Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 159

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : C. T.
Représentant : D. W.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 décembre 2022 (GE-22-2729)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 15 février 2023
DATE DU CORRIGENDUM : Le 15 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-49

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption pour des motifs religieux. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption pour des motifs religieux. La division générale a estimé que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le congédier dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Il soutient que la division générale rend des décisions contradictoires sur la même question. Il affirme également qu’il n’a enfreint aucune clause de son contrat de travail et que, comme la preuve le démontre, son employeur n’avait aucune autre obligation légale de lui imposer la politique obligatoire sur laquelle la Commission s’est fondée pour le priver de prestations. Le prestataire déclare que la division générale a refusé d’examiner ses arguments fondés sur la Charte canadienne des droits et des libertés.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, il doit démontrer que l’on peut soutenir qu’il y a une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale rend des décisions contradictoires sur la même question. Il soutient qu’il n’a enfreint aucune clause de son contrat de travail et que, comme la preuve le démontre, son employeur n’avait aucune autre obligation légale de lui imposer la politique obligatoire sur laquelle la Commission s’est fondée pour le priver de prestations. Le prestataire affirme que la division générale a refusé d’examiner ses arguments fondés sur la Charte.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas nécessairement que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, les actes reprochés doivent avoir été volontaires ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. Son refus était intentionnel, et donc délibéré. Il s’agit de la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les exigences de Transports Canada afin de mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tout le personnel et de la clientèle pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédié.

[20] Les questions de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire en acceptant sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses ou si la politique portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire demandeNote de bas de page 4.

[21] La Cour fédérale a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant la question de l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte à ses droits au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 5.

[22] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement au sein du système juridique.

[23] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[24] La Cour fédérale a déclaré que pour sanctionner le comportement d’un employeur, une partie prestataire a des recours qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[25] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si c’est cela qui a entraîné son congédiement.

[26] La preuve prépondérante présentée à la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en place en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie, et que cela a entraîné son congédiement.

[27] Je remarque que la division générale a bel et bien examiné l’affaire présentée par le prestataire à l’appui de sa position. La membre a souligné à juste titre qu’elle n’avait pas à suivre cette décision. Elle n’a pas été convaincue par ses conclusions et son raisonnement. La division générale a considéré que la décision ne respectait pas la jurisprudence de la Cour fédérale et que la membre avait outrepassé sa compétence en rendant une telle décision.

[28] La membre de la division générale a décidé qu’elle ne pouvait pas se concentrer sur la relation de droit du travail, la conduite de l’employeur et la pénalité imposée par celui-ci. Elle devait se concentrer sur la conduite du prestataire. Je souligne également que la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire CecchettoNote de bas de page 7.

[29] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[30] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[31] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable de la part de la division générale comme une erreur de compétence ou un manquement à un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit que la division générale aurait commise ni conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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