Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 157

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (487422) datée du 30 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 9 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2449

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Décision

[1] Je rejette l’appel de M. B. (le prestataire)Note de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Autrement dit, il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspensionNote de bas de page 2.

[3] Par conséquent, le prestataire n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a donc rendu la bonne décision en ce qui concerne la demande d’assurance-emploi du prestataire.

Aperçu

[5] Le prestataire a été suspendu de son emploi chez X. Il travaillait comme travailleur de soutien résidentiel dans un foyer collectif.

[6] L’employeur du prestataire affirme qu’il l’a mis en congé sans solde parce qu’il n’a pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[7] Même si le prestataire a d’abord donné à la Commission d’autres raisons pour expliquer pourquoi il ne travaillait pas, il a fini par être d’accord avec la raison fournie par son employeur.

[8] La Commission a accepté la raison de la suspension que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission ne pouvait donc pas lui verser des prestations régulières d’assurance-emploi pendant sa suspension (du 3 janvier 2022 au 18 mars 2022).

[9] Le prestataire affirme que la décision de la Commission viole ses croyances religieuses et ses droits. Il n’a pas choisi de prendre un congé sans solde, son employeur l’a forcé. Il soutient qu’il devrait pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi, puisqu’il a cotisé à l’assurance-emploi pendant plus de 30 ans et qu’il éprouve de sérieuses difficultés financières.

[10] Un peu plus de deux mois après avoir été suspendu, le prestataire était entièrement vacciné. Il a fourni une preuve de vaccination à son employeur, puis il est retourné au travail.

[11] Je dois décider pour quelle raison le prestataire a été suspendu. Ensuite, je dois décider si cette raison constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question en litige

[12] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[13] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique aux cas de congédiement et de suspension.

[14] Je dois décider deux choses :

  • la raison de la suspension du prestataire;
  • si cette raison constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

La raison de la suspension du prestataire

[15] Je conclus que l’employeur du prestataire l’a suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[16] Le prestataire et la Commission sont d’accord sur ce point.

[17] Le prestataire a d’abord donné à la Commission une raison différente pour expliquer pourquoi il ne travaillait pas. Il a affirmé qu’il y avait une pénurie de travail. Son employeur essayait de limiter le nombre de personnes dans le bâtiment en raison du variant Omicron de la COVID-19Note de bas de page 4. Cependant, il a fini par convenir qu’il avait été suspendu parce qu’il n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeurNote de bas de page 5.

[18] C’est également ce qu’il a affirmé lors de son témoignage à l’audience. Je lui ai demandé des clarifications sur la raison initiale qu’il avait donnée à la Commission. Il a expliqué qu’il considérait le variant Omicron de la COVID-19, la politique de vaccination de son employeur et son refus de se faire vacciner comme étant [traduction] « du pareil au même ». Cependant, le prestataire a clairement indiqué qu’il ne travaillait pas en raison de son [traduction] « refus de se faire vacciner ».

[19] L’employeur a inscrit le code N (Congé) sur le relevé d’emploi du prestataireNote de bas de page 6. De plus, l’employeur a dit à la Commission qu’il avait mis le prestataire en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 7.

[20] Je n’ai aucune raison de douter de ce que le prestataire a finalement dit à la Commission et de ce qu’il a affirmé lors de son témoignage à l’audience. Les propos du prestataire sont appuyés par ceux de l’employeur. J’accepte l’explication du prestataire concernant la raison différente qu’il a fournie au départ. Il n’y a aucune autre preuve qui contredit les propos du prestataire et de son employeur.

La raison de la suspension est une inconduite au sens de la loi

[21] Le refus du prestataire de se conformer à la politique de vaccination de son employeur constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce que veut dire « inconduite » au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[22] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Le critère juridique de l’inconduite est énoncé dans les décisions des tribunaux. Le critère juridique me permet de déterminer les types de faits et les questions juridiques que je dois prendre en considération pour rendre ma décision.

[23] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, et non pour un autre motifNote de bas de page 8.

[24] Je dois me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait, et sur la question de savoir si la façon d’agir constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable ou si la suspension était une sanction raisonnableNote de bas de page 10.

[25] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal) pour que je décide que sa façon d’agir constitue une inconduiteNote de bas de page 11. Pour être considérée comme une inconduite, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 12. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 13.

[26] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 14.

[27] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas rendre ma décision en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 15. Je ne peux pas décider si, selon le droit du travail, une partie prestataire a fait l’objet d’un congédiement déguisé ou injuste. Je ne peux pas interpréter une convention collective ni décider si un employeur a violé une convention collectiveNote de bas de page 16. Je ne peux pas décider si un employeur a fait preuve de discrimination à l’égard d’une partie prestataire ou s’il aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation en vertu des droits de la personneNote de bas de page 17. De plus, je ne peux pas décider si un employeur a porté atteinte à la vie privée ou aux autres droits d’une partie prestataire dans le cadre d’un emploi, ou autrement.

Ce que disent la Commission et le prestataire

[28] La Commission et le prestataire s’entendent sur les faits principaux de la présente affaire. Les faits principaux sont les faits que la Commission doit prouver pour démontrer que la façon d’agir du prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi parce que la preuve démontre les éléments suivantsNote de bas de page 18 :

  • L’employeur avait une politique de vaccinationNote de bas de page 19.
  • En vertu de la politique de vaccination, le prestataire devait être entièrement vacciné contre la COVID-19, et il devait fournir une preuve valide ou obtenir une exemption de son employeur au plus tard le 30 novembre 2021.
  • L’employeur a informé le prestataire de la politique de vaccination. Le prestataire savait ce qu’il devait faire et l’employeur lui a accordé du temps pour le faireNote de bas de page 20.
  • Le prestataire savait aussi que son employeur pouvait le suspendre s’il ne se faisait pas vacciner ou s’il n’obtenait pas d’exemption avant la date limiteNote de bas de page 21.
  • Le prestataire a demandé une exemption pour motifs religieux, mais son employeur l’a refuséeNote de bas de page 22.
  • Le prestataire ne s’est pas fait vacciner avant la date limite, alors son employeur l’a suspenduNote de bas de page 23.

[30] La Commission s’appuie sur des éléments de preuve fournis par l’employeur du prestataire. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire avait été suspendu, puis congédié, parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccinationNote de bas de page 24. L’employeur a dit avoir envoyé des notes de service au sujet de la politique de vaccination en septembre et en octobre 2021. De plus, le prestataire était au courant de la politique de vaccination et il savait qu’il pouvait être suspendu parce qu’il a échangé environ 40 courriels avec l’employeur précisément au sujet de la politique de vaccination.

[31] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite. Il a été mis en congé par son employeur, ce qui n’était pas son choix. À l’audience, il a déclaré que son employeur lui avait dit qu’il allait pouvoir recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il a également déclaré qu’il était en congé pour raisons familiales lorsque son employeur a adopté la politique de vaccination. Il a dit avoir reçu des courriels à ce sujet assez souvent.

[32] Il a également déclaré qu’il pensait qu’il allait obtenir une exemption pour motifs religieux. Il fréquente l’église depuis 15 ans et il conduit l’autobus scolaire du dimanche. Ainsi, lorsqu’il a été embauché, il s’est assuré de pouvoir prendre congé le dimanche.

La Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[33] Je crois et j’accepte la preuve fournie par le prestataire ainsi que celle fournie par l’employeur pour les raisons énoncées ci-dessous.

[34] Je n’ai aucune raison de douter de la preuve du prestataire (ce qu’il a finalement dit à la Commission, et ce qu’il a dit à l’audience). J’accepte son explication au sujet de l’apparente incohérence entre la raison qu’il a initialement donnée pour ne pas avoir travaillé et celle qu’il a donnée par la suite. Il a essentiellement dit la même chose à la Commission et au Tribunal concernant les faits principaux. Aucune preuve ne contredit ce qu’il a dit.

[35] J’accepte la preuve que la Commission a fournie sur les faits principaux parce qu’elle concorde avec celle fournie par le prestataire. Il n’y a aucune preuve du contraire.

[36] Je conclus donc que la Commission a démontré qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Voici pourquoi :

  • Le prestataire connaissait la politique de vaccination de l’employeur, et il savait qu’il avait l’obligation de se faire vacciner et de divulguer son statut vaccinal (ou d’obtenir une exemption) avant la date limite.
  • Le prestataire s’est vu refuser sa demande d’exemption pour motifs religieux.
  • Le prestataire savait que son employeur pouvait le suspendre s’il ne se faisait pas vacciner.
  • Le prestataire a consciemment, délibérément et intentionnellement pris la décision de ne pas se faire vacciner avant la date limite.
  • Le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’était pas vacciné.

Autres arguments du prestataire

[37] Le prestataire a présenté deux autres arguments pour expliquer pourquoi il devrait gagner son appel.

[38] Premièrement, il affirme que la décision de la Commission viole ses droits et ses croyancesNote de bas de page 25. Il est membre de l’Église X, une confession du christianisme, depuis sa naissance. Le fondement de sa demande d’exemption était que son corps est son temple et qu’il est le seul à pouvoir décider de ce qu’il est prêt à mettre dans son corpsNote de bas de page 26.

[39] Malheureusement pour le prestataire, je ne peux pas accepter cet argument. Je dois me concentrer sur ce qu’il a fait ou n’a pas fait ainsi que sur la question de savoir si la façon d’agir constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas appliquer des articles tirés des droits de la personne ou de la Charte canadienne des droits et libertés à la décision de la Commission concernant la demande d’assurance-emploi du prestataireNote de bas de page 27.

[40] Deuxièmement, le prestataire a affirmé que je devrais accueillir son appel parce qu’il cotisait au régime d’assurance-emploi depuis plus de 30 ans. Il a aussi dit qu’il avait besoin de prestations d’assurance-emploi en raison de difficultés financières.

[41] La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Comme pour les autres régimes d’assurance, une personne qui présente une demande de prestations doit démontrer qu’elle remplit toutes les conditions requises pour recevoir cette prestationNote de bas de page 28.

[42] Malheureusement pour le prestataire, selon l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi, il n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi.

[43] Il ne fait aucun doute que la décision de la Commission a des conséquences sévères sur les finances du prestataire, et que la pandémie de COVID-19 a rendu sa vie extrêmement stressante. Malheureusement pour le prestataire, je dois suivre la Loi sur l’assurance-emploi lorsque je rends ma décisionNote de bas de page 29. Je n’ai pas le pouvoir, en dehors de la Loi sur l’assurance-emploi, de rendre une décision fondée sur des principes de justice et d’équité ou sur des besoins financiers.

Résumé de ma conclusion quant à l’inconduite

[44] Après avoir examiné et soupesé tous les éléments de preuve au dossier ainsi que le témoignage du prestataire, je conclus que la Commission a démontré qu’il a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 3 janvier 2022 au 18 mars 2022.

[47] Cela signifie que la Commission a donc rendu la bonne décision en ce qui concerne la demande d’assurance-emploi du prestataire.

[48] Je rejette donc son appel.

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