des prestations. Malheureusement, la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 27 juin 2021.

[41] Deux options s’offrent à la prestataire. Elle peut demander à la Commission d’envisager de radier le trop-payé en raison de difficultés excessivesNote de bas de page 14. Si elle est insatisfaite de la réponse de la Commission, la prestataire peut faire appel devant la Cour fédérale du Canada.

[42] La prestataire peut également communiquer avec le Centre d’appels de la gestion de la dette de l’Agence du revenu du Canada au 1-866-864-5823 au sujet d’un calendrier de remboursement ou d’une autre mesure d’allégement de la detteNote de bas de page 15.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté. La prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

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