Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant était un étudiant à temps plein détenant un permis d’études qui le limitait à 20 heures de travail par semaine pendant ses études. Il a demandé et a reçu des prestations régulières de l’assurance-emploi. Le 17 mars 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a déclaré l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations du 5 octobre 2020 au 26 février 2021, ayant décidé qu’il n’était pas disponible pour le travail.

L’appelant a fait appel de la décision de la Commission devant la division générale. Celle-ci a décidé qu’il n’était pas disponible pour le travail avant le 1er mars 2021, à l’exception de la période allant du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021. L’appelant a fait appel de la décision de la division générale devant la division d’appel. Celle-ci a renvoyé son appel à la division générale pour réexamen, car cette dernière n’avait pas précisé si la Commission avait le pouvoir de déclarer l’appelant inadmissible aux prestations de façon rétroactive et, dans l’affirmative, si elle avait agi de façon judiciaire en décidant de le faire. À la suite d’une nouvelle instance, la division générale a décidé que la Commission avait le pouvoir de déclarer l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations, même après leur versement, et qu’elle avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en agissant ainsi. L’appelant a fait appel de cette décision devant la division d’appel.

La division d’appel a conclu que la division générale avait mal interprété l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi lorsqu’elle a décidé de permettre une décision différée sur l’admissibilité.

Compte tenu du texte de l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi et du contexte de l’article 52 de cette même loi, la division d’appel a conclu que l’article 153.161 permet à la Commission de rendre une décision initiale sur l’admissibilité en fonction de ce que le prestataire a déclaré dans la demande de prestations et des déclarations de prestataire fournies régulièrement. Cependant, la Commission peut reporter la vérification de l’admissibilité du prestataire à une date ultérieure. Cette interprétation concorde également avec une approche opérationnelle modifiée. En raison des circonstances exceptionnelles de la pandémie, le législateur a reconnu qu’il n’était pas possible pour la Commission de vérifier l’admissibilité au moment de la demande et a donc permis la vérification différée. Par contre, cela ne veut pas dire que la Commission n’a pas rendu une décision initiale. Plus précisément, cette dernière a le pouvoir discrétionnaire de vérifier l’admissibilité après le versement des prestations aux termes de l’article 153.161(2) de la Loi sur l’assurance-emploi. Si une telle vérification est faite et que la Commission décide que le prestataire n’a pas prouvé leur disponibilité pour le travail, elle a alors le pouvoir discrétionnaire de décider, au titre de l’article 52, si elle va réexaminer leur demande. Elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire pour rendre cette décision.

La division d’appel a rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle a conclu que, même si la division générale avait commis une erreur de droit, cela ne changeait pas le résultat. La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en réexaminant la demande. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : GP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 192

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : G. P.
Représentante ou représentant : K. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Tiffany Glover

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 juillet 2022
(GE-22-14)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 14 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Personne chargée de représenter l’appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 22 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-589

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Bien que j’aie décidé que la division générale a commis une erreur de droit, ma décision ne modifie pas le résultat. J’ai substitué ma décision à celle de la division générale pour conclure que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en vérifiant l’admissibilité du prestataire et en réexaminant la demande.

[3] Malheureusement, cela signifie que le prestataire a toujours un trop-payé.

Aperçu

[4] G. P. est le prestataire. Il était étudiant à temps plein et avait un permis d’études qui le limitait à 20 heures par semaine de travail pendant ses études. Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi et a reçu des prestations. Le 17 mars 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations du 5 octobre 2020 au 26 février 2021, parce qu’elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[5] Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale, qui a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler avant le 1er mars 2021, sauf pour la période du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021. Le prestataire n’était pas d’accord avec la décision de la division générale et a interjeté appel devant la division d’appel du Tribunal.

[6] La division d’appel a renvoyé l’appel du prestataire à la division générale pour réexamen parce que la division générale ne s’était pas penchée sur la question de savoir si la Commission avait le pouvoir de rendre le prestataire inadmissible rétroactivement et, dans l’affirmative, si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de le faire.

[7] À la suite d’une nouvelle procédure, la division générale a décidé que la Commission avait le pouvoir de rendre le prestataire inadmissible même après le versement des prestations et que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en agissant ainsi. Le prestataire en appelle maintenant de cette décision devant la division d’appel. Il soutient que l’admission par la division générale de deux affidavits fournis en preuve par la Commission donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Il soutient également que la division générale a commis des erreurs de droit lorsqu’elle a décidé que la Commission pouvait reporter sa décision sur l’admissibilité, puis examiner rétroactivement sa demande sans nouvel élément de preuve au sujet de sa demande ou de sa disponibilité pour travailler.

[8] Je rejette l’appel. La division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) comme signifiant qu’il permettait un report de la décision sur l’admissibilité. Toutefois, l’article 153.161 et l’article 52 de la Loi pris ensemble permettent à la Commission de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’un prestataire, de réexaminer une demande et d’évaluer un trop-payé, le cas échéant.

[9] J’ai substitué ma décision à celle de la division générale pour conclure que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire et de réexaminer la demande. Cela signifie que le trop-payé demeure.

Questions en litige

[10] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) L’admission en preuve par la division générale des deux affidavits de la Commission a-t-elle donné lieu à une crainte raisonnable de partialité?
  2. b) La division générale a-t-elle mal interprété l’article 153.161 de la Loi?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rendant le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations?
  4. d) Si la division générale a commis l’une ou l’autre des erreurs qui précèdent, quelle est la réparation?

Analyse

[11] Le prestataire soutient que la division générale a agi de façon injuste sur le plan procédural et a commis des erreurs de droit.

[12] Si l’un de ces types d’erreurs était établi, je pourrais intervenir dans la décision de la division généraleNote de bas de page 1.

L’admission des affidavits de la Commission n’a pas soulevé une crainte raisonnable de partialité

[13] L’acceptation en preuve par la division générale des affidavits de la Commission ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[14] La division générale était saisie de l’interprétation de l’article 153.161 de la Loi. La Commission et le prestataire n’étaient pas d’accord sur l’interprétation de cette disposition. La division générale devait décider de l’interprétation correcte.

[15] La Commission voulait s’appuyer sur les affidavits de deux fonctionnaires d’Emploi et Développement social Canada pour étayer sa positionNote de bas de page 2.

[16] La Commission a demandé à la division générale d’accepter en preuve les affidavits parce qu’ils ont fourni des éléments de preuve pertinents et factuels sur la façon dont la Loi était appliquée.

[17] Le prestataire s’est opposé à ce que les affidavits soient acceptés en preuve. Il a fait valoir qu’ils renfermaient un argument juridique que la division générale ne devrait pas prendre en considération. Il a mis la division générale en garde contre l’interprétation de l’article 153.161 de la Loi énoncée dans les affidavits.

[18] La division générale a conclu que les affidavits étaient pertinents et les a acceptés en preuve.

[19] La division générale a estimé que les affidavits fournissaient des renseignements sur l’admissibilité aux prestations d’assurance‑emploi et sur le droit à ces prestations en général. Ils ont parlé des exigences de la Loi pour les demandes qui comportent un programme de formation non dirigé et de ce que font les agents lorsqu’ils statuent sur de telles demandes. Les deux affidavits faisaient référence à l’article 153.161 de la Loi.

[20] La division générale a décidé que les renseignements pourraient être utiles pour déterminer l’intention de l’article 153.161 de la Loi.

[21] La division générale a souligné que les règles strictes de preuve ne s’appliquaient pas aux tribunaux administratifs, à moins d’être expressément prévuesNote de bas de page 3. La division générale a expliqué que son rôle était d’écouter les deux parties et de leur donner une occasion équitable d’aborder toute déclaration pertinente contraire à leur point de vue. La division générale a expliqué que le fait d’accepter les affidavits en preuve n’empêchait pas le prestataire de faire valoir le poids que la division générale devrait leur accorder.

[22] Le prestataire soutient maintenant que l’acceptation de ces affidavits par la division générale donne lieu à une crainte raisonnable de partialité. Selon lui, cela pourrait aussi être considéré comme une erreur de droit.

[23] Le prestataire soutient que les affidavits vont bien au-delà de la présentation des faits. Il affirme que les déposants mettent de l’avant leurs opinions personnelles sur le sens de la loi et l’intention derrière diverses mesures même s’ils ne sont pas membres du Parlement ou ministres du cabinet. Il affirme que les opinions contenues dans les affidavits ne sont absolument pas pertinentes à la tâche de la division générale d’interpréter la loi.

[24] Le prestataire soutient que la Commission peut faire valoir des arguments juridiques par l’entremise de son conseil. Il soutient toutefois que le fait d’admettre les affidavits comme une prétendue affirmation de fait donne l’impression que la division générale permet à la Commission, en tant que partie la plus puissante, de simplement jurer comme question factuelle que son interprétation préférée de la Loi est la bonne.

[25] Le prestataire reconnaît que les règles strictes de preuve peuvent ne pas s’appliquer dans les procédures administratives. Il affirme cependant qu’il doit y avoir des limites pour maintenir l’équité et l’intégrité de l’appel interjeté par la division générale.

[26] La Commission soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en admettant les affidavits, car elle est le juge des faits et a le droit de déterminer la pertinence et d’évaluer et de soupeser la preuve comme elle l’entend. La Commission soutient que c’est ce que la division générale a fait. Elle a conclu que les affidavits étaient à la fois pertinents et admissibles, car ils ont contribué à l’interprétation de l’article 153.161 de la Loi. La Commission a expliqué que le Tribunal et même la Cour d’appel fédérale ont accepté par le passé la preuve par affidavit de fonctionnaires ministériels pour faciliter l’interprétation des loisNote de bas de page 4.

[27] La Commission soutient également que le prestataire n’a pas satisfait au critère rigoureux pour démontrer sa partialité. Il n’a pas démontré qu’une personne bien renseignée, qui examine l’affaire de façon réaliste et pratique, conclurait que la division générale n’a pas tranché cette question de façon équitable. De plus, le prestataire avait un conseil et n’a jamais soulevé cet argument à la division générale.

[28] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en admettant les affidavits. La division générale a le vaste pouvoir d’admettre les éléments de preuve qu’elle juge pertinents et d’attribuer le poids qu’elle juge approprié. La division générale a estimé que les affidavits étaient pertinents pour son interprétation de l’article 153.161. Elle avait le droit d’en arriver à cette conclusion. Comme la division générale l’a souligné, le prestataire était libre de faire valoir quel poids devrait être accordé aux affidavits.

[29] L’acceptation des affidavits par la division générale ne donne pas non plus lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[30] La division générale est un organisme décisionnel indépendant et les arbitres sont présumés impartiaux.

[31] Une allégation de partialité est une allégation grave. Selon la loi, une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressionsNote de bas de page 5.

[32] La partialité concerne un décideur qui n’aborde pas la prise de décision avec un esprit ouvert et qui est plutôt prédisposé à tirer une conclusion en particulier. Le critère pour conclure à la partialité est exigeant. Il incombe à la partie qui prétend qu’elle existe de la prouver.

[33] Pour établir la partialité, la partie qui l’allègue doit prouver qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le décideur ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 6.

[34] Je comprends qu’il existe une différence entre une partialité réelle et une crainte raisonnable de partialité. Toutefois, l’admission des affidavits en preuve ne donne pas l’impression que l’interprétation des affidavits est la bonne. La Commission est une partie et a le droit de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa position. Le prestataire était également en mesure de fournir sa propre interprétation de la loi.

[35] Je ne vois aucune preuve que la division générale croyait qu’elle était liée de quelque façon que ce soit par l’opinion exprimée au sujet de l’interprétation de l’article 153.161 de la Loi dans les affidavits ou que la division générale ne comprenait pas que son rôle était de prendre sa propre décision sur l’interprétation de la loi.

[36] J’ai écouté l’enregistrement audio établi à partir de l’audience de la division générale. Il révèle que le prestataire a eu une audience complète et équitable. Le prestataire était représenté par un conseil et n’a pas soulevé la question de la partialité à la division générale. La division générale a expressément abordé les arguments avancés par le prestataire au sujet des affidavits dans sa décisionNote de bas de page 7. La décision de la division générale reflète une approche réfléchie à l’égard des arguments présentés par les deux parties concernant l’interprétation de la loi.

[37] Une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, n’en arriverait pas à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, la division générale ne rendrait pas une décision juste. Ils ne concluraient pas non plus à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité.

La division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi

[38] La division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi.

[39] Le prestataire avait déclaré à la Commission son permis d’études à temps plein lorsqu’il a présenté une demande de prestations. Il recevait des prestations régulières d’assurance-emploi. Le 17 mars 2021, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déclaré le prestataire inadmissible au bénéfice des prestations du 5 octobre 2020 au 26 février 2021, parce qu’elle a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[40] Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal, qui a décidé qu’il n’était pas disponible pour travailler avant le 1er mars 2021, sauf pour la période du 25 décembre 2020 au 3 janvier 2021, alors qu’il était en vacances scolaires.

[41] Le prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division d’appel, qui a renvoyé l’affaire à la division générale parce que cette dernière ne s’était pas penchée sur la question de savoir si la Commission avait le pouvoir de déclarer le prestataire inadmissible rétroactivement et, dans l’affirmative, si la Commission avait agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande. Pour répondre à cette question, la division générale devait examiner ce que signifiait l’article 153.161 de la Loi.

[42] En réponse à la pandémie mondiale de COVID-19, le gouvernement du Canada a modifié la Loi au moyen d’une série d’arrêtés d’urgence. En vertu de l’arrêté d’urgence no 10, la Loi a été modifiée par l’ajout de l’article 153.161. Cette disposition s’appliquait aux étudiants qui suivaient un programme de formation non dirigé. L’article 153.161 était en vigueur du 27 septembre 2020 au 25 septembre 2021Note de bas de page 8.

[43] L’article 153.161 de la Loi prévoit ce qui suit :

153.161(1) Pour l’application de l’article 18(1)a), le prestataire qui suit un cours ou programme d’instruction ou de formation pour lequel il n’a pas été dirigé conformément aux articles 25(1)a) ou b) n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin.

(2) La Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire visé au paragraphe (1) est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[44] La Commission a fait valoir que l’article 153.161 de la Loi lui permettait de verser des prestations en fonction de l’admissibilité aux prestations, mais de rendre une décision différée sur l’admissibilité. La Commission a dit que c’est ce qu’elle a fait dans le cas du prestataire. Le 17 mars 2021, elle a pris une décision d’admissibilité différée. Elle a déclaré le prestataire inadmissible en vertu des articles 18(1) et 153.161 de la Loi.

[45] Le prestataire soutient que l’article 153.161 ne permettait pas de retarder la décision relative à l’admissibilité. Il soutient plutôt qu’une décision d’admissibilité a été prise au moment où les prestations ont été versées et que la décision du 17 mars 2021 constituait une décision de réexamen en vertu de l’article 52 de la Loi.

[46] En vertu de l’article 52 de la Loi, la Commission dispose d’un délai de 36 mois suivant le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables à un prestataire pour examiner de nouveau toute demande de prestations. Cette période peut être prolongée à 72 mois si la Commission estime qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande.

[47] Le prestataire soutient que l’article 52 de la Loi s’inscrit dans la politique de révision de la Commission, qui oriente son exercice du pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 52 de la LoiNote de bas de page 9. Selon cette politique, la Commission ne peut pas réexaminer une demande fondée sur les mêmes faits. Le prestataire affirme que sa demande n’aurait pas dû être réexaminée par la Commission, étant donné qu’il n’y avait pas de faits nouveaux puisqu’il a déclaré ses études depuis le début.

[48] La division générale était d’accord avec la position de la Commission. Elle a interprété l’article 153.161 de la Loi comme signifiant que la Commission avait le pouvoir de vérifier l’admissibilité des prestataires qui suivaient un programme de formation non dirigé en vertu de l’article 153.161 de la Loi et de déclarer les prestataires inadmissibles aux prestations même après le versement des prestations.

[49] Selon cette interprétation, la division générale a décidé que la Commission pouvait verser d’abord des prestations, en fonction de l’admissibilité, puis décider si un prestataire était admissible à ces prestations.

[50] La division générale a toutefois décidé que le pouvoir de la Commission de vérifier l’admissibilité en vertu de l’article 153.161 était un pouvoir discrétionnaire et qu’il devait être exercé de façon judiciaire. Cela signifiait qu’elle devait agir de bonne foi, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et sans prendre en compte des facteurs non pertinents.

[51] La division générale a déclaré que la Commission devait décider de façon discrétionnaire, en vertu de l’article 153.161, si le prestataire avait prouvé sa disponibilité pour travailler. Par conséquent, seuls les facteurs relatifs à une décision concernant la disponibilité pour travailler étaient pertinents pour l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

[52] La division générale a pris en compte que le délai de six mois pour rendre une décision, la véracité du témoignage du prestataire tout au long du processus et le fait qu’il avait compris qu’il avait droit à des prestations après avoir discuté avec un agent de la Commission avant de présenter une demande de prestations n’étaient pas des facteurs pertinents.

[53] La division générale a décidé que la Commission avait tenu compte de tous les facteurs pertinents liés à la disponibilité du prestataire, comme les détails des études du prestataire, les efforts déployés pour trouver du travail et les limites au travail. La division générale a donc décidé que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

La position du prestataire

[54] Le prestataire soutient que la division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi.

[55] Le prestataire fait valoir que rien dans le texte de l’article 153.161 ne mentionne le report d’une décision initiale sur l’admissibilité aux prestations à un moment non précisé à l’avenir.

[56] Le prestataire soutient que le terme utilisé à l’article 153.161 est « vérifier ». Le terme « vérifier » confère un pouvoir de confirmer la véracité des renseignements qui sous-tendent la décision précédente de verser des prestations. Le terme « vérifier » ne décrit pas la prise d’une nouvelle décision initiale.

[57] Le prestataire soutient également que la Commission peut prendre les mesures appropriées si le processus de vérification révèle que le prestataire n’a pas été honnête et franc. Il n’est pas nécessaire d’interpréter l’article comme retardant d’une manière ou d’une autre la décision initiale.

[58] De plus, le prestataire affirme que l’interprétation par la division générale de l’article 153.161(2) de la Loi est complètement contraire au régime législatif. Cela signifierait que, dans certains cas, la Commission ne prendrait jamais de décision concernant l’admissibilité aux prestations, étant donné que le pouvoir de vérifier prévu à l’article 153.161(2) est discrétionnaire. Autrement dit, si la Commission ne vérifiait pas la demande en vertu de l’article 153.161(2), aucune décision sur l’admissibilité ne serait prise. Cela irait à l’encontre de la Loi, soutient le prestataire.

[59] Le prestataire souligne également que l’article 153.161(2) n’impose aucun délai à la Commission pour agir. L’interprétation de la division générale laisserait aux prestataires une incertitude perpétuelle quant au moment où la Commission pourrait rendre une décision sur la disponibilité et exiger que les prestations soient remboursées, même si le prestataire a fourni des renseignements complets et exacts dès le début.

[60] Le prestataire fait valoir que l’interprétation appropriée veut que la Commission ait décidé initialement du moment de verser des prestations et que sa décision du 17 mars 2021 est une décision de réexamen en vertu de l’article 52 de la Loi.

La position de la Commission

[61] La Commission soutient que la division générale n’a pas mal interprété l’article 153.161 de la Loi.

[62] La Commission soutient qu’il existe une différence juridique entre l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et le droit aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[63] La Commission soutient que le libellé de l’article 153.161(2) lui permettait de « vérifier » l’admissibilité à ces prestations d’assurance-emploi « à tout moment après le versement des prestations ». L’évaluation de l’admissibilité a donc été effectuée après le versement des prestations.

[64] C’est différent, dit la Commission, du libellé de l’article18(1)(a) de la Loi selon lequel le défaut de prouver l’admissibilité peut être fatal au versement de prestations. La Commission affirme que cette différence de libellé reflète l’approche opérationnelle modifiée ayant été utilisée pour traiter les demandes d’assurance-emploi pendant la pandémie de COVID-19 Note de bas de page 11. Cette approche modifiée a facilité le versement des prestations d’assurance-emploi aux prestataires qui suivent un programme de formation non dirigé en fonction de leur admissibilitéNote de bas de page 12.

[65] La Commission soutient que la division générale a examiné le texte, le contexte et l’objet de l’article de la Loi. Elle a déterminé qu’en vertu de l’article 153.161, la Commission rend d’abord une décision sur l’admissibilité, qui diffère d’une décision sur le droit à des prestations d’assurance-emploi.

[66] La Commission soutient que la division générale a conclu qu’une lecture en langage clair du texte de l’article 153.161 signifiait que la Commission peut [traduction] « demander à un prestataire de prouver qu’il est vrai, certain ou exact qu’il a droit à des prestations d’assurance-emploi […] même après que [la Commission] a versé des prestations », car c’est ce que la loi permet.

[67] De plus, affirme la Commission, la division générale a conclu que l’article 153.161 de la Loi était conforme à l’approche opérationnelle modifiée des décisions relatives à l’admissibilité des étudiants prestataires dans le contexte de la pandémie.

[68] La Commission soutient en outre que la division générale a rejeté les arguments du prestataire selon lesquels les articles 52 ou 111 et la jurisprudence dans laquelle ces articles étaient interprétés étaient applicables. Elle a conclu que le contexte pandémique dans lequel l’article 153.161 a été créé, soit le désir du gouvernement du Canada de verser des prestations aux prestataires qui en avaient besoin, était pertinent pour interpréter l’article 153.161. La division générale a conclu qu’en vertu de l’article 153.161, la Commission rend deux décisions : qu’un prestataire est d’abord admissible à des prestations, puis qu’il a droit à des prestations.

[69] La Commission fait valoir que la division d’appel avait déjà affirmé que l’article 153.161 de la Loi permettait à la Commission de prendre des décisions sur l’admissibilité à tout moment après le versement des prestationsNote de bas de page 13.

Mes conclusions

[70] Je conclus que la division générale a mal interprété l’article 153.161 de la Loi lorsqu’elle a décidé qu’elle permettait une décision différée sur l’admissibilité.

[71] L’article 153.161 de la Loi ne permet pas de reporter la décision sur l’admissibilité. Elle permet plutôt la vérification différée d’une décision initiale d’admissibilité qui a déjà été prise en fonction des déclarations faites par le prestataire dans sa demande et des rapports continus du prestataire.

[72] L’article 153.161 a été mis en œuvre le 27 septembre 2020 dans le cadre de l’Arrêté provisoire no 10Note de bas de page 14. Selon la note explicative de l’Arrêté provisoire no 10, celui‑ci a été pris dans le but d’atténuer les répercussions économiques de la COVID-19. La note explicative indique également que l’article 153.161 permettait une approche opérationnelle modifiée pour déterminer la disponibilité à travailler des prestataires qui n’ont pas été dirigés vers un cours de formation conformément à l’article 25 de la LoiNote de bas de page 15.

[73] L’article 153.161(2) prévoit que la Commission peut vérifier, à tout moment après le versement des prestations, que le prestataire est admissible aux prestations en exigeant la preuve qu’il était capable de travailler et disponible cette fin pour tout jour ouvrable de sa période de prestations.

[74] Le texte indique clairement que la vérification de l’admissibilité ne pourrait avoir lieu qu’après le paiement des prestations. Toutefois, rien dans le texte de l’article 153.161 n’indique que la Commission peut retarder la prise d’une décision initiale ou y renoncer. Il s’agit de vérifier l’[traduction] « admissibilité ». Cela suppose qu’une décision sur l’admissibilité a déjà été prise.

[75] La disposition indique également que la Commission « peut » vérifier l’admissibilité, de sorte que le pouvoir de vérifier est discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire est incompatible avec la position de la Commission selon laquelle cette disposition permet de reporter la décision sur l’admissibilité. Comme le souligne le prestataire, si la Commission n’exerçait pas son pouvoir discrétionnaire de vérifier la demande, cela signifierait que, dans certains cas, elle ne rendrait jamais de décision concernant l’admissibilité aux prestations. Ça ne saurait être l’intention. La division générale n’a pas abordé la nature discrétionnaire de la disposition.

[76] La division générale a décidé que le paiement était fondé sur les « conditions requises » pour recevoir des prestations et non sur l’« admissibilité ». Les conditions requises pour établir une demande sont énoncées à l’article 7 de la Loi. Les exigences de base sont l’arrêt de la rémunération et le nombre d’heures d’emploi assurable requis.

[77] Toutefois, le texte de l’article 153.161(1) de la Loi est incompatible avec la notion selon laquelle le paiement est effectué uniquement en fonction des conditions requises. Aux termes de l’article 153.161(1), le prestataire n’est pas admissible au versement des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il est capable de travailler et disponible à cette fin. Cette disposition laisse entendre que la Commission ne peut verser des prestations sans avoir la preuve qu’une personne est disponible pour travailler. Le paiement doit être fondé sur certains éléments de preuve de disponibilité.

[78] J’ai également tenu compte de l’article 153.161 dans le contexte de l’article 52 de la Loi. Comme je l’ai mentionné précédemment, l’article 52(1) confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de réexaminer une demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables. Selon l’article 52(2), si la Commission décide qu’une personne a reçu une somme au titre de prestations pour lesquelles elle ne remplissait pas les conditions requises ou au bénéfice desquelles elle n’était pas admissible, la Commission calcule la somme payée ou à payer, selon le cas, et notifie sa décision au prestataire.

[79] La division générale n’a pas examiné la question de savoir si l’article 153.161 était interprété de manière à permettre à la Commission de rendre une décision initiale différée sur l’admissibilité et si cette décision établissait que le prestataire n’était pas admissible aux prestations, il ne semble pas exister de mécanisme législatif correspondant pour permettre à la Commission de calculer un trop‑payé et d’en informer le prestataire.

[80] Cela me porte également à croire que l’article 153.161(2) ne fait rien de plus que de permettre à la Commission de vérifier qu’un prestataire peut prouver qu’il est disponible pour travailler après qu’une décision initiale sur l’admissibilité a déjà été rendue en fonction des renseignements limités fournis dans la demande de prestations et des rapports continus du prestataire.

[81] Compte tenu du texte de l’article 153.161 de la Loi et du contexte de l’article 52 de la Loi, je conclus que l’article 153.161 permet à la Commission de rendre une décision initiale sur l’admissibilité en fonction des déclarations faites par un prestataire dans la demande de prestations et des rapports continus du prestataire. Toutefois, la Commission peut reporter sa vérification de l’admissibilité d’un prestataire.

[82] Cette interprétation est également conforme à une approche opérationnelle modifiée. En raison des circonstances extraordinaires de la pandémie, le législateur a reconnu qu’il n’était pas possible pour la Commission de vérifier l’admissibilité au moment de la demande et a donc permis une vérification différée. Toutefois, cela ne signifie pas qu’une décision initiale n’a pas été prise par la Commission.

[83] La Commission s’appuie sur les décisions du Tribunal dans Commission de l’assurance‑emploi du Canada c KT (KT)Note de bas de page 16, Commission de l’assurance‑emploi du Canada c SL (SL)Note de bas de page 17 et Commission de l’assurance‑emploi du Canada c ET (ET) pour confirmer son interprétationNote de bas de page 18.

[84] Dans l’affaire SL, la division d’appel a décidé que la Commission pouvait examiner et réexaminer la disponibilité du prestataire en vertu des articles 52 ou 153.161 de la Loi. Toutefois, aucune conclusion précise n’a été tirée quant à la disposition au titre de laquelle le réexamen a été effectué. De même, dans l’affaire KT, la division d’appel n’a pas statué sur le fondement de la décision antérieure faisant l’objet d’un examen. Elle a mis l’accent sur le fait que la Commission n’avait pas agi de mauvaise foi en examinant rétroactivement la demande.

[85] Dans l’affaire ET, la division d’appel a décidé que la Commission pouvait vérifier l’admissibilité même après le versement des prestations en vertu de l’article 153.161 de la Loi. Cependant, cette affaire ne dit pas que la Commission peut retarder sa décision sur l’admissibilité.

[86] Par ailleurs, la division d’appel s’est expressément penchée sur la question de savoir si l’article 153.161 de la Loi permet une décision tardive sur l’admissibilité dans SF c Commission de l’assurance‑emploi du Canada Note de bas de page 19. Dans cette affaire, la division d’appel a décidé que l’article 153.161 ne devrait pas être interprété comme signifiant que la Commission peut diviser sa responsabilité décisionnelle en deux parties et reporter indéfiniment la prise d’une décision concernant l’admissibilité du prestataire à des prestations.

[87] Dans l’affaire SF, la division d’appel a décidé que la Commission avait rendu une décision fondée sur les déclarations faites par le prestataire et, selon son approche opérationnelle modifiée, a versé des prestations en se fondant sur ces déclarations et a reporté l’évaluation plus approfondie de la question. Je préfère et j’adopte le raisonnement dans l’affaire SF. Comme je l’ai mentionné précédemment, je suis d’avis qu’une telle interprétation est conforme au texte de la disposition, au contexte de l’article 52 de la Loi et à l’approche opérationnelle modifiée autorisée par le législateur.

[88] Toutefois, je conviens, comme il a été conclu dans l’affaire SF, que l’article 153.161 demeure pertinent quant au trop‑payé. Pris ensemble, les articles 52 et 153.161 confèrent à la Commission le pouvoir de vérifier rétroactivement l’admissibilité d’un prestataire et d’établir un trop‑payé, le cas échéant.

[89] Plus précisément, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de demander la vérification de l’admissibilité après le versement des prestations en vertu de l’article 153.161(2) de la Loi. Si cette vérification est demandée et que la Commission décide que le prestataire n’a pas prouvé qu’il est disponible pour travailler, l’article 52 confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de décider si elle va réexaminer la demande. Elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en rendant cette décision.

[90] Cette approche de l’interprétation de l’article 153.161 et de son interaction avec l’article 52 de la Loi a été suivie par la division d’appel dans plusieurs affaires récentesNote de bas de page 20.

[91] La division générale a donc commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 153.161 afin de permettre la prise d’une décision tardive sur l’admissibilité.

[92] Je n’ai pas besoin d’examiner si la division générale a commis d’autres erreurs. Comme la division générale a commis une erreur de droit, je peux intervenir dans la décisionNote de bas de page 21.

Réparation

[93] Pour corriger l’erreur de la division générale, je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 22.

[94] La Commission demande que je rejette l’appel du prestataire. Le prestataire me demande de substituer ma décision à celle de la division générale et d’annuler la décision de la Commission du 17 mars 2021.

[95] Je suis convaincue que les parties ont eu une juste possibilité de présenter leurs arguments de manière exhaustive devant la division générale. Je conclus donc qu’il s’agit d’un cas approprié pour substituer ma décision à celle de la division générale.

La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de vérifier l’admissibilité du prestataire et de réexaminer sa demande

[96] Je conclus que la Commission a rendu une décision initiale sur l’admissibilité après que le prestataire a présenté une demande de prestations, compte tenu des déclarations contenues dans sa demande.

[97] Les 16 et 17 mars 2021, la Commission a voulu vérifier si le prestataire avait droit aux prestations qu’il avait reçuesNote de bas de page 23. À ces dates, le prestataire a été interrogé au sujet des restrictions relatives à son permis de travail, des heures qu’il consacrait à ses études, de ses droits de scolarité, de son horaire, de la question de savoir s’il accepterait un emploi à temps plein s’il lui était offert, s’il abandonnait des cours ou s’il quittait ses études pour accepter une offre d’emploi convenable. Il a également été questionné en lien avec ses recherches d’emploi. Bref, la Commission a voulu vérifier que le prestataire pouvait prouver sa disponibilité pour travailler. La Commission n’était pas convaincue qu’il l’avait fait.

[98] Après avoir rendu cette décision, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande du prestataire. Le prestataire a été informé le 17 mars 2021 qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 5 octobre 2020 au 26 février 2021 Note de bas de page 24. Le trop‑payé a été calculé et un avis de trop‑payé a ensuite été produitNote de bas de page 25.

[99] Les décisions d’effectuer une vérification en vertu de l’article 153.161 et de réexaminer une demande en vertu de l’article 52 sont discrétionnaires. Cela signifie que, bien que la Commission ait le pouvoir d’effectuer une vérification ou de réexaminer une demande, elle n’est pas tenue de le faire.

[100] Comme ci-dessus, la loi prévoit que les pouvoirs discrétionnaires doivent être exercés de façon judiciaire. En d’autres termes, lorsque la Commission décide de réexaminer une demande, elle ne peut agir de mauvaise foi ou dans un but ou un motif inapproprié, tenir compte d’un facteur non pertinent ou ignorer un facteur pertinent, ou agir de manière discriminatoireNote de bas de page 26.

[101] Compte tenu des notes de la Commission, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la Commission ait exercé son pouvoir discrétionnaire de vérifier l’admissibilité du prestataire en se fondant sur le fait que le prestataire suivait un programme de formation non dirigé »Note de bas de page 27.

[102] Je ne vois aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi, qu’elle a tenu compte de facteurs non pertinents, qu’elle a ignoré des facteurs pertinents ou qu’elle a agi de manière discriminatoire lorsqu’elle a décidé de vérifier le droit du prestataire à des prestations. Il n’y a aucune preuve que la Commission avait vérifié la disponibilité du prestataire auparavant. La Commission a donné suite à des renseignements pertinents qui remettaient en question la disponibilité du prestataire, soit sa participation à un programme de formation non dirigé.

[103] Les notes de l’agent de la Commission datées du 16 et du 17 mars 2021 indiquent qu’il a été décidé de réexaminer la demande parce que la Commission n’était pas convaincue que le prestataire avait prouvé sa disponibilité pour travailler Note de bas de page 28. Je conclus donc qu’il est plus probable que le contraire que les seuls facteurs que la Commission a jugés pertinents pour l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande étaient des facteurs liés à sa décision concernant la disponibilité du prestataire à travailler.

[104] Le prestataire soutient que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en réexaminant la demande et en évaluant rétroactivement un trop-payé.

[105] Le prestataire soutient que la Commission peut examiner les faits et rendre une nouvelle décision d’inadmissibilité d’un prestataire du bénéfice des prestations à l’avenir, mais que ce qu’elle ne peut faire est de réexaminer rétroactivement une décision concernant la disponibilité, en l’absence de faits nouveaux ou de renseignements nouveaux. Cela concorde, soutient le prestataire, avec la politique de révision de la Commission et les diverses décisions de CUBNote de bas de page 29.

[106] Le prestataire soutient en outre que la Commission n’a pas tenu compte d’autres facteurs pertinents. Ce sont les suivants :

  • Le prestataire a communiqué avec Service Canada avant de présenter une demande et on lui a dit qu’il avait droit à des prestations.
  • Après avoir demandé des prestations, dans le cadre d’une autre conversation, la Commission a enquêté sur les motifs de cessation d’emploi de l’ancien employeur du prestataire, qui lui a dit qu’il continuerait de recevoir des prestations. Il aurait donc raisonnablement présumé que toute sa demande avait fait l’objet d’une enquêteNote de bas de page 30.
  • Le retard de 6 mois signifiait que le prestataire avait maintenant une dette de 10 000 $ sans qu’il en soit responsable.
  • Le prestataire a fait preuve d’ouverture et d’honnêteté tout au long du processus.

[107] Comme mentionné précédemment, la Commission a une politique qui oriente l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer les décisions en vertu de l’article 52 de la Loi. La Commission affirme que la raison d’être de la politique est [traduction] « d’assurer une application uniforme et juste de l’article 52 de la Loi et d’empêcher la création de trop‑payés lorsque le prestataire a touché des prestations en trop pour une raison indépendante de sa volonté. » Selon la politique, la Commission ne procédera au nouvel examen d’une demande que dans les situations suivantesNote de bas de page 31 :

  • Il y a un moins-payé de prestations.
  • Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la [Loi].
  • Des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse.
  • Le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droit.

[108] Selon la politique, une période de non‑disponibilité n’est pas une situation dans laquelle des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi. Le prestataire n’a fait aucune déclaration fausse ou trompeuse et n’aurait pas pu savoir qu’il n’avait pas droit aux prestations reçues. Aucun des facteurs mentionnés dans la politique de la Commission ne justifie le nouvel examen de la demande du prestataire.

[109] Il ne fait aucun doute que le prestataire a déclaré honnêtement ses études tout au long de sa demande et qu’il n’est aucunement responsable de la dette créée. N’eût été l’article 153.161 de la Loi, j’aurais admis que la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée en omettant de tenir compte des facteurs pertinents énoncés dans sa propre politique.

[110] Les décisions du CUB sur lesquelles le prestataire s’appuie ont été rendues avant la mise en œuvre de l’article 153.161 de la Loi. De plus, la politique de la Commission a été élaborée avant l’ajout de l’article 153.161 à la Loi. La politique ne fait pas référence à l’article 153.161 de la Loi ni ne fournit de directives sur la façon dont l’article 153.161 devrait orienter l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu de l’article 52 de la Loi.

[111] L’article 153.161 a été ajouté à la Loi dans les circonstances extraordinaires de la pandémie. Le législateur a approuvé une procédure opérationnelle modifiée de la Commission. Le législateur a expressément conféré à la Commission le pouvoir prévu à l’article 153.161 de différer la vérification de l’admissibilité même après le versement des prestations.

[112] Il importe de noter que l’article 153.161 ne fait pas référence à la vérification de l’exactitude des renseignements fournis par le prestataire, mais plutôt à la vérification de l’admissibilité. Cela m’indique que le législateur a prévu expressément la possibilité que la Commission réexamine les demandes des étudiants qui suivent une formation pour laquelle ils n’ont pas été dirigés, même si le prestataire a déjà fourni des renseignements exacts dans sa demande ou dans ses déclarations et même après le versement des prestations.

[113] En d’autres termes, dans les circonstances particulières de la pandémie, en adoptant l’article 153.161, le législateur a manifesté l’intention selon laquelle le nouvel examen d’une demande dans des circonstances où la vérification est demandée et où le prestataire ne peut prouver son admissibilité l’emporte sur le principe du caractère définitif. Je conclus donc que la Commission n’était pas tenue d’appliquer la politique de nouvel examen, compte tenu de l’article 153.161 de la Loi.

[114] La division générale a conclu que le prestataire avait parlé à des agents de Service Canada avant de présenter une demande et qu’il avait compris qu’il pouvait demander des prestations d’assurance‑emploi, après quoi une décision serait priseNote de bas de page 32. La division générale a également accepté que le prestataire comprenne qu’il était autorisé à recevoir des prestationsNote de bas de page 33.

[115] La Commission n’a pas tenu compte de ces appels lorsqu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire. Ils n’étaient toutefois pas pertinents.

[116] Le premier appel n’était pas pertinent parce que le prestataire a rempli sa demande de prestations après l’appel initial et que la demande indique clairement que même si un prestataire a droit à des prestations, il existe toujours des exigences à cet égard. Il doit notamment être capable de travailler et disponible à cette finNote de bas de page 34.

[117] En ce qui concerne l’appel de Service Canada après que le prestataire a présenté sa demande, cet appel portait sur la cessation d’emploi du prestataire. Rien ne prouve qu’il ait été question au cours de cette conversation de la disponibilité du prestataire pour travailler ou d’une vérification de sa disponibilité. Par conséquent, cet appel n’était pas pertinent pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission.

[118] Je conclus que le retard n’est pas non plus pertinent pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire. La Commission a agi dans le délai de 36 mois prévu par la loi pour réexaminer la demande.

[119] Il n’y avait aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi ou dans un but illégitime. Le prestataire est tenu de rembourser les prestations auxquelles il n’est pas admissibleNote de bas de page 35. Par conséquent, le réexamen d’une demande lorsqu’il semble qu’un prestataire ne soit pas admissible à des prestations est une fin légitime.

[120] La Commission a examiné tous les renseignements pertinents pour décider de réexaminer la demande. Le prestataire n’a présenté aucun fait nouveau pertinent à l’exercice du pouvoir discrétionnaire lors de l’audience devant la division générale. Rien n’indique que la Commission a tenu compte de renseignements non pertinents, ou a agi de manière discriminatoire. Par conséquent, la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire dans le réexamen de la demande.

[121] Puisque la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, je ne peux intervenir dans cette décision.

[122] Je comprends que le prestataire puisse être déçu de ce résultat. Malheureusement, la loi a créé de véritables difficultés dans cette affaire. Le prestataire a agi honnêtement tout au long du processus, mais il se retrouve maintenant avec une dette importante.

[123] Je compatis avec le prestataire. Cependant, je ne peux y remédier.

Conclusion

[124] L’appel est rejeté. Bien que la division générale ait commis une erreur de droit, cela ne change pas le résultat. J’ai substitué ma décision pour conclure que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en vérifiant l’admissibilité du prestataire et en réexaminant la demande. Je ne peux donc pas m’immiscer dans cette décision.

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