Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1639

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (477608) datée du 4 juillet 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Bret Edwards
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 9 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2430

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.

[4] Le prestataire convient qu’il a été congédié pour cette raison. Cependant, il affirme que la politique de son employeur était injuste et qu’il ne pensait pas qu’il serait congédié pour ne pas l’avoir respecté.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer le congédiement. Elle a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission a donc conclu que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire a envoyé des documents après l’audience

[6] Le prestataire a envoyé des documents après l’audience. Ces documents ont été ajoutés au dossier d’appel, mais je ne peux pas leur accorder d’importance pour les raisons suivantes.

[7] L’un des documents est une lettre de l’employeur du prestataire, datée du 21 novembre 2022, l’invitant à retourner au travail parce qu’il avait levé sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19Note de bas de page 2. Cette lettre n’a rien à voir avec le congédiement du prestataire le 17 décembre 2021, alors je n’ai pas besoin de l’examiner dans cette décision.

[8] Quant aux autres documents, je juge qu’ils sont flous et illisiblesNote de bas de page 3. Le prestataire les a envoyés le 2 décembre 2022 sans préciser de quoi il s’agissait. Le Tribunal lui a téléphoné le même jour (le 2 décembre 2022) pour lui demander d’envoyer des copies lisibles des documents. J’ai attendu une semaine pour que le prestataire accuse réception du message et renvoie les documents, mais il ne l’a jamais fait. J’estime que le délai d’une semaine que j’ai accordé au prestataire pour qu’il renvoie les documents est raisonnable. Comme il n’a pas envoyé de copies lisibles de ces documents, je ne peux pas leur accorder d’importance dans cette décision.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour savoir si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois examiner pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] Je conclus que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de son employeur.

[12] Le prestataire et la Commission s’entendent sur la raison pour laquelle il a perdu son emploi. L’employeur du prestataire a dit à la Commission qu’il avait été congédié parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccinationNote de bas de page 4. Le prestataire affirme également qu’il a été congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

Le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite au sens de la loi?

[13] Le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[14] La Loi sur lassurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment établir si le prestataire a été congédié pour une inconduite au sens de la Loi. Elle définit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les éléments à prendre en considération lors de l’examen de la question de l’inconduite.

[15] Selon la jurisprudence, pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. Par inconduite, on entend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[16] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 9.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 10. Je dois plutôt me concentrer sur ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[18] Je dois me concentrer seulement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Mon rôle n’est pas de décider si d’autres lois offrent d’autres options au prestataire. Je n’ai pas à décider si le prestataire a été congédié à tort ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 12. Je peux seulement évaluer si ce que le prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 13.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire connaissait la politique de vaccination de son employeur et savait qu’il pouvait être congédié s’il ne la respectait pas, mais a décidé de ne pas la suivre quand mêmeNote de bas de page 14.

[21] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que son employeur l’a traité injustement en violant les modalités de son contrat initial et son droit à la vie privéeNote de bas de page 15. Il ajoute qu’il ne pensait pas vraiment qu’il serait congédié parce qu’il n’avait pas respecté la politique.

[22] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[23] J’estime que les gestes du prestataire ont mené à son congédiement, car il reconnaît qu’il n’a pas respecté de la politique de vaccination de son employeur.

[24] Je juge également que les gestes du prestataire étaient intentionnels parce qu’il a pris la décision consciente de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur.

[25] Le prestataire a dit à la Commission et a déclaré à l’audience qu’il était au courant de la politique de vaccination de son employeur et que bien qu’il ne se rappelait pas quand il en avait été informé pour la première fois, il se rappelait que c’était avant novembre 2021Note de bas de page 16. Il a également dit à la Commission et a dit à l’audience qu’il savait que la date limite pour se conformer à la politique de son employeur était le 20 novembre 2021, date qui avait été repoussée à plusieurs reprisesNote de bas de page 17.

[26] Le prestataire a également dit à la Commission et m’a dit lors de l’audience qu’il ne s’était pas fait vacciner pour des raisons personnelles et qu’il n’avait pas demandé d’exemption médicale ou religieuse à la politique de son employeurNote de bas de page 18. Il a soutenu qu’il ne voyait pas la nécessité d’obtenir une exemption parce qu’il exerçait son droit de ne pas se faire vacciner.

[27] Le prestataire a dit à la Commission et a déclaré à l’audience qu’il ne pensait pas que la politique de son employeur était équitable parce qu’elle violait les dispositions initiales de son contrat de travail et son droit à la vie privée. Il a également dit à la Commission et lors de l’audience qu’il aurait avoir la possibilité de passer un test de dépistage de la COVID-19 tous les jours au lieu d’être congédiéNote de bas de page 19.

[28] Je comprends que le prestataire estime que la politique de son employeur n’était pas équitable. Malheureusement, comme je l’ai mentionné ci-dessus, je ne peux pas décider si la conduite d’un employeur, y compris ses politiques, est juste ou raisonnable lorsque j’examine la question de l’inconduite. Je peux seulement examiner les gestes du prestataire par rapport à ce que la loi dit sur la question de l’inconduite. Dans la présente affaire, il est clair que le prestataire a pris la décision consciente de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur en refusant de se faire vacciner.

[29] Je juge également que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur pouvait entraîner son congédiement.

[30] Le prestataire a dit à la Commission et a déclaré pendant l’audience que son employeur lui avait donné plusieurs avertissements verbaux et écrits concernant le respect de sa politique avant de le congédierNote de bas de page 20.

[31] Le prestataire a dit qu’il avait reçu une lettre de son employeur avant d’être congédié, qui décrivait ce qui arriverait aux employés qui ne respectaient pas la politique. Il a lu la lettre pendant son témoignage. Je lui ai dit qu’il pouvait aussi la déposer comme preuve, mais il ne l’a pas fait.

[32] Le prestataire a déclaré que la lettre de son employeur disait que s’il ne se faisait pas vacciner au plus tard le 30 octobre 2021, il risquait de ne pas pouvoir travailler. Il a affirmé que la lettre disait qu’à compter du 21 novembre 2021, les employés qui n’avaient pas reçu de deuxième dose de vaccin seraient placés en congé sans solde et auraient jusqu’au 30 décembre 2021 pour se conformer à la politique. Le prestataire a dit que la lettre indiquait également qu’à compter du 31 décembre 2021, les employés qui n’étaient toujours pas vaccinés seraient congédiés pour motif valable.

[33] Même si le prestataire a affirmé que la lettre susmentionnée n’était pas datée, je conclus qu’elle a dû être envoyée aux employés avant le 30 octobre 2021 puisque c’est la date la plus ancienne qu’elle mentionne.

[34] Je remarque que l’employeur a mis en place sa politique de vaccination le 7 septembre 2021. Il l’a mise à jour le 15 octobre 2021 pour repousser au 20 novembre 2021 la date limite à laquelle les employés devaient avoir reçu deux doses de vaccin. Les employés qui ne respectaient pas cette date limite seraient mis en congé sans solde le 21 novembre 2021 et congédiés le 31 décembre 2021Note de bas de page 21.

[35] Je note que les dates révisées mentionnées ci-dessus sont les mêmes que celles qui selon le prestataire figuraient dans la lettre de l’employeur. J’ai également déjà estimé ci-dessus que le prestataire avait reçu la lettre avant le 31 octobre 2021. Je conclus donc qu’il est très probable qu’il ait reçu la lettre à la date ou aux alentours de la date à laquelle son employeur a mis à jour sa politique (le 15 octobre 2021).

[36] Je remarque également que l’employeur du prestataire a envoyé un autre courriel aux employés le 17 novembre 2021. Ce courriel réitérait que la date limite pour se conformer à la politique de vaccination était le 20 novembre 2021 et que les employés qui ne l’avaient pas fait seraient mis en congé le 21 novembre 2021 et congédiés le 31 décembre 2021Note de bas de page 22.

[37] Le prestataire a également dit à la Commission que son employeur l’avait appelé le 19 novembre 2021 pour l’informer qu’il ne pourrait pas entrer au travail après le 20 novembre 2021 parce qu’il n’avait pas respecté la politiqueNote de bas de page 23.

[38] Le prestataire a déclaré qu’il savait qu’il pouvait être congédié s’il ne respectait pas la politique de son employeur, mais qu’il ne pensait pas que cela se produirait parce que son employeur ne cessait de repousser la date limite pour se faire vacciner.

[39] Je crois le prestataire lorsqu’il dit qu’il pensait pouvoir conserver son emploi. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il ne pouvait pas non plus savoir qu’il pouvait être congédié. En d’autres termes, il lui était tout à fait possible de croire ces deux choses en même temps, d’autant plus qu’il a confirmé qu’il connaissait la politique de vaccination de son employeur et les conséquences de ne pas la suivre, comme je l’ai mentionné plus haut.

[40] Bien que je comprenne que le prestataire ne pensait pas qu’il serait congédié pour ne pas avoir respecté la politique de son employeur, je juge que la preuve démontre qu’il aurait dû savoir qu’il pouvait être congédié.

[41] Par conséquent, je conclus que les gestes du prestataire (son refus de suivre la politique de vaccination de son employeur) constituent une inconduite au sens de la loi puisqu’ils ont mené à son congédiement, qu’ils étaient intentionnels et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils mèneraient à son congédiement.

Le prestataire a-t-il donc perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[42] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[43] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Le prestataire est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[44] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.