Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 181

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : C. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 9 décembre 2022 (GE-22-2630)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 20 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-55

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. La division générale a jugé que la prestataire savait ou aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que son employeur a imposé unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans consultation ni acceptation de la part de l’autre partie. Elle soutient que la politique de son employeur n’a pas préséance sur les droits humains et constitutionnels. Elle a le droit de choisir ses traitements médicaux et de protéger son intégrité physique. L’employeur a refusé de lui fournir des mesures d’adaptation. La prestataire soutient que le vaccin n’a pas arrêté la transmission et la propagation du virus.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse d’accorder la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés plus haut et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que son employeur a imposé unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans consultation ni acceptation de la part de l’autre partie. Elle soutient que la politique de son employeur n’a pas préséance sur les droits humains et constitutionnels. Elle a le droit de choisir ses traitements médicaux et de protéger son intégrité physique. L’employeur a refusé de lui fournir des mesures d’adaptation. La prestataire soutient que le vaccin n’a pas arrêté la transmission et la propagation du virus.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour ses croyances religieuses. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’est la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a conclu que la prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension.

[18] La division générale a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[20] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel sur le lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les règles du gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour mettre en œuvre sa politique de protection de la santé de l’ensemble de son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendueNote de bas de page 4.

[21] La prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur. La prestataire soutient qu’elle travaillait de la maison pendant la pandémie et que le vaccin n’a pas arrêté la transmission et la propagation du virus.

[22] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[23] La prestataire soutient également que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a omis de lui offrir des mesures d’adaptation, si l’employeur a violé sa convention collective et si la politique de l’employeur a violé ses droits humains et constitutionnels.

[24] La question de savoir si l’employeur aurait dû accorder des mesures d’adaptation à la prestataire en acceptant sa demande d’exemption fondée sur ses croyances religieuses, ou si la politique violait ses droits humains et constitutionnels, relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le forum approprié par lequel la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle demandeNote de bas de page 5.

[25] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[26] La prestataire a fait valoir que le fait de refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Elle a déclaré qu’il n’avait pas été prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. La prestataire s’est sentie discriminée en raison de son choix médical personnel. Elle a fait valoir qu’elle a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés au regard du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[27] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé à traiter de ces questions selon la loi.

[28] La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas se confirmer à la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres moyens de faire progresser les demandes du prestataire dans le cadre du système juridique.

[29] Dans la décision Paradis mentionnée précédemment, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de l’employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act [loi sur les droits de la personne de l’Alberta]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe des recours permettant à une partie prestataire de sanctionner le comportement d’un employeur, autre que le transfert des coûts de ce comportement au régime d’assurance-emploi.

[31] Dans la décision Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de fournir des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[33] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas respecter la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[34] La prestataire soutient qu’elle a trouvé une décision du Tribunal semblable à son cas, dans laquelle la demanderesse a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8. Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas liée par la décision de la division généraleNote de bas de page 9. De plus, les faits sont différents dans la mesure où la convention collective de la demanderesse comportait des dispositions précises concernant les choix en matière de vaccination. La prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[35] La division générale ne pouvait pas se concentrer sur la relation de droit du travail, la conduite de l’employeur ou la sanction imposée par l’employeur. Elle devait se concentrer sur la conduite de la prestataire.

[36] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[37] Je suis pleinement conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 11. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite.

[38] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[39] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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