Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation :RF c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1657

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : R. F.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (455872) datée du 3 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 juillet 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 26 juillet 2022
Numéro de dossier : GE-22-960

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] R. F. est le prestataire dans la présente affaire. Il a travaillé dans un hôpital à titre de consultant en aide à la décisionNote de bas de page 2. L’employeur l’a congédié parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur contre la COVID-19Note de bas de page 3. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploiNote de bas de page 4.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord parce que le vaccin contre la COVID-19 est expérimental et parce qu’il a été congédié à tort par l’employeurNote de bas de page 6. Le prestataire affirme que la politique prévoit qu’il serait mis en congé sans solde et non congédié. Il a également perdu son revenu et vit de ses économies. 

Question en litige

[6] Le prestataire a‑t‑il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[7] Le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 7.

[8] Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[9] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 9.

[10] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a cessé de travailler en raison de son inconduite, je dois trancher deux questions. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a cessé de travailler. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi le prestataire a‑t‑il cessé de travailler?

[11] Je conclus que le prestataire a été congédié de son emploi le 22 octobre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur sur la COVID-19.

[12] Cela concorde avec le témoignage du prestataire, son relevé d’emploi et celui de l’employeur, la discussion du prestataire avec la Commission et la lettre de cessation d’emploi au dossierNote de bas de page 10.

Quelle était la politique de l’employeur?

[13] L’employeur a mis en place un [traduction] « programme de vaccination contre la COVID-19 »(politique) qui est entré en vigueur le 3 septembre 2021. Une copie de cette politique a été versée au dossierNote de bas de page 11.

[14] L’employeur a écrit qu’il s’est engagé à assurer un environnement sûr et sain et qu’il reconnaît l’importance de la vaccination pour le personnel et les affiliésNote de bas de page 12. La politique prévoit qu’elle appuie les recommandations en matière de santé publique selon lesquelles tout le personnel et les affiliés doivent recevoir les vaccins contre la COVID-19, à moins de contre-indications médicales.

[15] Les employés doivent suivre un programme d’apprentissage en ligne sur la vaccination contre la COVID-19. La politique exige également que les employés fournissent la documentation pour toutes les doses de vaccination contre la COVID-19 requises d’ici le 21 octobre 2021Note de bas de page 13. 

[16] La politique prévoit des mesures d’adaptation pour une exemption médicale ou une autre exemption en vertu des « droits de la personne »Note de bas de page 14. Les employés doivent fournir des documents valides pour une exemption.

[17] Le prestataire a témoigné qu’il a bel et bien terminé le programme de formation sur la vaccination contre la COVID-19, mais qu’il ne voulait pas se conformer à l’exigence d’être entièrement vacciné pour ses propres raisons. 

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[18] Je conclus que la politique a été communiquée au prestataire le 31 août 2021. Les parties ne contestent pas cette conclusion.

[19] Le prestataire a témoigné qu’à la fin d’août 2021, le directeur général de l’hôpital a envoyé un courriel au personnel pour lui présenter la politique sur la vaccination. Il a exigé que tout le personnel soit vacciné contre la COVID-19.

[20] Le prestataire a également dit qu’il avait une copie de la politique provenant de l’intranet au travail.

[21] Cela est conforme à la lettre de licenciement envoyée par l’employeur au prestataire et à la discussion de l’employeur avec la CommissionNote de bas de page 15.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[22] La politique prévoit que les membres du personnel et les affiliés réputés non vaccinés en vertu de la politique ne pourront pas bénéficier de mesures d’adaptation et ne seront pas autorisés à se présenter au travail. Ils seront mis en congé sans solde non approuvé pendant une période de 14 jours après avoir été entièrement vaccinésNote de bas de page 16.

[23] La politique précise également qu’un « non-respect des modalités de cette politique, y compris la falsification des résultats des tests, l’interdiction de distribuer les tests rapides, peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement ou à la révocation de privilèges »Note de bas de page 17.

[24] L’employeur a dit à la Commission qu’il avait rencontré le prestataire le 13 octobre 2021 pour confirmer qu’il comprenait la politique et les exigencesNote de bas de page 18. Le prestataire lui a dit qu’il n’avait pas l’intention de se faire vacciner et, par conséquent, l’employeur lui a dit qu’il était congédié le 22 octobre 2021.

[25] Le prestataire a témoigné qu’il ignorait qu’il serait congédié pour ne pas s’être conformé à la politique. Plus précisément, il pensait qu’il serait mis en congé sans solde et éventuellement rappelé au travail. Il a toutefois convenu qu’après la réunion du 13 octobre 2021, il avait compris qu’il était congédié le 22 octobre 2021 en raison de sa conduite.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[26] Comme il a été mentionné précédemment, la politique prévoyait une exemption et des mesures d’adaptation pour des raisons médicales ou pour d’autres raisons du Code des droits de la personneNote de bas de page 19.

[27] Le prestataire a témoigné qu’il a demandé une exemption de la politique fondée sur la croyance le 22 septembre 2021, mais que celle‑ci n’a pas été approuvée par l’employeur.

[28] Le 5 octobre 2021, le prestataire a déclaré que l’employeur lui avait envoyé un courriel de refus de sa demande. Une copie de ce courriel se trouve au dossierNote de bas de page 20.

[29] À l’audience, le prestataire a expliqué qu’il est catholique et pro‑vie. Il n’a pas soulevé ces points auprès de son employeur parce que ce dernier n’envisageait pas d’exemptions religieuses. Il a inclus des documents à l’appuiNote de bas de page 21.

S’agit-il d’une inconduite au sens de la loi — la Loi sur l’assurance-emploi?

[30] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 22. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 23.

[31] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 24.

[32] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédiéNote de bas de page 25.

[33] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 26.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[35] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée à la prestataire et qu’elle était au courant de la date limite pour s’y conformer. Le prestataire a eu le temps de se conformer à la politique.

[36] Plus précisément, la preuve démontre que la politique lui a été communiquée le 31 août 2021 et qu’il en avait une copie sur l’intranet au travail. Il devait se conformer à la politique au plus tard le 21 octobre 2021, mais il a choisi de ne pas s’y conformer. Même après la rencontre avec son employeur le 13 octobre 2021, il a choisi de ne pas se conformer.

[37] Deuxièmement, je conclus que le prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles.

[38] L’argument du prestataire selon lequel ses actes n’étaient pas délibérés ne m’a pas convaincue parce qu’il n’était pas en mesure de donner son consentement éclairé à se faire vaccinerNote de bas de page 27. J’admets qu’il n’avait pas d’intention fautive et qu’il avait des raisons personnelles de prendre sa décisionNote de bas de page 28. Toutefois, ses actions étaient encore délibérées parce qu’il a consciemment choisi de contrevenir à la politique de l’employeur, ce qui, à mon avis, constitue une inconduite au sens de la loi.

[39] Il a fait un choix délibéré. Le tribunal a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 29.

[40] Troisièmement, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas s’y conformer mèneraient à un congédiement.

[41] La preuve démontre que le prestataire s’est fait dire lors d’une rencontre tenue le 13 octobre 2021 qu’il serait congédié le 22 octobre 2021 pour ne pas s’être conformé à la politique.

[42] Si le prestataire avait eu l’intention de se conformer à la politique, il aurait pu en informer son employeur lors de cette réunion et déployer des efforts en ce sens avant le 22 octobre 2021, ou demander une prolongation si possible.

[43] Il a été congédié parce qu’il a dit à son employeur lors de la réunion du 13 octobre 2021 qu’il n’avait pas l’intention de se conformer à la politique. Je note qu’il a continué de travailler jusqu’au 21 octobre 2021 et qu’il a été congédié le 22 octobre 2021Note de bas de page 30.

[44] Je n’ai pas été convaincue par l’argument du prestataire selon lequel les conséquences de la politique ne prévoyaient qu’un congé sans solde et non un congédiement.

[45] J’ai examiné la politique au dossier et elle indique que les employés non vaccinés seront mis en congé sans solde non approuvé pendant une période de 14 jours après avoir été entièrement vaccinésNote de bas de page 31. Toutefois, vers la fin de la politique, celle-ci traite des tests rapides et ajoute qu’un non-respect des modalités de la politique, y compris la falsification des résultats des tests, l’interdiction de distribuer les tests rapides, peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement ou à la révocation des privilèges.

[46] Je conclus que la politique avait déterminé que le licenciement était une conséquence possible. Elle prévoit qu’un défaut de se conformer aux modalités de la politique pourrait entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. À mon avis, cela comprend l’une ou l’autre des modalités de la politique. Je ne crois pas que la cessation d’emploi se soit limitée aux manquements aux seuls tests de dépistage rapide. Je note en outre que l’employeur a interprété sa politique comme incluant le licenciement. La lettre de licenciement versée au dossier indique que la politique prévoyait qu’un défaut de se conformer peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciementNote de bas de page 32.

[47] Quatrièmement, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique. Bien qu’il ait présenté une demande d’exemption de la politique fondée sur la croyance, sa demande n’a pas été acceptée par l’employeur.

[48] La Commission ontarienne des droits de la personne a affirmé que le vaccin demeure volontaire, mais qu’exiger la vaccination et la présentation d’une preuve de vaccination afin de protéger les travailleurs dans un lieu de travail ou les personnes qui reçoivent des services est permis en règle générale en vertu du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 33, pour autant que des protections soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir une mesure d’adaptation raisonnableNote de bas de page 34.

[49] Enfin, je reconnais généralement que l’employeur peut décider d’établir et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. C’est donc devenu une condition de son emploi lorsqu’ils ont instauré la politique. Le prestataire a enfreint la politique lorsqu’il a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité d’exercer ses fonctions auprès de l’employeur.

[50] La Loi a pour objectif d’indemniser des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas de page 35. Dans la présente affaire, la perte d’emploi n’était pas involontaire parce que ce sont les actes du prestataire qui ont mené à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[51] Le prestataire a soutenu que la Commission avait un parti pris parce que l’employeur n’avait pas rendu les appels téléphoniques de la Commission et qu’il s’était prononcé contre le prestataireNote de bas de page 36. Cet argument ne m’a pas convaincue parce que la Commission a fourni des éléments de preuve et des observations à l’appui de sa décisionNote de bas de page 37.

[52] Le prestataire a également soulevé d’autres arguments et déposé des éléments de preuve à l’appui de sa position, notamment certains des éléments suivants :Note de bas de page 38

  1. a) Il a été congédié à tort par l’employeur.
  2. b) L’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égard et ne lui a pas fourni d’autres solutions.
  3. c) Il n’y a pas eu de consentement éclairé.
  4. d) Il s’agissait d’une violation de la Déclaration canadienne des droits et de ses droits de la personne.
  5. e) L’employeur a modifié les conditions de son emploi.
  6. f) La vaccination ne constituait pas une exigence professionnelle justifiée.
  7. g) Il avait des préoccupations en matière de sécurité au sujet d’un vaccin expérimental.
  8. h) Il travaillait déjà à distance.
  9. i) La demande de prestations d’assurance-emploi d’autres employés a été approuvée.

[53] Les tribunaux doivent se concentrer sur le comportement du prestataire, et non sur l’employeur. Il ne s’agit pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire d’une manière qui constituait un congédiement injuste, mais de déterminer si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite lui a fait perdre son emploiNote de bas de page 39 . J’ai déjà conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi.

[54] Je prends note des arguments supplémentaires du prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours du prestataire consiste à intenter une action en justice, ou à s’adresser à tout autre tribunal qui pourrait traiter ses arguments particuliers.

[55] Je note que le prestataire a mentionné qu’il avait intenté une action en justice contre son employeur et qu’elle a récemment été réglée en médiation. 

Conclusion

[56] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Cela a entraîné un résultat indésirable, soit son congédiement.

[57] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[58] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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