Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 186

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : M. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 décembre 2022 (GE-22-2081)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-60

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Il n’a pas non plus obtenu d’exemption. Le prestataire a alors demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision qui s’est avérée infructueuse pour le prestataire, celui-ci a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a établi que le prestataire avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur et qu’il n’avait pas obtenu d’exemption. Selon la division générale, le prestataire savait que l’employeur pouvait le congédier dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Le prestataire affirme que la division générale a ignoré la preuve décrivant la nature nocive du médicament obligatoire. Il soutient qu’il devait absolument préserver son bien-être personnel et que, par conséquent, sa conduite ne peut pas être interprétée comme une inconduite. Selon le prestataire, une inconduite survient seulement lorsqu’un comportement fautif et délibéré enfreint une politique raisonnable. Il affirme que l’obligation vaccinale n’était pas une condition d’emploi et qu’elle a été imposée en dehors des négociations collectives.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. Le processus de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape qui vient avant l’examen sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, où la barre est moins haute que durant l’appel sur le fond. Lors de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ce qu’elle avance. Elle doit plutôt montrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Alors, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire affirme que la division générale a ignoré la preuve décrivant la nature nocive du médicament obligatoire. Il devait absolument préserver son bien-être personnel. Par conséquent, sa conduite ne peut pas être interprétée comme une inconduite. Le prestataire soutient qu’une inconduite survient seulement lorsqu’un comportement fautif et délibéré enfreint une politique raisonnable. Il affirme que l’obligation vaccinale n’était pas une condition d’emploi et qu’elle a été imposée en dehors des négociations collectives.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] Selon la notion d’inconduite, ce n’est pas nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’ignorer les répercussions de cet acte sur son travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir s’il a mal agi en congédiant le prestataire de sorte que la fin d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique de l’employeur. Le prestataire avait été informé de la politique et aurait eu le temps de s’y conformer. L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus du prestataire était intentionnel. Il a agi de façon délibérée. C’est la cause directe de son congédiement.

[17] La division générale a établi que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[18] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[19] Selon un principe bien établi, une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère aussi que le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une entreprise est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[20] On s’entend pour dire qu’un employeur doit prendre toutes les précautions raisonnables pour veiller à la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de santé publique et a mis en œuvre sa politique pour préserver la santé de son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédiéNote de bas de page 4.

[21] Le prestataire affirme que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. Le prestataire soutient aussi que la division générale a ignoré la preuve décrivant la nature nocive du médicament obligatoire. Selon lui, la politique allait trop loin et était déraisonnable.

[22] Je remarque que la division générale a bel et bien tenu compte des arguments du prestataire sur la sûreté du vaccinNote de bas de page 5. Toutefois, trancher une question de santé publique dépasse de loin l’expertise du Tribunal en matière d’assurance-emploi et ne relève pas de sa compétence.

[23] Par conséquent, je juge qu’il n’y a pas d’erreur révisable dans la décision de la division générale selon laquelle elle n’a pas compétence pour évaluer l’efficacité du vaccin ou le caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[24] Le prestataire affirme que la division générale a refusé d’exercer son pouvoir pour savoir si l’employeur aurait dû lui accorder des mesures d’adaptation et si celui-ci a enfreint son contrat de travail et sa convention collective.

[25] Il revient à une autre instance de décider si l’employeur aurait dû accorder des mesures d’adaptation au prestataire, si la politique violait ses droits en matière de travail ou si elle violait les droits de la personne et les droits constitutionnels. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que le prestataire rechercheNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a récemment tranché l’affaire Cecchetto concernant une inconduite et le refus du prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[27] Le prestataire dans cette affaire a fait valoir que le refus de se soumettre à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a affirmé qu’il avait le droit de préserver sa propre intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationaleNote de bas de page 7.

[28] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8. La Cour a précisé qu’il existe d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le système judiciaire.

[29] Dans l’affaire Paradis (voir la note de bas de page no 6), le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite de sa part parce que la politique de son employeur avait violé ses droits au titre de la loi albertaine sur les droits de la personne (Alberta Human Rights Act). La Cour fédérale a établi que la question relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres recours pour sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[31] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’offrir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les affaires d’inconduite en assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur a mal agi en congédiant le prestataire de sorte que la fin d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné son congédiement.

[33] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique que son employeur avait établie en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné son congédiement.

[34] Je ne vois pas comment la division générale aurait pu commettre une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[35] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

[36] Le prestataire avance qu’il a trouvé une décision de la division générale qui traite d’une situation comme la sienne, où la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10. Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas liée par la décision de la division généraleNote de bas de page 11. Les décisions de la Cour fédérale, elles, sont contraignantes. De plus, les faits de l’affaire dont le prestataire parle sont différents en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait des dispositions précises sur le refus de toute vaccination. Le prestataire de la présente affaire n’a fourni aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale à laquelle le prestataire fait référence a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[38] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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