Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 183

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : T. H.
Représentante ou représentant : P. C.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentante ou représentant : Julie Villeneuve

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 11 août 2022
(GE-22-1295)

Membre du Tribunal : Charlotte McQuade
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 décembre 2022

Personnes présentes à l’audience :

Appelant
Personne chargée de représenter l’appelant
Représentante de l’intimée

Date de la décision : Le 18 février 2023
Numéro de dossier : AD-22-656

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] T. H. est le prestataire. Il travaillait comme chauffeur d’autobus pour un réseau de transport en commun. L’employeur du prestataire l’a mis en congé sans solde le 21 novembre 2021, puis l’a licencié le 31 décembre 2021 parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[3] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[4] Le prestataire a interjeté appel à la division générale du Tribunal qui a rejeté l’appel. La division générale a décidé que la Commission avait prouvé que le prestataire était suspendu, puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Il demande maintenant à la division d’appel du Tribunal de trancher le litige. Il soutient que la division générale a manqué à l’équité procédurale, a commis des erreurs de droit et de compétence et a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[6] Je rejette l’appel. Le prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis des erreurs susceptibles de révision.

Nouveaux éléments de preuve

[7] Dans ma décision accordant au prestataire la permission d’interjeter appel, j’ai décidé que je n’accepterais pas de nouveaux éléments de preuve que le prestataire avait fournis avec sa demande de permission d’interjeter appel. Certains de ces renseignements comprenaient des hyperliens vers des renseignements sur l’immunisation au Canada et des renseignements sur les préjudices causés par la vaccinationNote de bas de page 1.

[8] Toutefois, le prestataire a précisé à son audience qu’il avait soumis ces renseignements au sujet de l’hyperlien à la division générale et il a pu les indiquer dans le dossier. Comme ces documents avaient déjà été soumis à la division générale, j’ai confirmé à l’audience que je les examineraisNote de bas de page 2.

Preuve postérieure à l’audience

[9] J’ai permis à la Commission de fournir des références jurisprudentielles après l’audience à l’appui de son argumentation selon laquelle les politiques de vaccination obligatoire ont généralement été jugées raisonnablesNote de bas de page 3. Les documents de la Commission ont été envoyés au prestataire et lui ont donné l’occasion de répondre. Le prestataire a fourni des observations en réponse et des renvois jurisprudentielsNote de bas de page 4.

[10] Toutefois, le prestataire a également joint à ses observations de nouveaux éléments de preuve, soit sa convention collective et une décision d’arbitrage d’intérêt faisant référence à sa conventionNote de bas de page 5.

[11] Dans une lettre datée du 4 janvier 2022, j’ai informé le prestataire que j’accepterais ses observations et sa jurisprudence, mais que je n’accepterais pas ses nouveaux éléments de preuve. J’ai fourni les motifs de cette décision dans la lettre.

[12] En réponse, le prestataire s’est opposé à ma décision de ne pas accepter ses nouveaux éléments de preuve Note de bas de page 6. J’accuse réception de son objection. Toutefois, j’ai déjà décidé que je n’accepterai pas ce nouvel élément de preuve et j’ai expliqué mes raisons dans ma lettre du 4 janvier 2022. Je n’ai rien d’autre à ajouter à ces raisons.

Questions en litige

[13] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle manqué à l’équité procédurale?
  2. b) La division générale a-t-elle mal appliqué le critère juridique de l’inconduite?
  3. c) La division générale a-t-elle fondé sa décision selon laquelle la Commission avait prouvé que le prestataire était suspendu et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite sur des erreurs de fait importantes ou a-t-elle négligé des éléments de preuve importants lorsqu’elle a pris cette décision?
  4. d) Si la division générale a commis l’une ou l’autre des erreurs susmentionnées, quelle devrait être la réparation?

Analyse

[14] Le prestataire soutient que la division générale a manqué à l’équité procédurale, a commis des erreurs de droit et de compétence et a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[15] Si l’un de ces types d’erreurs était établi, je pourrais intervenir dans la décision de la division généraleNote de bas de page 7.

La division générale n’a pas manqué à l’équité procédurale

[16] Le prestataire soutient que la décision de la division générale contient des opinions partialesNote de bas de page 8. Il affirme également que l’instance devant la division générale n’était pas équitable.

[17] Le prestataire soutient que, même s’il ne croit pas que l’audience elle-même était injuste, il a été surpris lorsqu’il a obtenu la décision défavorable. Il pense maintenant que le membre de la division générale tentait de l’orienter vers une certaine voie en raison des questions posées et que le membre tentait de lui soutirer des renseignements. Il croyait que le membre ne comprenait pas vraiment ce qu’il disait, à savoir qu’il avait fait un choix risque-récompense en ne se faisant pas vacciner. Il se demande si le membre a lu tous les documents de jurisprudence et de sécurité qu’il a fournis.

[18] La Commission soutient qu’il n’existe aucune preuve qui laisse entendre que la division générale avait un parti pris contre le prestataire de quelque façon que ce soit ou qu’elle n’a pas agi de façon impartiale. Il n’y a pas non plus de preuve démontrant un manquement à la justice naturelle.

[19] La division générale est un organisme décisionnel indépendant et les arbitres sont présumés impartiaux.

[20] Une allégation de partialité est une allégation grave. Selon la loi, une telle allégation ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou encore de simples impressionsNote de bas de page 9.

[21] La partialité concerne un décideur qui n’aborde pas la prise de décision avec un esprit ouvert et qui est plutôt prédisposé à tirer une conclusion en particulier. Le critère pour conclure à la partialité est exigeant. Il incombe à la partie qui prétend qu’elle existe de la prouver.

[22] Pour établir la partialité, la partie qui l’allègue doit prouver qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, en arriverait à une conclusion selon laquelle, selon toute vraisemblance, consciemment ou non, le décideur ne rendrait pas une décision justeNote de bas de page 10.

[23] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. L’enregistrement révèle que le prestataire a eu une audience complète et équitable. La membre a clairement expliqué la procédure d’audience au prestataire et lui a offert une certaine souplesse dans la façon de présenter sa cause.

[24] La membre a écouté attentivement les témoignages du prestataire et de son témoin. La membre a posé de nombreuses questions pour clarifier le témoignage et la documentation fournie par le prestataire. La membre a expliqué la position de la Commission au prestataire et a demandé sa réponse. Après avoir posé des questions, la membre a donné au prestataire l’occasion de lui dire tout ce qu’il croyait importantNote de bas de page 11. Le prestataire n’a soulevé aucune préoccupation de partialité à l’audience devant la division générale.

[25] Je ne vois aucune preuve que la membre a préjugé l’affaire ou n’a pas abordé la prise de décision en ayant l’esprit ouvert. Une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon raisonnable et pratique, n’en arriverait pas à une conclusion selon laquelle la division générale, selon toute vraisemblance, ne rendrait pas une décision juste. Il convient que le membre de la division générale pose des questions pour clarifier la preuve et comprendre la position des parties. Je ne vois aucune suggestion selon laquelle le prestataire était orienté dans une certaine direction.

[26] L’allégation du prestataire semble constituer seulement un désaccord avec le résultat. Toutefois, un tel désaccord ne suffit pas pour démontrer un parti pris.

[27] Le processus d’audience a été équitable. Le prestataire a été avisé de l’audience, a reçu les documents de la Commission avant l’audience et était donc au courant de la preuve qu’il devait réfuter. Il a également eu pleinement la possibilité de réagir à la position de la Commission.

La division générale n’a commis aucune erreur de droit ou de compétence en considérant que la question faisant l’objet de l’appel était une inconduite

[28] Le prestataire soutient qu’il n’a pas été congédié, mais qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Il affirme que la division générale a commis une erreur de droit en considérant la question comme une inconduite plutôt qu’en cherchant à déterminer s’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Il prétend que la première lettre de décision qu’il a reçue de la Commission mentionnait qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Il soutient qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[29] La division générale n’a commis aucune erreur de droit ou de compétence en considérant que la question dont elle était saisie comme une inconduite.

[30] Le prestataire a fourni à la division générale une copie d’une lettre de décision initiale de la Commission datée du 18 février 2022. Cette lettre mentionnait que la Commission avait exclu le prestataire du bénéfice des prestations à compter du 19 novembre 2021 parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 12.

[31] La Commission n’a pas déposé cette lettre de décision avec sa documentation. Elle a plutôt déposé une décision initiale datée du 9 mars 2022. Selon celle-ci, le prestataire n’était pas admissible à des prestations d’assurance-emploi à compter du 21 novembre 2021, parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 13.

[32] Je peux comprendre comment les deux lettres de décision initiale différentes ont pu prêter à confusion pour le prestataire. Toutefois, une fois que la Commission a procédé à un nouvel examen, elle a rendu une décision le 21 mars 2021. Celle-ci prévoit que le prestataire n’est pas admissible à des prestations à compter du 21 novembre 2021 parce qu’il a perdu son emploi le 19 novembre 2021 en raison d’une inconduiteNote de bas de page 14.

[33] Le prestataire a porté cette décision de réexamen en appel devant la division générale.

[34] La Loi sur l’assurance-emploi (Loi) permet l’exclusion du bénéfice des prestations si une personne a quitté volontairement son emploi sans justification ou a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 15.

[35] Ces dispositions se trouvent dans le même article de la Loi parce qu’il n’est pas toujours clair si la cessation d’emploi résulte du congédiement d’un employé pour inconduite ou de la décision de l’employé de quitter son emploi.

[36] En vertu de la loi, il est loisible à la division générale de tirer une conclusion pour l’un ou l’autre de ces motifs, lorsque le motif de cessation d’emploi n’est pas clairNote de bas de page 16.

[37] La division générale a décidé que le prestataire avait été mis en congé sans solde le 21 novembre 2021 et qu’il avait été licencié le 31 décembre 2021. La division générale a noté que le congé sans solde n’avait pas été pris volontairement par l’employé. Il était obligatoire et imposé par l’employeur pour non-conformité à sa politique.

[38] La division générale a noté que le congé sans solde était semblable à une suspension parce que le prestataire n’était pas autorisé à retourner travailler ou à continuer de travailler et a mentionné à la Commission les renseignements de l’employeur selon lesquels la non-conformité entraînerait une « suspension » sans traitement.

[39] La division générale en est arrivée à la conclusion de fait que le prestataire avait été licencié le 31 décembre 2021, d’après son témoignage, les relevés d’emploi et d’autres documents au dossierNote de bas de page 17.

[40] Dans la présente affaire, le motif de cessation d’emploi était clair. La division générale n’a été saisie d’aucune preuve indiquant que le prestataire avait volontairement pris un congé sans solde ou quitté son emploi. Toute la preuve faisait état d’une suspension et d’un licenciement.

[41] La division générale n’a donc commis aucune erreur de droit ou de compétence en considérant que la question dont elle était saisie était une question d’inconduite. Cette conclusion comportait un fondement probatoire pour ce faire.

La division générale n’a pas mal interprété ce qu’est une « inconduite »

[42] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en décidant que sa conduite était une inconduite pour les raisons suivantes :

  • La division générale n’a pas considéré que son syndicat avait déposé un grief de principe, rendant la politique illégale jusqu’à preuve du contraire.
  • La division générale n’a pas examiné si la politique violait ses droits en vertu de la Charte et d’autres lois, comme la loi sur la protection des renseignements personnels.
  • La division générale n’a pas considéré que ses droits en vertu de la Déclaration canadienne des droits avaient été violés.
  • La division générale n’a pas abordé les multiples lois et la jurisprudence qu’il avait énumérées dans ses observations.

[43] La Commission soutient que la division générale a appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite, tel qu’il est défini par la Cour d’appel fédérale.

[44] Le prestataire travaillait comme chauffeur d’autobus pour un réseau de transport en commun. C’était un travailleur syndiqué. Le prestataire a été mis en congé sans solde le 21 novembre 2021, puis a été congédié le 31 décembre 2021.

[45] La division générale devait décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu et licencié en raison d’une inconduite.

[46] La loi prévoit qu’un prestataire qui est suspendu en raison d’une inconduite n’a pas droit à des prestations avant l’expiration de la période de suspension, qu’il perde ou quitte volontairement son emploi ou qu’il accumule suffisamment d’heures d’emploi assurable auprès d’un autre employeur pour être admissible à des prestationsNote de bas de page 18.

[47] La loi prévoit également qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 19.

[48] La Loi ne définit pas le terme « inconduite ». Toutefois, la Cour d’appel fédérale a fourni une définition établie pour ce terme.

[49] La Cour d’appel fédérale définit l’« inconduite » comme une conduite délibérée, ce qui signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 20. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 21.

[50] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, le prestataire n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que ses gestes soient une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 22.

[51] La Cour d’appel fédérale a également statué qu’il existe une autre façon d’énoncer ce critère : il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible que son emploi soit à risqueNote de bas de page 23.

[52] La division générale n’a pas mal interprété ce qu’est une « inconduite » ni mal appliqué le critère juridique. La division générale a énoncé le critère juridique appropriéNote de bas de page 24. Elle a également appliqué ce critère juridique aux faits.

[53] La division générale a tenu compte du fait que l’employeur du prestataire a mis en œuvre sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 à compter du 7 septembre 2021Note de bas de page 25.

[54] La division générale a examiné les modalités de la politique. La division générale a souligné que la politique exigeait que les employés obtiennent leur premier vaccin contre la COVID-19 d’ici le 30 septembre 2021. Les employés devaient également divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 6 octobre 2021. Les employés devaient obtenir leur deuxième vaccin contre la COVID-19 d’ici le 20 novembre 2021. Selon la politique, la vaccination contre la COVID-19 est une condition préalable à l’emploi.

[55] La politique prévoyait une exemption de vaccination pour des raisons médicales ou pour des raisons liées aux droits de la personne. La division générale a tenu compte du fait que le prestataire n’avait pas demandé à son employeur de l’examiner pour une exemption quelconque, de sorte qu’il n’avait pas prouvé qu’il était exempté de la politique.

[56] La division générale a conclu que le prestataire avait été informé de la politique de l’employeur au 7 septembre 2021Note de bas de page 26.

[57] La division générale a décidé que le prestataire avait suffisamment de temps pour se conformer à la politique et a noté qu’il y avait des prolongations des délais à la suite d’une procédure d’injonction.

[58] La division générale a conclu que le prestataire savait ce qu’on attendait de lui parce que la politique lui a été communiquée pour la première fois vers le 7 septembre 2021. De plus, il avait rencontré son superviseur vers le 26 octobre 2021 et la politique lui a de nouveau été communiquée verbalement et par écrit à ce moment-là.

[59] La division générale a décidé que le prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Il a consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur parce qu’il n’était pas d’accord avec la politiqueNote de bas de page 27.

[60] La division générale a conclu que, comme le prestataire ne s’est pas conformé à la politique de son employeur sur la COVID-19 en divulguant son statut vaccinal et en étant entièrement vacciné, il a été mis en congé sans solde le 21 novembre 2021, puis a été congédié le 31 décembre 2021Note de bas de page 28.

[61] La division générale a décidé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner une suspension et un congédiement parce que les conséquences de la non-conformité lui ont été communiquées verbalement et par écrit le 26 octobre 2021Note de bas de page 29. Plus précisément, la lettre de l’employeur datée du 26 octobre 2021 indiquait clairement que si le prestataire ne se conformait pas, il serait mis en congé sans solde et congédiéNote de bas de page 30.

[62] La division générale a également accepté les renseignements de la Commission obtenus de l’employeur, selon lesquels les employés avaient été avertis des conséquencesNote de bas de page 31.

[63] La division générale a donc conclu que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu et licencié pour inconduite.

[64] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit dans sa façon d’interpréter ou d’appliquer le critère juridique de l’inconduite. La division générale a énoncé et appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite, tel qu’il est défini par la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 32.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en ne se fondant pas sur la question de savoir si la politique de l’employeur contrevenait à la convention collective

[65] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence en ne tenant pas compte du fait que la politique de l’employeur violait sa convention collective. Il soutient que puisque son syndicat avait déposé un grief de principe, la politique était illégale jusqu’à preuve du contraire. Il prétend que la non-conformité à une politique illégale ne constituait pas une inconduite.

[66] La division générale a reconnu l’argument du prestataire selon lequel la politique sur la COVID-19 était illégale, mais a déclaré qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher cet argument. La division générale a affirmé que son rôle était de décider s’il y avait une inconduite au sens de la Loi. La division générale a souligné que le recours du prestataire consistait à intenter une action devant un tribunal ou tout autre tribunal qui pourraient traiter de ses arguments, soulignant que son syndicat avait déjà déposé des griefsNote de bas de page 33.

[67] Je ne vois aucune erreur de droit ou de compétence dans cette conclusion. La division générale a décidé à juste titre qu’elle n’avait pas le pouvoir de prendre une décision selon laquelle la politique de l’employeur contrevenait à la convention collective. C’est la compétence d’un arbitre du travail. La compétence de la division générale dans cette affaire se limitait à décider si la conduite du prestataire équivalait à une inconduite au sens de la Loi.

[68] En vertu de la loi, l’inconduite comprend un manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travailNote de bas de page 34.

[69] Par conséquent, la division générale avait le pouvoir de décider, dans le contexte du critère de l’inconduite, si le respect de la politique de l’employeur sur la COVID-19 constituait une obligation expresse ou implicite de l’emploi du prestataire.

[70] La division générale n’a pas tranché cette question. La division générale a décidé que le respect de la politique de l’employeur sur la COVID-19 était une condition d’emploi du prestataire.

[71] La division générale a souligné que la politique précisait que son objectif était de prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour assurer la protection des travailleurs contre les dangers de la COVID-19, conformément aux obligations de l’employeur énoncées dans la Loi sur la santé et la sécurité au travail. De plus, la politique indiquait que la vaccination était une condition préalable à l’emploiNote de bas de page 35.

[72] La division générale a tenu compte du fait que la Commission ontarienne des droits de la personne a affirmé que le vaccin demeure volontaire, mais qu’exiger la vaccination et la présentation d’une preuve de vaccination afin de protéger les travailleurs dans un lieu de travail ou les personnes qui reçoivent des services est permis en règle générale en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, pour autant que des protections soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir une mesure d’adaptation raisonnableNote de bas de page 36.

[73] La division générale a généralement accepté que l’employeur pût choisir d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail et, dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19.

[74] La division générale a conclu que la politique est devenue une condition d’emploi du prestataire lorsqu’elle a été instaurée par l’employeur. La division générale a décidé que le prestataire a enfreint la politique lorsqu’il a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité de s’acquitter de son devoir envers l’employeurNote de bas de page 37.

[75] Selon la preuve dont la division générale a été saisie, la politique a été adoptée conformément aux obligations de l’employeur en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité au travail de prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs contre le danger de la COVID-19. La politique contenait également une disposition selon laquelle la conformité constituait une condition préalable à l’emploi.

[76] La division générale avait donc le droit de conclure, sur la foi de la preuve lui ayant été présentée, que le respect de la politique sur la COVID-19 constituait une obligation du prestataire à l’égard de son employeur. La preuve révélait qu’il existait un fondement légal pour la politique.

[77] Par ailleurs, la division générale n’a été saisie d’aucune preuve selon laquelle la politique ou une partie de celle-ci avait été jugée nulle ou non applicable au prestataire dans le cadre de l’arbitrage du travail pour le motif qu’elle a enfreint la convention collective.

[78] Le prestataire avait déposé en preuve des copies de son grief personnel et du grief de principe du syndicatNote de bas de page 38. Ils se sont référés à divers numéros d’articles de la convention collective et à diverses lois qui auraient été enfreintes par la politique.

[79] Toutefois, les griefs ne font que soulever des allégations de violation de diverses lois et de la convention collective. Il ne s’agit pas d’une preuve que l’une ou l’autre de ces allégations a été accueillie en arbitrage.

[80] Le prestataire n’a fourni aucun témoignage sur le contenu de dispositions particulières de sa convention collective qui auraient été violées, et il n’avait pas déposé sa convention collective en preuve. Il n’a pas non plus expliqué en quoi la politique de l’employeur ne satisfaisait pas aux exigences, telles qu’elles sont décrites dans le droit du travail, selon lesquelles un employeur doit adopter unilatéralement une nouvelle politique ou une nouvelle règle dans un milieu syndiquéNote de bas de page 39. Il n’y avait donc aucun fondement probatoire ni argument de fond à l’appui de la position du prestataire.

[81] Le prestataire s’appuie maintenant sur la décision AL c Commission de l’assurance-emploi du Canada dans laquelle un membre de la division générale a conclu que la Commission n’avait pas démontré que la convention collective du prestataire renfermait une obligation expresse de vaccinationNote de bas de page 40. Le membre a également décidé que la vaccination n’était pas une condition implicite de l’emploi de ce prestataire.

[82] La décision AL fait l’objet d’un appel. Cette décision portait sur les modalités précises de la convention collective. L’un des faits saillants était que la convention collective comprenait certaines dispositions particulières concernant la vaccination (en ce qui concerne le vaccin contre la grippe) et qu’elle indiquait clairement qu’il appartenait à l’employé de choisir de se faire vacciner ou non. Dans le cas du prestataire, on ignore ce que sa convention collective mentionnait au sujet de la vaccination, le cas échéant.

[83] Je ne suis pas tenue de suivre la décision AL. J’aimerais également souligner que cette décision va à l’encontre de plusieurs décisions du Tribunal selon lesquelles le défaut de se conformer à la politique d’un employeur constitue une inconduite, et ce en dépit du fond de la politiqueNote de bas de page 41.

[84] Dans une affaire récente intitulée Cecchetto v Canada (Procureur général) [Cecchetto], la Cour fédérale a confirmé que l’affaire AL était propre à ses faits et qu’elle n’établissait aucune règle générale qui s’applique à d’autres situations factuellesNote de bas de page 42.

[85] La division générale n’a pas commis d’erreurs de droit ou de compétence en ne déterminant pas si la politique de l’employeur contrevenait à la convention collective. La conclusion de la division générale selon laquelle la conformité à la politique de l’employeur sur la COVID-19 constituait une obligation du prestataire envers l’employeur était étayée par la preuve dont elle disposait.

[86] La division générale a conclu qu’une violation délibérée de la politique était cohérente avec la loi. La Cour d’appel fédérale a statué à maintes reprises qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 43.

La division générale n’était pas tenue de décider si la politique de l’employeur violait la Charte ou d’autres lois

[87] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de décider si la politique de son employeur violait la CharteNote de bas de page 44. Il affirme également que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de décider si la politique violait l’une ou l’autre des lois auxquelles il a fait référence dans ses observations à la division générale, qui comprenaient des lois sur la protection des renseignements personnelsNote de bas de page 45.

[88] Le prestataire a déposé auprès de la division générale une copie d’un « avis de responsabilité » à son employeur. Ce document faisait valoir de nombreuses prétentions concernant la légalité de la politique de l’employeur, y compris des prétentions selon lesquelles il a enfreint les articles 2, 7, 8 et 15 de la CharteNote de bas de page 46. Des copies de son grief et du grief de principe du syndicat, au dossier, alléguaient également des violations de la Charte et de diverses autres loisNote de bas de page 47.

[89] Bien que la division générale n’ait pas expressément mentionné la Charte ou ces autres lois dans sa décision, je suis convaincue que la division générale savait que le prestataire croyait que la politique de l’employeur était illégale de diverses façons et qu’il croyait que la politique de l’employeur avait violé ses droits et libertés fondamentaux.

[90] Plus précisément, la division générale a reconnu que le prestataire avait fait valoir que la politique était illégale, que l’employeur n’avait pas le droit de lui poser des questions sur son statut vaccinal, que l’employeur n’avait pas pris de mesures d’adaptation pour lui et avait commis un abus à l’égard de ses droitsNote de bas de page 48.

[91] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour trancher ces questions. Elle a affirmé qu’elle devait déterminer si la conduite du prestataire équivalait à une inconduite au sens de la Loi et que le recours du prestataire consistait à intenter une action devant un tribunal judiciaire ou tout autre tribunal administratif qui pourrait traiter de ses arguments particuliersNote de bas de page 49.

[92] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en ne décidant pas si la politique de l’employeur violait l’un ou l’autre des droits du prestataire garantis par la Charte ou par d’autres lois.

[93] La compétence de la division générale découle de la Loi. La division générale s’est limitée à décider si le prestataire a été suspendu et a été licencié en raison d’une inconduite au sens de la Loi. Une conclusion directe sur la question de savoir si la politique de l’employeur du prestataire viole la Charte ou d’autres lois relève de la compétence d’un arbitre du travail. Cela dépasse la portée du critère de l’inconduite en vertu de la Loi.

[94] La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont indiqué que la question de savoir si la politique ou la règle d’un employeur a entraîné une violation des droits de la personne d’un employé n’est pas pertinente à la question de savoir si la conduite d’un employé constitue une inconduite et qu’il existe d’autres moyens de poursuivre de tels argumentsNote de bas de page 50.

[95] De plus, dans la décision Cecchetto, la Cour fédérale a déclaré que la question de savoir si la politique ou la règle de l’employeur viole d’autres lois dépasse également la portée du critère étroit de l’inconduite prévu par la LoiNote de bas de page 51.

[96] Dans l’affaire Cecchetto, l’employeur du prestataire, un hôpital, avait exigé que les employés suivent la Directive 6, émise par le médecin hygiéniste en chef de l’Ontario. Le prestataire avait été mis en congé sans solde, puis licencié parce qu’il ne s’était pas fait vacciner ou n’avait pas fourni de résultats de tests antigéniques, comme il était tenu de le faire en vertu de la Directive 6. Il a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais n’a pas reçu de prestations, car la Commission a décidé qu’il avait été suspendu et licencié en raison d’une inconduite.

[97] La division générale avait décidé dans cette affaire que le prestataire était au courant de la politique, que son refus était délibéré et que son défaut de se conformer à la politique constituait la cause directe de son congédiement. Cela a amené la division générale à conclure que le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[98] Dans la présente affaire, le prestataire a demandé la permission d’en appeler de la décision de la division générale à la division d’appel. Il a soutenu que la division générale n’avait pas tenu compte du fait que les essais d’innocuité et d’efficacité du vaccin n’étaient pas terminés au moment du congédiement du prestataire. Faisant référence à la Déclaration canadienne des droits, il estimait être victime de discrimination pour son choix médical personnel. Il a maintenu qu’il avait le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits avaient été violés en contravention des lois canadiennes et internationales.

[99] La division d’appel a refusé la permission d’en appeler. Ce faisant, la division d’appel a noté que la division générale ne pouvait pas rendre une décision sur l’inconduite en se fondant sur les autres lois auxquelles le prestataire renvoyait, parce qu’elle était tenue d’appliquer la loi énoncée par les précédents juridiques exécutoires. La division d’appel a conclu que le fait que le prestataire puisse avoir des recours en vertu d’autres lois ne minait pas la conclusion de la division générale selon laquelle la Commission avait prouvé que l’employeur avait congédié le prestataire en raison de son inconduite et qu’il n’avait donc pas droit à des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision à la Cour fédérale.

[100] La Cour fédérale a convenu avec la division d’appel que la division générale n’avait pas compétence pour régler les types de questions soulevées par le prestataire. À cet égard, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :Note de bas de page 52

[Traduction] « Bien que le demandeur soit manifestement frustré qu’aucun des décideurs n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il soulève – par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement aux tests médicaux, l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques –, cela ne rend pas déraisonnable la décision de la division d’appel. Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loi. »

[101] La Cour fédérale a souligné que les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales que le demandeur soulevait dépassaient la portée de l’affaire et qu’il n’était pas déraisonnable pour un décideur de ne pas tenir compte d’arguments juridiques qui ne s’inscrivent pas dans la portée de son mandat juridiqueNote de bas de page 53.

[102] La Cour fédérale a ajouté que d’autres contestations étaient liées aux politiques et aux exigences juridiques rattachées à la COVID-19, dont certaines étaient toujours en cours. La Cour fédérale a noté que bon nombre de ces affaires soulèvent le genre de questions concernant les droits et libertés fondamentaux en vertu de la Charte et le fondement factuel de l’imposition d’exigences en matière de vaccination, de masque ou de couvre-visage que le demandeur avait présenté. La Cour fédérale a souligné qu’elle soutenait simplement qu’il y avait d’autres façons pour le prestataire de faire valoir adéquatement ses demandes en vertu du système de justice.

[103] Je comprends que la décision Cecchetto indique clairement que les allégations concernant la question de savoir si la politique d’un employeur viole les lois, y compris celles qui protègent les droits et libertés fondamentaux, ne relèvent pas du mandat du Tribunal, qui se limite à trancher la question de l’inconduite en vertu de la Loi. Ces autres arguments, indique la Cour fédérale, sont correctement soutenus devant d’autres tribunes.

[104] Je conclus donc que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en ne tenant pas compte de la question de savoir si la politique du prestataire a enfreint la Charte ou les autres lois qu’il croyait que la politique avait enfreintes.

[105] La décision de la division générale de se concentrer sur la question étroite qui consiste à déterminer si la Commission avait prouvé que la conduite du prestataire était une inconduite était conforme à la loi.

La division générale n’a pas commis d’erreur de droit ou de compétence en ne tenant pas compte de la question de savoir si les droits du prestataire en vertu de la Déclaration canadienne des droits avaient été violés

[106] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit ou de compétence en omettant de tenir compte du fait que ses droits prévus par la Déclaration canadienne des droits avaient été violés. Plus précisément, il affirme que la division générale aurait dû décider si ses droits prévus aux articles 1(a) et 1(b) de la Déclaration canadienne des droits ont été violés.

[107] Le prestataire a soumis une copie de la Déclaration canadienne des droits à la division généraleNote de bas de page 54. Le prestataire n’a présenté aucune observation écrite au sujet de cette loi particulière dans les documents qu’il a déposés auprès de la division générale.

[108] À l’audience, le membre de la division générale a demandé au prestataire pourquoi il avait présenté ce document. Le prestataire a expliqué qu’il estimait que son employeur avait violé ses droits prévus aux articles 1(a) et 1(b). Il a dit qu’il ne comprenait pas pourquoi les deux parties étaient si éloignées étant donné qu’il n’avait rien fait de mal. Il a dit qu’il méritait des prestations d’assurance-emploi et qu’il n’avait enfreint aucune loiNote de bas de page 55.

[109] La division générale n’a pas expressément abordé la Déclaration canadienne des droits dans sa décision. Elle n’était pas tenue de le faire.

[110] Cette loi est une loi quasi constitutionnelle qui exige que les lois fédérales soient interprétées et appliquées de manière à ne pas abroger, abréger ou enfreindre ou autoriser l’abrogation, la réduction ou la violation de l’un quelconque des droits ou de l’une quelconque des libertés reconnus dans la loiNote de bas de page 56.

[111] Bien que le prestataire ait soutenu que certaines dispositions de la Déclaration canadienne des droits s’appliquaient à lui, il n’a pas expliqué de quelle façon, en faisant référence à quelque élément de preuve que ce soit. Il n’a présenté aucune observation sur la façon dont l’inconduite devrait être interprétée compte tenu de ces droits.

[112] Son explication portait plutôt sur le fait qu’il croyait que son employeur enfreignait ses droits et sur sa conviction qu’il méritait des prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’avait violé aucune loi. Cependant, ces arguments ne se rapportent pas à la Déclaration canadienne des droits.

[113] Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne traitant pas expressément de la Déclaration canadienne des droits parce que les arguments avancés par le prestataire au sujet de cette loi ne se rapportaient pas vraiment à cette loi.

[114] Toutefois, la division générale a bien abordé le fond des arguments soulevés par le prestataire.

[115] Plus précisément, la division générale a reconnu l’argument du prestataire selon lequel son employeur enfreignait ses droits. Comme il a été mentionné précédemment, la division générale a conclu à juste titre que cette question ne relevait pas de la question qu’elle devait trancher concernant l’inconduite.

[116] La division générale a également reconnu que le prestataire n’avait pas d’intention fautive, mais a conclu que la conduite du prestataire demeurait une inconduite parce que l’employeur a instauré une politique faisant de la vaccination une condition de son emploi et qu’il a choisi de ne pas se conformerNote de bas de page 57.

[117] Cette conclusion était conforme au droit. Il n’était pas nécessaire que la conduite du prestataire soit illégale ou qu’il ait une intention fautive pour que la conduite constitue une inconduiteNote de bas de page 58.

La division générale n’était pas tenue d’aborder dans ses motifs toutes les lois et tous les cas que le prestataire a fournis

[118] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit en ne traitant pas de toutes les références de cas et de toutes les lois qu’il a fournies dans ses observationsNote de bas de page 59. Comme ces éléments n’ont pas été mentionnés dans la décision, il se demande s’ils ont été pris en considération par la division générale.

[119] Le défaut de fournir des motifs suffisants peut constituer une erreur de droit.

[120] La division générale n’est pas tenue d’aborder dans ses motifs tous les arguments dont elle est saisieNote de bas de page 60. Toutefois, les motifs de la division générale doivent être suffisamment clairs pour expliquer pourquoi une décision a été prise et fournir un fondement logique à cette décision. Les motifs doivent également tenir compte des principaux arguments des partiesNote de bas de page 61.

[121] Je suis convaincue que même si la division générale n’avait pas mentionné toutes les lois et tous les renvois particuliers que le prestataire a fournis, la division générale était consciente des questions et des arguments clés qu’il soutenait et a abordé ces arguments dans ses motifs.

[122] Dans ses motifs, la division générale a expliqué clairement pourquoi elle avait conclu que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu et congédié en raison de son inconduite. Les motifs ont fourni un fondement logique pour cette conclusion. Plus précisément, la division générale a expliqué que le prestataire avait délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur pour des raisons personnelles, sachant que la conséquence pourrait être un congé sans solde et un licenciement et que cela équivalait à une inconduite au sens de la Loi.

[123] Les principaux arguments du prestataire étaient que sa non-conformité à la politique ne constituait pas une inconduite parce qu’il croyait que la politique violait la convention collective et diverses autres lois. Il a également fait valoir que la politique de l’employeur avait enfreint ses droits. Il a soutenu qu’il avait choisi de ne pas suivre la politique de l’employeur, car il ne croyait pas que la vaccination était sécuritaire. Il a également fait valoir que son témoin, qui avait également été mis en congé et licencié pour la même raison que lui, avait reçu des prestations d’assurance-emploi.

[124] Les motifs de la division générale répondaient à ces arguments. La division générale a reconnu les préoccupations du prestataire en matière de santé au sujet du vaccin, mais a considéré que la décision du prestataire constituait une décision personnelle. La division générale a expliqué pourquoi elle ne pouvait pas tenir compte des autres arguments du prestataire concernant la légalité de la politique ou la violation de ses droits. La division générale a expliqué pourquoi la situation du prestataire était différente de celle de son témoin.

[125] La division générale n’était pas tenue d’examiner toutes les lois et tous les renvois présentés par le prestataire. Étant donné que les motifs de la division générale ont expliqué au prestataire pourquoi la division générale avait décidé que la Commission avait prouvé qu’il avait été suspendu et licencié en raison d’une inconduite et qu’elle avait répondu à ses principaux arguments, les motifs de la division générale étaient suffisants.

[126] La division générale n’a donc pas commis d’erreur de droit en fournissant des motifs insuffisants.

La division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait ni négligé des éléments de preuve clés

[127] Le prestataire soutient que la division générale a fondé sur des erreurs de fait sa décision selon laquelle la Commission avait prouvé qu’il avait été suspendu et licencié en raison d’une inconduite. Il affirme également que la division générale a négligé des éléments de preuve clés.

[128] Le prestataire soutient que la division générale :

  • A commis une erreur de fait en prétendant que l’employeur a prolongé le délai pour se conformer au vaccin en raison de l’injonction déposée par le syndicat, alors que c’était plutôt parce qu’il n’y avait pas assez d’employés qui se sont conformés.
  • A négligé le témoignage du prestataire selon lequel l’employeur a enfreint sa propre politique en disant au prestataire qu’il n’avait pas à regarder la vidéo d’éducation.
  • A négligé le témoignage du prestataire selon lequel il a offert de payer lui-même le test de dépistage.
  • N’a pas tenu compte du témoignage et des documents du prestataire selon lesquels il a pris une décision fondée sur le risque et les avantages de refuser la vaccination en raison de son examen de la documentation et du fait qu’il connaissait des personnes qui avaient subi des blessures et qui sont décédées après la vaccination.
  • A négligé le témoignage du témoin du prestataire selon lequel l’employeur avait prédéterminé de refuser toutes les exemptions et selon lequel il avait initialement dit que les tests seraient une option. Le prestataire affirme que la division générale a également négligé le reste de son témoignage, ce qui corroborait son propre témoignage.

[129] La division d’appel peut intervenir seulement dans certains types d’erreurs de fait. Elle peut intervenir lorsque la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 62.

[130] Une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire est une conclusion qui contredit carrément les éléments de preuve ou qui n’est pas étayée par ces derniersNote de bas de page 63.

[131] Les conclusions de fait tirées sans tenir compte des éléments de preuve comprendraient les circonstances où la conclusion n’était rationnellement étayée d’aucun élément de preuve ou celles où le décideur a omis de tenir raisonnablement compte d’éléments de preuve importants qui étaient contraires à sa conclusionNote de bas de page 64.

[132] Je peux supposer que la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, même si elle ne faisait pas référence à tous ses éléments. Toutefois, la division générale doit examiner des éléments de preuve importants, en particulier ceux qui contredisent ses conclusionsNote de bas de page 65.

[133] Le motif de prorogation du délai pour se conformer à la politique n’était pas pertinent pour déterminer si la conduite du prestataire équivalait à une inconduite. Donc, même si la division générale a commis une erreur au sujet de ce motif, elle n’a pas fondé sa décision sur cette erreur.

[134] La division générale n’avait pas à mentionner de preuve sur la conduite de l’employeur en disant au prestataire qu’il n’avait pas à regarder la vidéo éducative ou en omettant de lui fournir une solution de rechange au test, car cette preuve n’était pas pertinente à la question de l’inconduite en vertu de la Loi.

[135] Cela s’explique par le fait que le critère de l’inconduite ne touche pas la conduite de l’employeur, mais plutôt celle de l’employéNote de bas de page 66.

[136] La division générale n’a pas négligé le témoignage du prestataire selon lequel il a pris une décision fondée sur le risque et les avantages de refuser la vaccination en s’appuyant sur son examen de la documentation et sur le fait qu’il connaissait des personnes qui avaient subi des blessures et qui sont décédées.

[137] La division générale a noté dans sa décision que le vaccin contre la COVID-19 suscitait chez le prestataire des craintes pour sa santéNote de bas de page 67. La décision de la division générale reposait sur le fait que le prestataire a fait un choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique.

[138] Le prestataire a déposé des documents relatifs à l’innocuité et à l’efficacité du vaccin auprès de la division générale. La division générale n’a pas traité expressément de cette documentation. Elle n’avait pas à le faire. La division générale ne peut tirer de conclusions sur l’innocuité ou l’efficacité des vaccins. Cela ne relève pas de sa compétence.

[139] La compétence de la division générale dans la présente affaire se limitait à décider si la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu, puis licencié en raison d’une inconduite au sens de la Loi, comme la Cour d’appel fédérale a défini ce critèreNote de bas de page 68. La division générale a tranché cette question.

La division générale n’a négligé aucun témoignage clé du témoin du prestataire

[140] Le prestataire affirme que la division générale a négligé le témoignage de son témoin.

[141] Plus précisément, il soutient que la division générale a négligé le témoignage de son témoin selon lequel l’employeur avait préalablement déterminé de refuser toutes les exemptions. Elle aurait en outre négligé son témoignage selon lequel l’employeur avait d’abord dit que des tests seraient une option, ainsi que le reste de son témoignage qui corroborait celui du prestataire.

[142] La division générale a noté que le témoin du prestataire a témoigné qu’il occupait le même type d’emploi et qu’il avait le même employeur que le prestataire et que sa demande de prestations d’assurance-emploi avait été approuvée dans des circonstances semblables.

[143] La division générale a souligné l’existence d’un fait distinctif, c’est-à-dire que le témoin avait demandé à son employeur une exemption fondée sur des croyances, ce qu’il a rejeté. Toutefois, le prestataire n’a pas demandé d’exemption à son employeur, mais a simplement choisi de ne pas se conformer parce qu’il était en désaccord avec la politiqueNote de bas de page 69.

[144] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale pour voir si la division générale a négligé un élément clé du témoignage du témoin du prestataire ou a omis de rendre compte de l’un ou l’autre de ces éléments qui auraient pu être contraires à sa conclusion.

[145] Je résumerai les principaux points du témoignage du témoin du prestataire :Note de bas de page 70

  • Le témoin occupait le même poste et avait la même ancienneté que le prestataire. Il a été mis en congé sans solde le 21 novembre 2021, puis licencié le 31 décembre 2021 pour la même raison, soit parce qu’il n’avait pas divulgué son statut vaccinal.
  • Service Canada a approuvé sa demande d’assurance-emploi malgré son licenciement pour la même raison que le prestataire.
  • Au début, le chef de la direction de l’employeur avait promis de ne licencier personne pour un motif de statut vaccinal et les tests ont fait l’objet de discussions avec le syndicat. D’autres réseaux de transport en commun donnaient cette option, alors ils ont pensé que cela leur serait offert.
  • Il ne pensait pas faire l’objet d’un licenciement, car de nombreux messages contradictoires avaient été échangés de la part du syndicat et de la direction. Au début, le syndicat a fortement recommandé aux travailleurs de ne pas divulguer leur statut par l’entremise du portail de l’employeur, mais il a ensuite changé de cap à ce sujet. Par la suite, l’employeur s’est montré agressif et a utilisé un langage menaçant avec les employés.
  • L’employeur a modifié le délai de conformité à quelques reprises.
  • Le portail de l’employeur n’offrait pas la possibilité de ne rien divulguer. Le prestataire pense qu’il est illégal de divulguer des renseignements sur la santé. Il y a eu un piratage de sécurité, et la confidentialité de certains renseignements a été violée.
  • Il a demandé une exemption fondée sur des croyances et a essuyé un refus dans l’heure suivante. L’employeur a déclaré qu’il ne respectait pas les lignes directrices relatives à cette exemption. Il ne connaît personne qui a obtenu une exemption pour des motifs religieux, bien qu’il ait entendu dire que des membres de la direction auraient pu bénéficier d’exemptions.
  • Il s’interroge sur l’innocuité et l’efficacité des vaccins, compte tenu des renseignements de l’un des fabricants du vaccin.
  • Il a assisté à une réunion avec l’employeur avant le 20 novembre 2021. Il a alors été averti des conséquences : l’impossibilité de se présenter sur la propriété après cette date. Il a posé des questions au sujet de la possibilité de faire des tests. Il n’a obtenu aucune réponse, sinon qu’il s’agissait d’une entente conclue. Des menaces de licenciement ont été proférées après un certain délai.
  • La vaccination ne constituait pas une condition préalable à son emploi lorsqu’il a signé son contrat. La convention collective n’a pas été modifiée. Un grief individuel et un grief collectif avaient été déposés.

[146] Je ne vois aucun témoignage clé du témoin que la division générale aurait pu négliger et qui aurait pu avoir une incidence sur le résultat. La preuve concordait en grande partie avec celle du prestataire.

[147] La division générale a abordé la preuve qui allait à l’encontre de sa conclusion, soit le fait que la demande de prestations d’assurance-emploi du témoin avait été approuvée. La division générale a expliqué pourquoi elle a conclu que la situation du témoin était différente de celle du prestataire.

[148] La division générale n’avait pas à se référer au témoignage du témoin selon lequel l’employeur avait préalablement déterminé de refuser les vaccins d’exemption, étant donné que le prestataire n’avait jamais présenté de demande d’exemption. Ce fait n’était pas pertinent.

[149] Le témoignage du témoin ne contredisait pas la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa non-conformité à la politique pouvait entraîner un congé sans solde et un licenciement.

[150] Bien que le témoin ait laissé entendre qu’il y avait d’abord eu des messages contradictoires et que l’option des tests avait fait l’objet de discussions, il a confirmé qu’il avait assisté à une réunion avant le 20 novembre 2021. Il avait alors été averti des conséquences.

[151] Ce témoignage concordait avec le témoignage du prestataire selon lequel, après une rencontre avec son superviseur vers le 26 octobre 2021, il a reçu une lettre datée du 26 octobre 2021 qui expliquait les conséquences de la non-conformitéNote de bas de page 71.

[152] Je suis convaincue que la division générale n’a pas fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes et qu’elle n’a pas négligé ou mal interprété des éléments de preuve clés lorsqu’elle a rendu sa décision.

Conclusion

[153] L’appel est rejeté. La division générale n’a pas commis d’erreur qui relève des moyens d’appel autorisés.

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