Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 140

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire appel

Partie demanderesse : R. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 9 décembre 2022 (GE-22-2650)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 13 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-40

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La partie défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Le prestataire soutient que l’employeur n’avait pas le droit de mettre en œuvre une politique qui abolissait ses droits de la personne. Il soutient que c’est l’employeur qui est coupable d’inconduite, car il lui a d’abord fait croire qu’il ne perdrait pas son emploi. Il a le droit de prendre ses propres décisions quant à sa santé; ce droit est inaliénable. Il n’y a donc pas eu d’inconduite de sa part.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que l’employeur n’avait pas le droit de mettre en œuvre une politique qui abolissait ses droits de la personne. Il soutient que c’est plutôt l’employeur qui est coupable d’inconduite, car il lui a d’abord fait croire qu’il ne perdrait pas son emploi. Le prestataire soutient qu’il a le droit de prendre ses propres décisions quant à sa santé; ce droit est inaliénable. Il n’y a donc pas eu d’inconduite de sa part.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; il a agi délibérément. C’était la cause directe de sa suspension. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[17] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 2 .

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. Dans le cas présent, l’employeur a suivi les recommandations des responsables de la santé publique et mis en place une politique qui exigeait que tout le personnel soit vacciné. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu Note de bas de page 3.

[20] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique violait ses droits de la personne et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demande Note de bas de page 4.

[21] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire estime qu’il a fait l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a dit qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 5.

[22] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, d’après la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 6. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[23] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[24] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une partie prestataire sanctionne le comportement d’un employeur, autre que le transfert des coûts de ce comportement au Régime d’assurance-emploi.

[25] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[26] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[27] La preuve prépondérante devant la division générale démontre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[28] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 7 .

[29] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 8. Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[30] Dans sa demande de permission de faire appel, le prestataire n’a relevé aucune erreur révisable comme la compétence de la division générale ou le non-respect d’un principe de justice naturelle. Il n’a cerné aucune erreur de droit ni conclusion de fait erronée que la division générale aurait pu tirer de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance au moment de rendre sa décision.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.