Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 169

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 décembre 2022
(GE-22-2379)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 16 février 2022
Numéro de dossier : AD-23-16

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, M. D., fait appel d’une décision de la division générale du Tribunal lui refusant des prestations d’assurance-emploi.

[3] Le prestataire travaillait comme X chez X. Le 27 novembre 2021, son employeur l’a mis en congé sans solde après qu’il a refusé de fournir la preuve qu’il avait reçu le vaccin contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à verser de prestations d’assurance-emploi au prestataire parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[4] La division générale était d’accord avec la Commission. Elle a conclu que le prestataire avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement sa suspension.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il affirme que la division générale a commis des erreurs de procédure, de droit et de fait lorsqu’elle a décidé qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi, plus précisément :

  • Elle a fait preuve de partialité en se fondant sur les observations de la Commission tout en ignorant celles du prestataire.
  • Elle n’a pas tenu compte des protections prévues par la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés;
  • Elle a ignoré la convention collective entre l’employeur du prestataire et son syndicat, qui ne dit rien au sujet de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 comme condition d’emploi.
  • Elle n’a pas tenu compte d’une décision récente de la division générale reconnaissant que l’imposition d’une politique de vaccination obligatoire modifie les conditions du contrat entre les membres du personnel et l’employeurNote de bas de page 1.
  • Elle s’est contredite en disant, d’une part, que le prestataire avait refusé de dire s’il avait été vacciné et, d’autre part, qu’il avait complètement refusé de se faire vacciner. En fait, il n’a jamais refusé de se faire vacciner et s’oppose seulement à la divulgation de renseignements médicaux personnels.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Avoir une chance raisonnable de succès est la même chose qu’avoir une cause défendableNote de bas de page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prendra fin maintenant.

Question en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le refus du prestataire de prouver qu’il avait été vacciné constituait une inconduite?

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale, ainsi que le droit et les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour en arriver à cette décision. J’ai conclu que le prestataire n’a pas de cause défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré les observations du prestataire

[9] Le prestataire accuse la division générale de partialité, mais il n’offre aucune preuve autre que le fait que son appel n’a pas été en sa faveur. La partialité fait référence à un esprit fermé qui est prédisposé à un résultat particulier. Le critère permettant de conclure à l’existence d’une partialité est difficile à satisfaire, et le fardeau de l’établir incombe à la partie qui prétend qu’elle existe. La question de savoir s’il y a partialité dépend des faits particuliers d’une affaire.

[10] La Cour suprême du Canada a énoncé le critère de la partialité comme suit : « À quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question… de façon réaliste et pratiqueNote de bas de page 4? » Une allégation de partialité ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressionsNote de bas de page 5.

[11] Le prestataire se plaint de ne pas avoir eu l’occasion de poser des questions à la Commission. Toutefois, la Commission, comme toute partie, n’était pas tenue d’assister à l’audience. Elle a bel et bien présenté un argument écrit pour défendre sa position, et le prestataire était libre de porter toute lacune à l’attention de la division générale. Contrairement aux allégations du prestataire, la division générale n’a pas ignoré ses observations, mais elle en a traité assez longuement dans sa décisionNote de bas de page 6. La division générale n’a pas tiré les conclusions que le prestataire aurait souhaitées, mais cela ne signifie pas qu’elle était prédisposée à s’opposer à lui.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré la Charte ou d’autres lois relatives aux droits de la personne

[12] Le prestataire fait valoir qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’avait pas l’obligation de démontrer à son employeur une preuve de vaccination. Il affirme qu’en le forçant à le faire sous la menace d’une suspension ou d’un congédiement, son employeur a porté atteinte à ses droits constitutionnels.

[13] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[14] La division générale a décrit son approche de l’inconduite de cette façon :

[L]e Tribunal n’est pas autorisé à examiner si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux garantis par la Charte des parties prestataires. Cela dépasse ma compétence. Le Tribunal n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Charte canadienne des droits ou la Loi canadienne sur les droits de la personne ou sur les lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

Le prestataire peut avoir d’autres recours pour faire valoir ses prétentions selon lesquelles la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits. Cependant, ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal approprié. Ils ne relèvent pas de ma compétenceNote de bas de page 7.

Ces paragraphes résument bien la loi sur l’inconduite. Les tribunaux ont toujours soutenu que les décideurs chargés d’évaluer l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi n’ont pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légalesNote de bas de page 8.

[15] Une décision récente a réaffirmé ce principe dans le contexte des mandats de vaccination contre la COVID-19. L’affaire Cecchetto, comme la présente affaire, portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 9. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions par la loi. La Cour a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir ses droits fondamentaux dans le cadre du système juridique.

[16] Dans la présente affaire, comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont celles de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et si elle était susceptible d’entraîner son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré la convention collective du prestataire

[17] Le prestataire prétend que la division générale n’a pas tenu compte des modalités de son contrat de travail, qui comprend la convention collective que son syndicat a négociée avec X. Le prestataire fait remarquer qu’aucun de ces documents ne mentionne l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 comme condition d’emploi.

[18] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument.

[19] D’après ce que je peux voir, la division générale était au courant de l’argument du prestataire sur ce point, mais elle a conclu qu’elle ne pouvait pas l’examiner :

Je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a enfreint la convention collective du prestataire en mettant en œuvre la politique de vaccination ou en suspendant le prestataire de son emploi. Si le prestataire croyait que la pratique de l’employeur contrevenait à sa convention collective, le dépôt d’un grief par l’entremise de son syndicat est un moyen plus approprié d’aborder cette allégationNote de bas de page 10.

[20] Encore une fois, ce passage reflète la jurisprudence dominante, qui empêche le Tribunal de décider si le prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 11. Le Tribunal peut seulement décider si ce que le prestataire a fait ou omis de faire est une inconduite selon les critères restreints de la Loi sur l’assurance-emploi.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré un précédent important

[21] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi la logique d’une affaire récemment tranchée intitulée AL, dans laquelle une prestataire de l’assurance-emploi a été déclarée admissible à des prestations même si elle n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 de son employeurNote de bas de page 12.

[22] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour cet argument.

[23] Premièrement, la décision dans AL a été rendue le 15 novembre 2022, soit seulement une semaine avant que la division générale n’entende l’appel du prestataire. De plus, le prestataire ne semble avoir mentionné la décision AL dans aucun de ses arguments devant la division générale, alors on ne peut pas reprocher à la membre qui a instruit son appel de ne pas l’avoir examinée.

[24] Deuxièmement, l’affaire AL, comme celle du prestataire, a été tranchée par la division générale. Même si la membre qui a instruit la cause du prestataire avait examiné AL, elle n’aurait pas été obligée de la suivre.

[25] Finalement, AL ne donne pas, comme le prestataire semble le croire, une exemption générale aux parties prestataires de l’assurance-emploi des politiques de vaccination obligatoire de leurs employeurs. LA concernait une prestataire dont la convention collective empêchait explicitement son employeur de la forcer à se faire vacciner. Selon mon examen du dossier, le prestataire n’a jamais mentionné de disposition comparable dans son propre contrat de travail. L’affaire Cecchetto, la décision récente de la Cour fédérale qui a tenu compte des exigences de l’employeur en matière de vaccination, a également tenu compte de AL et a conclu qu’elle n’avait pas une vaste applicabilitéNote de bas de page 13.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[26] Le prestataire fait valoir que la division générale s’est contredite sur la nature de son inconduite présumée : au paragraphe 3 de sa décision, la division générale a déclaré qu’il avait été suspendu parce qu’il avait refusé de dire s’il était vacciné; au paragraphe 47, la division générale a affirmé que son refus de se faire vacciner avait entraîné sa suspension. Le prestataire maintient qu’il n’a jamais refusé de se faire vacciner.

[27] Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que cette incohérence constitue une erreur à l’égard des moyens d’appel permis. Il ne faut pas oublier qu’une erreur de fait justifie l’annulation d’une décision de la division générale seulement si l’erreur est commise [traduction] « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à [l]a connaissance » de la division générale, et si la décision est fondée sur cette erreur. Bref, l’erreur doit être importanteNote de bas de page 14. Dans la présente affaire, je ne vois pas comment le dérapage de la division générale, si c’est de cela qu’il s’agit, a eu une incidence sur l’issue de sa décision. Le prestataire a admis qu’il n’a pas respecté la politique de son employeur d’une façon ou d’une autre et que ce non-respect soit attribuable à son refus de se faire vacciner ou à son refus de divulguer son statut vaccinal ne fait aucune différence.

[28] Le prestataire fait également valoir que son refus de se faire vacciner n’a pas nui aux intérêts de son employeur parce qu’en tant que travailleur externe de X, il n’avait presque aucun contact avec la clientèle ou d’autres collègues.

[29] Encore une fois, je ne vois pas comment cet argument pourrait avoir une chance de succès compte tenu de la loi entourant l’inconduite. Le prestataire a fait les mêmes observations à la division générale, qui a examiné la preuve disponible et en est arrivée aux conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer une politique de vaccination comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté et communiqué une politique de vaccination obligatoire claire exigeant que les membres du personnel fournissent la preuve qu’ils avaient été vaccinés.
  • Le prestataire savait que le non-respect de la politique à une certaine date entraînerait une perte d’emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de divulguer son statut vaccinal.

[30] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses actes étaient délibérés et qu’ils ont vraisemblablement mené à son congédiement. Le prestataire croyait peut-être que son refus de divulguer son statut vaccinal ne faisait pas de tort à son employeur, mais ce n’était pas à lui d’en décider.

Conclusion

[31] Je ne suis pas convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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