Assurance-emploi (AE)

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Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 208

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de prolongation
de délai et à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 octobre 2022 (GE-22-1708)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 27 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-36

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Décision

[1] La prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. La permission de faire appel n’est toutefois pas accordée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue parce qu’elle a refusé de respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) adoptée par l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d'assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que la prestataire a refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que la prestataire savait ou aurait dû que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et que son refus était volontaire, conscient et délibéré. La division générale a conclu que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes:

  1. a) La demande a-t-elle été présentée en retard à la division d’appel?
  2. b) Si la demande est en retard, est-ce que je devrais prolonger le délai pour présenter la demande?
  3. c) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

La demande a été présentée en retard

[6] La décision de la division générale a été communiquée à la prestataire le 20 octobre 2022. Elle a déposé sa demande pour permission d’en appeler le 8 janvier 2023. La demande de la prestataire a été présentée en retard.

Je prolonge le délai pour présenter la demande

[7] Pour décider si je prolonge ou non le délai pour présenter la demande, je dois examiner si la prestataire a une explication raisonnable qui justifie le retard de sa demandeNote de bas page 1.

[8] Je constate que lors de la réception de la décision de la division générale, la prestataire était accaparée par son rôle de proche-aidante auprès de sa mère. Elle a dû intervenir régulièrement auprès du personnel médical ainsi qu’avec le médecin dans la prise de décision relative à son état de santé. Ceci a eu un impact significatif sur ses activités quotidiennes. Dès que la situation de sa mère a été stabilisée, la prestataire a déposé sa demande.

[9] Dans les circonstances, la prestataire a présenté une explication raisonnable justifiant son retard. Il y a lieu d’accorder la prolongation du délai pour présenter la demande.

Je n’accorde pas la permission de faire appel à la prestataire

[10] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais, elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En autres mots, que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[12] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[13] La prestataire soutient que la division générale n’a pas considéré son argument à l’effet qu’elle est régie par une convention collective et qu’aucune mention n’est faite à son contrat de travail du fait qu’elle doit se conformer à une politique de vaccination implantée par son employeur. Dans ce contexte, mon employeur a radicalement et illégalement changé des conditions de travail sans aucune consultation auprès des employés dans un contexte syndical.

[14] La division générale devait décider si la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[15] Il est bien établi qu'afin de trancher la demande de permission d'en appeler de la prestataire, je dois m'appuyer sur la preuve qui a été présentée à la division générale.Note de bas page 2

[16] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension serait injustifiée, mais bien de savoir si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[18] La division générale a déterminé que la prestataire a été suspendue parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de l’employeur en réponse à la pandémie. La prestataire a été informé de la politique mise en place par l’employeur pour protéger la santé et la sécurité de tout le personnel et a eu le temps de s’y conformer. La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement refusé de suivre la politique et qu’elle n’a pas obtenu une exemption. C’est ce qui a directement entraîné sa suspension.

[19] La division générale a déterminé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait mener à sa suspension.

[20] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi que le non-respect délibéré de la politique d’un employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).Note de bas page 3 Est également considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l'AE, le non-respect d'une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrie.Note de bas page 4

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu'un employeur a l'obligation légale de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, le Gouvernement du Canada a mis en œuvre sa politique pour l’administration publique centrale afin de protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La police était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.Note de bas page 5

[23] Il n’appartenait pas à la division générale de trancher les questions concernant l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. En d'autres termes, le Tribunal n'a pas la compétence pour décider si les mesures imposées par l'employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[24] La question de savoir si l’employeur n’a pas respecté la convention collective, ou de savoir si l’employeur aurait dû accommoder la prestataire, ou de savoir si la politique de l’employeur était déraisonnable et abusive, relève d'un autre forum. Ce Tribunal n'est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu'elle demande.Note de bas page 6

[25] La Cour fédérale a récemment rendu une décision dans Cecchetto concernant l'inconduite et le refus d'un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l'employeur.Note de bas page 7

[26] Le prestataire a fait valoir qu'il n'a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Il s'est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu'il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés en vertu du droit canadien et international.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d'appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n'est pas autorisé à traiter de ces questions. La Cour a convenu qu'en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l'employeur, le prestataire avait manqué à ses devoirs envers l'employeur et avait perdu son emploi en raison d'une inconduite en vertu de la Loi sur L’AE.Note de bas page 8 La Cour fédérale a déclaré qu'il existe d'autres moyens juridiques par lesquels les réclamations du prestataire peuvent se faire entendre.

[28] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a demandé le contrôle judiciaire d’une décision de la division d’appel du Tribunal lui refusant la permission d’en appeler. Il a fait valoir qu’il n’y avait pas eu d’inconduite puisque la politique de l’employeur en matière de drogues et d’alcool contrevenait à l’Alberta Human Rights Act.

[29] La Cour fédérale a confirmé qu’il en revenait à une autre instance de régler cette question. Elle a souligné qu’il existe d’autres recours disponibles pour sanctionner le comportement d'un employeur que par le truchement du programme d’assurance-emploi.

[30] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que la politique de l'employeur s'appliquait à la prestataire. Elle a refusé de se conformer à la politique. Elle savait que l'employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances et son refus était volontaire, conscient et délibéré.

[31] La prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l'employeur en réponse aux circonstances uniques créées par la pandémie et cela a entraîné la suspension de son emploi.

[32] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu'elle a tranché la question de l'inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d'appel fédérale, qui a défini l'inconduite en vertu de la Loi sur l'AE.

[33] La prestataire réfère à une décision de la division générale au soutien de sa position.Note de bas page 9 Je constate que cette décision est présentement en appel devant la division d’appel et que les faits sont différents.Note de bas page 10 Dans le présent dossier, la preuve ne démontre pas que la convention collective contenait une provision spécifique lui permettant de refuser la vaccination. De plus, cette décision de la division générale a été rendue avant Cecchetto. La décision de la division générale ne lui est d’aucun secours.

[34] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas page 11 Cela ne change rien au fait qu'en vertu de la Loi sur l'AE, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[35] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments de la prestataire au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. La prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[36] La prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. Par contre, la permission de faire appel n’est pas accordée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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