Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 156

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 9 janvier 2023
(GE-22-2449)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-46

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Sa demande d’exemption pour motifs religieux a été refusée. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après révision, la Commission n’a pas changé sa décision et le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. La demande d’exemption pour croyances religieuses du prestataire a été refusée. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur le suspendrait probablement dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire cherche à obtenir la permission de porter la décision de la division générale en appel devant la division d’appel. Le prestataire soutient que l’employeur a violé ses droits et ses croyances religieuses. Il soutient que son corps est son temple et qu’il est le seul à pouvoir décider de ce qu’il est prêt à mettre dans son corps.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel puisque l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à l’examen sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le critère juridique est moins exigeant que celui à remplir pour un appel sur le fond. À l’étape de la permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses arguments. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire en sorte que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur a violé ses droits et ses croyances religieuses. Il soutient que son corps est son temple et qu’il est le seul à pouvoir décider de ce qu’il est prêt à mettre dans son corps.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne sous-entend pas qu’il est nécessaire que la façon d’agir résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, délibérée ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit avoir été de nature délibérée ou, à tout le moins, de nature insouciante ou négligente au point où l’on pourrait dire que la personne a délibérément ignoré les effets de ses actes sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] D’après la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Le prestataire a été informé de la politique, et son employeur lui a donné du temps pour qu’il s’y conforme. Sa demande d’exemption pour croyances religieuses a été refusée. Le refus du prestataire était intentionnel et volontaire. Il s’agit de la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

[19] On ne conteste pas le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a agi conformément aux directives émises par le dirigeant principal des Services de santé de l’Alberta lorsqu’il a mis en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tout le personnel et de toute la clientèle pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspenduNote de bas de page 3.

[20] Les questions de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire en acceptant sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses ou si la politique violait ses droits de la personne et ses droits constitutionnels relèvent d’une autre instance. Ce Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 4.

[21] Dans l’affaire Cecchetto qui a eu lieu récemment, la Cour fédérale a tranché un cas d’inconduite portant sur le refus du prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[22] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’aucune preuve ne démontrait que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a soutenu qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité physique et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 5.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision rendue par la division d’appel : selon la loi, ce Tribunal n’est pas autorisé à trancher ces questions. La Cour a convenu que, en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens qui permettraient aux demandes du prestataire de progresser adéquatement dans le système juridique.

[24] Dans l’affaire Paradis, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison de son inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur allait à l’encontre de ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi de l’Alberta sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’un employé a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement.

[26] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur était coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspension.

[27] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur, qui a été mise en place en réponse à la situation exceptionnelle causée par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[28] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[29] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation auprès d’une autre instance, si l’existence d’une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable, comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a relevé aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments que le prestataire a présentés pour appuyer sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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