Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1640

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (488564) datée du 25 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante

Date de la décision : Le 30 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2648

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur affirme l’avoir congédiée parce qu’elle s’est opposée à sa politique de vaccination : elle ne s’est pas fait vacciner et n’a pas déclaré qu’elle avait été vaccinée.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle soutient que le fait de s’opposer à la politique vaccinale de son employeur n’est pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a donnée. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] La prestataire affirme que l’employeur aurait dû lui accorder une exemption de la politique en raison de sa religion.

Question en litige

[7] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne soit congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[9] Pour savoir si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir la raison de la fin d’emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[10] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de suivre la politique vaccinale de son employeur.

[11] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé.

[12] La Commission affirme que la prestataire a bien été informée de la politique et aurait eu assez de temps pour s’y conformer. Elle ajoute que la prestataire savait que sa demande d’exemption de la politique avait été rejetée par l’employeur.

[13] Il ne fait aucun doute que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de suivre la politique vaccinale de son employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[14] La raison du congédiement de la prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[15] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous aide à décider si le congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, autrement dit les questions et facteurs à prendre en considération lors de l’examen d’un cas d’inconduite.

[16] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite peut aussi se présenter comme une conduite si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite selon la loi, il ne faut pas nécessairement que la personne ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle voulait faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si la personne savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 6.

[18] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 7. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8 .

[19] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas évaluer si d’autres lois offrent d’autres options à la prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 9. Je peux évaluer une seule chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[20] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[21] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur a mis en place une politique de vaccination.
  • L’employeur a informé la prestataire de ses attentes au sujet de la vaccination et de l’obligation de déclarer qu’elle avait été vaccinée.
  • La prestataire a été avisée qu’elle risquait d’être congédiée si elle ne respectait pas la politique.

[22] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite parce que l’employeur aurait dû lui accorder une exemption de la politique en raison de sa religion.

[23] Voici un résumé de la politique vaccinale de l’employeur :

  • Les membres du personnel doivent être entièrement vaccinés, à moins d’être exemptés par une mesure d’adaptation en raison d’un problème de santé reconnu, de la religion ou d’un autre motif prévu par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  • Les membres du personnel doivent confirmer leur vaccination au plus tard le 29 octobre 2021 ou deux semaines après la date où ils ont été informés qu’une mesure d’adaptation est refusée.
  • Les membres du personnel doivent se conformer à la politique, qu’ils travaillent sur place, à distance ou en télétravail.
  • Les membres du personnel qui ne se conforment pas à la politique n’auront pas accès au lieu de travail et seront mis en congé sans soldeNote de bas de page 11.

[24] La prestataire dit que la politique a été annoncée le 6 octobre 2021 et qu’elle en a reçu une copie par courriel le lendemain. Elle ajoute qu’elle savait que la date limite était le 29 octobre 2021.

[25] La prestataire affirme avoir présenté sa demande de mesure d’adaptation pour motifs religieux le 21 octobre 2021. Son employeur a rejeté sa demande.

[26] C’est dans une lettre datée du 9 décembre 2021 que l’employeur a rejeté la demande de mesure d’adaptation pour motifs religieux. La lettre indiquait que la prestataire n’était pas en mesure de démontrer que sa religion l’empêchait de se conformer à la politique. La lettre disait qu’elle devait se faire vacciner et déclarer à l’employeur qu’elle était vaccinée. On pouvait aussi y lire que la prestataire serait mise en congé sans solde si elle ne se conformait pas à la politique au plus tard le 6 janvier 2022Note de bas de page 12.

[27] Selon la prestataire, les exigences permettant d’obtenir une mesure d’adaptation pour motifs religieux n’étaient pas claires. Elle affirme que l’employeur n’a pas demandé à une personne spécialisée en théologie de vérifier sa demande de mesure d’adaptation.

[28] La prestataire précise qu’elle a été mise en congé sans solde le 7 janvier 2022. Elle s’attendait à ce que son contrat de travail soit renouvelé, car son employeur lui avait offert verbalement de prolonger son contrat en septembre 2021. Elle dit avoir accepté l’offre.

[29] La prestataire affirme que la personne qui la supervisait a plus tard décidé que son contrat ne pourrait pas être renouvelé si elle ne se conformait pas à la politique. La prestataire dit qu’elle serait devenue employée à temps plein si elle avait suivi la politique de vaccination.

[30] La prestataire affirme avoir reçu une lettre datée du 13 janvier 2022 l’informant que son contrat ne serait pas renouvelé le 11 février 2022.

[31] La prestataire tenait à ses croyances religieuses et ne s’est pas fait vacciner.

[32] J’estime que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qui exigeait que les membres du personnel soient entièrement vaccinés, à moins que des mesures d’adaptation ne leur soient accordées.
  • L’employeur a clairement informé la prestataire de ses attentes au sujet de la vaccination et de l’obligation de déclarer qu’elle avait été vaccinée.
  • Pour communiquer ses attentes, l’employeur a envoyé de la correspondance à la prestataire à plusieurs reprises, y compris une copie de la politique et une lettre datée du 9 décembre 2021, indiquant qu’elle n’était pas exemptée et qu’elle était tenue de se faire vacciner.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences de tout manquement à la politique vaccinale de l’employeur.

[33] J’estime que la prestataire a perdu son emploi lorsqu’elle a été mise en congé sans solde le 7 janvier 2022. Si je me fie à son témoignage, son contrat de travail aurait probablement été renouvelé si elle avait respecté la politique. Par conséquent, l’article 33 de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas à la situation de la prestataire. La prestataire n’a pas perdu son emploi dans les trois semaines précédant la fin de son contrat de travail. Ce contrat n’aurait pas pris fin sans inconduite.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[34] Selon mes conclusions ci-dessus, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[35] En effet, les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait qu’en refusant de se faire vacciner et de déclarer qu’elle avait été vaccinée, elle risquait de perdre son emploi.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La prestataire est alors exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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