Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1641

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (466265) datée du 30 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 26 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 31 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1789

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, la prestataire n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a travaillé comme aide-diététicienne dans un foyer de soins de longue durée pendant environ 36 ans. L’employeur a placé la prestataire en congé administratif parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 au travailNote de bas page 2. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières de l’assurance-emploiNote de bas page 3.

[4] La Commission a décidé que la prestataire n’avait pas droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’elle avait été suspendue en raison de son inconduiteNote de bas page 4.

[5] La prestataire convient qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19, mais elle a expliqué qu’elle est atteinte d’anxiété et de problèmes de santé mentaleNote de bas page 5. Elle a cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années; elle devrait donc être admissible aux prestations d’assurance-emploi. De plus, la vaccination n’était pas une condition de son emploi.

Question que je dois examiner en premier

La prestataire a déposé un document

[6] À l’audience, la prestataire a expliqué qu’elle craignait ne pas avoir dit tout ce qu’elle avait prévu de dire. C’est pourquoi je lui ai dit qu’elle pouvait envoyer un courriel au Tribunal après l’audience pour dire tout ce qu’elle aurait pu omettre.

[7] Après l’audience, la prestataire a envoyé un courriel au Tribunal pour réitérer sa position. Elle a aussi inclus une capture d’écran de l’Association canadienne des libertés civilesNote de bas page 6sur Twitter. Une copie de son courriel et de la capture d’écran a été envoyée à la Commission. Aucune réponse n’a été reçue de la part de la Commission à la date de la présente décision.

Question en litige

[8] La prestataire a-t-elle été suspendue en raison de son inconduite?

Analyse

[9] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendueNote de bas page 7.

[10] Je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir la raison pour laquelle la prestataire a cessé de travailler. Ensuite, je dois voir si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle cessé de travailler?

[11] Je conclus que la prestataire a été placée en congé sans solde à compter du 1er décembre 2021. Son dernier jour de travail a eu lieu vers le 28 novembre 2021. Le congé a été imposé par l’employeur parce qu’elle n’avait pas le choix. Elle n’a pas été autorisée à retourner au travail ou à continuer de travailler.

[12] Cela concorde avec le témoignage de la prestataire, son relevé d’emploi, les discussions qu’elle a eues avec la Commission, ainsi qu’avec les déclarations de l’employeur et de la CommissionNote de bas page 8.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[13] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qu’est une inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) nous aide à décider si le congédiement de la prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence établit le critère juridique relatif à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et facteurs à prendre en considération quand on examine la question de l’inconduite.

[14] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 9. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 10.

[15] Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 11.

[16] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 12.

[17] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas page 13. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 14.

[18] Je dois me concentrer uniquement sur la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas évaluer si d’autres lois offrent d’autres options à la prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si la prestataire a été congédiée à tort ou si l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 15. Je peux évaluer une seule chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[19] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue ou a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas page 16.

[20] La politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur est entrée en vigueur le 20 octobre 2021Note de bas page 17. Elle précise que la province de la Nouvelle-Écosse a déclaré l’état d’urgence en raison de la pandémie de COVID-19 et qu’elle a l’obligation, en tant qu’employeur, conformément à la législation sur la santé et la sécurité au travail, de prendre toutes les mesures raisonnables pour minimiser le risque de maladie infectieuse en milieu de travail, y compris l’exposition à la COVID-19.

[21] Une copie de la politiqueNote de bas page 18 se trouve au dossier. Voici ce que les sections pertinentes indiquent :

  1. a) Tous les membres du personnel devaient être entièrement vaccinés contre la COVID-19 au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas page 19.
  2. b) Les personnes qui n’étaient pas entièrement vaccinées au plus tard le 30 novembre 2021 seraient placées en congé administratif sans solde jusqu’à ce que l’obligation ne soit plus en vigueur, ou jusqu’à ce qu’elles fournissent une preuve de vaccination ou qu’elles aient donné leur démission par écrit.
  3. c) La politique serait administrée conformément à la législation applicable en matière de droits de la personne.

[22] L’employeur a dit à la Commission qu’il s’agissait d’une politique obligatoire et que chaque personne devait recevoir au moins une dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas page 20. Les personnes qui ne s’y conformaient pas seraient placées en congé sans solde.

[23] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes.

[24] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire et qu’elle a eu assez de temps pour s’y conformer. La prestataire a déclaré qu’elle avait reçu un préavis d’environ quatre mois au sujet de la politique, possiblement vers août 2021 ou septembre 2021. Elle a également convenu qu’elle connaissait la politique et ce que l’on attendait d’elle.

[25] Deuxièmement, je conclus que la prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. La prestataire a convenu qu’elle était au courant de la politique prévoyant des exemptionsNote de bas page 21. Elle a des préoccupations d’ordre médical, à savoir l’anxiété et des problèmes de santé mentale, mais elle a choisi de ne pas demander d’exemption médicale à l’employeur parce qu’elle ne croyait pas que celui-ci lui en accorderait une.

[26] Je n’ai pas été convaincue par l’argument de la prestataire, selon lequel la vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail initial datant d’il y a environ 36 ansNote de bas page 22. Malgré cela, la Cour a déclaré qu’une inconduite peut inclure le manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement d’un contrat de travailNote de bas page 23. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé la politique au travail en raison de la pandémie de COVID-19, de sorte que la vaccination contre la COVID-19 (à moins d’obtenir une exemption) est devenue une condition du maintien de son emploiNote de bas page 24.

[27] Troisièmement, je conclus que la prestataire savait ou aurait dû savoir que la non-conformité à la politique entraînerait un congé sans solde. La prestataire a convenu qu’elle savait ce qu’elle devait faire selon la politique de vaccination et ce qui arriverait si elle ne la respectait pas. Cela concorde avec une lettre envoyée par l’employeur à la prestataire le 23 novembre 2021. La lettre disait que la prestataire ne s’était pas conformée à la politique; elle serait donc placée en congé administratif sans solde à compter du 1er décembre 2021Note de bas page 25.

[28] La prestataire a délibérément choisi de ne pas s’y conformer. La Cour d’appel fédérale a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 26. Même si la prestataire dans la présente affaire n’avait pas eu d’intention coupable, il s’agissait tout de même d’une inconduite.

[29] La prestataire a soulevé de nombreux autres arguments, dont certains des éléments suivants :

  1. a) L’employeur a traité les personnes vaccinées et non vaccinées différemment.
  2. b) L’employeur savait qu’elle avait de l’anxiété.
  3. c) Elle n’a pas été rappelée au travail et veut retourner travailler.
  4. d) Elle est actuellement autorisée à visiter le foyer de soins de longue durée, où l’on n’exige pas qu’elle se fasse vacciner contre la COVID-19.
  5. e) Elle a le droit de refuser le vaccin contre la COVID-19 et n’a pas à divulguer son statut vaccinal à son employeur.
  6. f) Ses renseignements médicaux sont confidentiels.
  7. g) Il y a eu violation de ses droits civiques.
  8. h) Il y a eu un abus flagrant de son autonomie corporelle et de ses droits constitutionnels.
  9. i) Elle éprouve des difficultés financières.

[30] Je reconnais les arguments supplémentaires de la prestataire. Toutefois, le Tribunal n’est pas l’endroit approprié pour les soulever et obtenir la réparation qu’elle demande à son employeur (à savoir qu’elle veut retourner au travail).

[31] Je suis liée par les décisions de la Cour fédérale. Celle-ci a déjà décidé qu’il s’agissait d’une question qui relevait d’une autre instance lorsqu’un autre prestataire a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte à ses droits fondamentauxNote de bas page 27. Par conséquent, je ne peux pas décider si la prestataire a été placée en congé sans solde à tort ou si l’employeur aurait dû lui accorder d’autres mesures d’adaptation parce qu’il ne m’appartient pas de trancher ces questions.

Alors, la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[33] En effet, les gestes posés par la prestataire ont entraîné son congé sans solde. Elle a agi délibérément. Elle savait que le refus de se faire vacciner était susceptible de causer ce problème.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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