Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1633

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (463038) datée du 5 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Date de la décision : Le 31 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1507

Sur cette page

Introduction

[1] L’employeur de la prestataire a instauré une politique qui exigeait que tous les membres du personnel soient vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 16 décembre 2021Note de bas de page 1. La prestataire n’était pas vaccinée à cette date. L’employeur a mis la prestataire en congé sans solde parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politiqueNote de bas de page 2. La Commission a refusé de verser des prestations d’assurance-emploi à la prestataire parce qu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 3.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas mis en cause

[2] Parfois, le Tribunal de la sécurité sociale envoie une lettre à l’employeur de la partie prestataire pour demander s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a envoyé une lettre à l’employeur, mais n’a reçu aucune réponse.

[3] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas mettre l’employeur en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier n’indique que ma décision lui imposerait des obligations légales quelconques.

La prestataire n’était pas en congé volontaire

[4] Dans le contexte de la Loi sur l’assurance-emploi, un congé volontaire nécessite une entente entre l’employeur et la personne concernée. Le congé doit aussi avoir une date de fin convenue entre l’employeur et cette personneNote de bas de page 4.

[5] Le dossier ne montre pas que la prestataire a accepté d’être en congé à partir du 16 décembre 2021Note de bas de page 5.

[6] L’article de loi sur l’inadmissibilité découlant d’une suspension porte sur les actions d’une partie prestataire qui ont entraîné son chômage. Il dit qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible aux prestations [c’est moi qui souligne]Note de bas de page 6. La preuve montre que la conduite de la prestataire, soit son refus de se faire vacciner, a entraîné son chômage. Je suis convaincue qu’au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, la situation de la prestataire peut être considérée comme une suspension.

Question en litige

[7] Je dois décider s’il faut rejeter l’appel de la prestataire de façon sommaire.

Législation

[8] L’article 53(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit que la division générale rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] L’article 22 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précise qu’avant de rejeter l’appel de façon sommaire, la division générale avise la partie appelante par écrit et lui donne un délai raisonnable pour présenter des observationsNote de bas de page 7.

[10] L’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire suspendue de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations jusqu’à, selon le cas :

  1. a) la fin de la période de suspension;
  2. b) la perte de cet emploi ou son départ volontaire;
  3. c) le cumul chez un autre employeur, depuis le début de la période de suspension, du nombre d’heures d’emploi assurable exigé à l’article 7 ou 7.1.

Preuve

[11] Le dossier d’appel montre que la prestataire a rempli une demande de prestations d’assurance-emploi le 25 janvier 2022Note de bas de page 8.

[12] Le dossier d’appel comporte un relevé d’emploi produit le 31 décembre 2021 en raison d’un congéNote de bas de page 9. Le relevé indique que le dernier jour où la prestataire a été payée était le 16 décembre 2021.

[13] La prestataire a parlé au personnel de Service Canada les 20 et 24 février 2022Note de bas de page 10. Elle a dit qu’elle avait arrêté de travailler le 6 décembre 2021 pour des raisons de santé. Elle a affirmé avoir reçu un appel téléphonique de son employeur le 16 décembre 2021, qui l’informait qu’elle était suspendue sans solde et qu’elle n’avait plus le droit d’entrer dans l’immeuble. Elle devait être entièrement vaccinée au plus tard le 16 décembre 2021, mais elle a dit qu’elle n’avait reçu aucun vaccin. La prestataire a mentionné au personnel de Service Canada qu’elle n’a pas expliqué à son employeur pourquoi elle ne s’était pas fait vacciner, car il s’agissait de renseignements médicaux privés. La prestataire savait qu’elle pouvait être mise en congé, mais ne pensait pas que cela se produirait.

[14] La prestataire a reparlé au personnel de Service Canada le 4 avril 2022. Elle a expliqué que son congé de maladie avait commencé le 6 décembre 2021 et qu’elle devait retourner au travail le 7 janvier 2022. La prestataire a été avisée le 16 décembre 2021 qu’elle était suspendue sans solde et qu’elle n’était plus autorisée à entrer dans l’immeuble jusqu’à ce qu’elle soit entièrement vaccinée. La prestataire a dit à Service Canada qu’elle était bien au courant de la politique et des conséquences de tout manquement. Elle comprenait aussi qu’elle n’avait pas été congédiée.

[15] Les 24 février et 5 avril 2022, des personnes représentant l’employeur ont parlé au personnel de Service CanadaNote de bas de page 11. Elles ont dit que la prestataire était en congé sans solde. Le 24 octobre 2021, tout le personnel a été avisé par courriel que l’employeur allait instaurer une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 le 16 décembre 2021. Toute personne qui ne respectait pas cette politique ou qui n’était pas admissible à une exemption médicale ou religieuse serait mise en congé sans solde pour une période indéterminée. Service Canada a alors été informé que la prestataire n’avait pas fourni de preuve de vaccination ni demandé d’exemption médicale ou religieuse et qu’elle avait été mise en congé sans solde le 17 décembre 2021.

Observations

[16] Dans son appel au Tribunal, la prestataire a écrit qu’elle n’était pas d’accord avec la décision et que le Tribunal violait certains « décrets royaux » de la « reine Romana Didulo »Note de bas de page 12. La prestataire a fourni des copies de ces décrets. Elle a donné suite à son appel initial au Tribunal en présentant d’autres observations concernant les décretsNote de bas de page 13.

[17] En réponse à l’avis d’intention de rejet sommaire du Tribunal, la prestataire a affirmé que le fait de ne pas lui verser de prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’elle a refusé la thérapie génique qu’est le vaccin contre la COVID-19 constitue une trahison au royaume du Canada. Elle a présenté des documents de Pfizer sur les effets secondaires et a énuméré des médecins au Canada qui, selon elle, [traduction] « sont morts dans les deux semaines suivant leur quatrième vaccin ». La prestataire a renvoyé les « décrets royaux » de la « reine Romana Didulo » et a dit que la « reine » pouvait m’enlever mon emploi. La prestataire a aussi fourni une décision de la Cour internationale de justice de common law.

[18] La Commission a fait valoir que, peu importe s’il s’agit d’un congé ou d’une suspension en raison d’une inconduite, le résultat est le même : la prestataire a entraîné sa propre perte d’emploi lorsqu’elle a refusé de se conformer à la politique ou au mandat de l’employeur. La Commission affirme que la prestataire a pris elle-même la décision de ne pas respecter la politique vaccinale de l’employeur. Comme la prestataire a choisi personnellement de ne pas se faire vacciner, elle est elle-même à l’origine du départ de son emploi; elle savait que le non-respect de la politique entraînerait la perte de son emploi. La Commission soutient que, comme les actions de la prestataire étaient délibérées, insouciantes et voulues, la raison de sa perte d’emploi correspond à la définition d’inconduiteNote de bas de page 14.

Analyse

Questions qui excèdent ma compétence

[19] Mon rôle n’est pas de décider si la politique de l’employeur enfreint les « décrets » que la prestataire a cités dans son appel au TribunalNote de bas de page 15.

[20] Mon rôle n’est pas non plus d’évaluer la sûreté ou l’efficacité des vaccins contre la COVID-19.

Questions qui relèvent de ma compétence

[21] Mon rôle est de décider si l’appel de la prestataire doit être rejeté de façon sommaire.

[22] Selon la loi, je peux rejeter l’appel de la prestataire si je suis convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 16.

[23] Je dois me demander s’il est clair et évident selon le dossier que l’appel est voué à l’échec.

[24] Il ne s’agit pas de savoir si le Tribunal doit rejeter l’appel après avoir examiné les faits, la jurisprudence et les arguments des parties. La question est plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à une éventuelle audienceNote de bas de page 17.

[25] Lorsque j’applique la loi et les deux critères juridiques ci-dessus, je peux seulement conclure que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

[26] Pour décider s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, je devrais examiner si la prestataire a posé des gestes délibérés. Il me faudrait évaluer si elle savait ou aurait dû savoir que ceux-ci pouvaient l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas de page 18.

[27] Une conduite délibérée est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 19. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la personne ait eu une intention coupableNote de bas de page 20.

[28] La politique de l’employeur exigeait que tous les membres du personnel fournissent une preuve de vaccination complète contre la COVID-19 au plus tard le 16 décembre 2021, à moins de contre-indication médicale. Le dossier d’appel montre que la prestataire n’avait pas demandé d’exemption ni fourni de preuve de vaccination contre la COVID-19 en date du 16 décembre 2021. Elle était au courant de la politique de l’employeur. En cas de manquement à la politique, elle savait qu’elle pouvait être suspendue et, par conséquent, qu’elle ne pourrait pas s’acquitter de ses fonctions. Aucune preuve éventuellement présentée à une audience ne pourrait changer les choses. Il m’apparaît clair que, d’après le dossier, l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je dois rejeter l’appel.

Conclusion

[29] Je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. L’appel est donc rejeté de façon sommaire.

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