Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : TH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1655

 

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : T. H.
Représentant : P. C.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (463121) datée du 21 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 21 juillet 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Date de la décision : Le 11 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1295

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu, puis a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné cette situation). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] T. H. est le prestataire dans la présente affaire. Le prestataire a travaillé comme chauffeur d’autobus pendant plus de 20 ans. L’employeur a placé le prestataire en « congé sans solde obligatoire », puis l’a congédié parce qu’il ne respectait pas sa politique de vaccination contre la COVID-19 au travailNote de bas de page 2. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a été suspendu, puis congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la décision de la Commission pour de nombreuses raisons, notamment le fait que l’employeur l’a congédié à tort, que la politique était illégale et que l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à son égardNote de bas de page 5. De plus, le prestataire a des préoccupations en matière de santé au sujet du vaccin contre la COVID-19.

Questions que je dois d’abord examiner

L’instruction de l’audience a été accélérée

[6] Cette cause devait d’abord être entendue le 31 août 2022Note de bas de page 6. Le prestataire a communiqué avec le Tribunal et a demandé que l’on accélère l’instruction de son audience en raison de difficultés financières. Par conséquent, elle a été devancée au 21 juillet 2022 pour tenir compte de sa situation particulièreNote de bas de page 7.

Le représentant du prestataire est plutôt devenu un témoin

[7] Le prestataire avait désigné son collègue/représentant syndical comme son « représentant » dans ses formulaires d’appelNote de bas de page 8.

[8] Au début de l’audience, le prestataire a expliqué que son collègue fournirait des renseignements sur ce qui s’est passé au travail et sur la façon dont sa demande de prestations d’assurance-emploi a été approuvée. Pour cette raison, le prestataire a décidé que son collègue était mieux placé pour témoigner à l’audience.

Le prestataire a présenté un document après l’audience

[9] À l’audience, le prestataire a lu une lettre que l’employeur lui a remise en octobre 2021 après une rencontre avec son superviseur. Il a présenté une copie de la lettre après l’audienceNote de bas de page 9 J’ai accepté la lettre parce qu’elle était pertinente à l’affaire. Une copie a été transmise à la Commission.

Question en litige

[10] Le prestataire a-t-il été suspendu et a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[11] Le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10.

[12] Le prestataire suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11.

[13] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 12.

[14] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux éléments. Premièrement, je dois établir pourquoi le prestataire a cessé de travailler. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[15] Je conclus que le prestataire a été mis en congé sans solde obligatoire le 21 novembre 2021 parce qu’il n’a pas respecté la politique de l’employeur sur la vaccination contre la COVID-19.

[16] Je reconnais l’argument du prestataire selon lequel le congé sans solde n’était pas de nature disciplinaire en raison de sa convention collective au travail. Toutefois, je constate que le congé sans solde n’a pas été pris volontairement par l’employé. Il était obligatoire et imposé par l’employeur pour non-conformité à sa politique.

[17] À mon avis, cela s’apparente à une suspension parce que le prestataire n’était pas autorisé à retourner au travail ou à continuer de travailler. Je note également que l’employeur a dit à la Commission que la non-conformité entraînerait une « suspension » sans traitementNote de bas de page 13.

[18] Je conclus également que le prestataire a été congédié le 31 décembre 2021. Cela concorde avec le témoignage du prestataire, les relevés d’emploi et d’autres documents versés au dossierNote de bas de page 14.

Quelle était la politique de l’employeur?

[19] L’employeur a mis en place une [traduction] « politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 » qui est entrée en vigueur le 7 septembre 2021. Une copie de cette politique mise à jourNote de bas de page 15 a été versée au dossierNote de bas de page 16.

[20] La politique indique que son objectif est de prendre toutes les précautions raisonnables dans les circonstances pour assurer la protection des travailleurs contre les dangers de la COVID-19, conformément aux obligations de l’employeur énoncées dans la Loi sur la santé et la sécurité au travailNote de bas de page 17 .

[21] La politique exige que les employés obtiennent leur première dose de vaccin contre la COVID-19 d’ici le 30 septembre 2021. Les employés doivent ensuite divulguer leur statut vaccinal au plus tard le 6 octobre 2021. Les employés doivent obtenir leur deuxième dose de vaccin contre la COVID-19 d’ici le 20 novembre 2021Note de bas de page 18.

[22] Selon la politique, la vaccination contre la COVID-19 est une condition préalable à l’emploi.

[23] L’employeur a parlé à la Commission et lui a dit que les employés devaient auparavant être « entièrement vaccinés » au plus tard le 15 octobre 2021. Ils ont toutefois affirmé que la date limite avait été repoussée à la fin d’octobre 2021 et de nouveau repoussée au 20 novembre 2021, après que le syndicat eut déposé une injonction au tribunalNote de bas de page 19.

[24] La politique prévoit également que les employés peuvent demander des mesures d’adaptation fondées sur un motif protégé en vertu du Code des droits de la personneNote de bas de page 20 de l’Ontario.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[25] L’employeur a dit à la Commission que la politique avait été communiquée aux employés lorsque le chef de la direction a publié une note le 1er septembre 2021Note de bas de page 21.

[26] Le prestataire a témoigné qu’il n’a pas reçu de note de service de l’entreprise le 1er septembre 2021, mais que la politique lui a été communiquée pour la première fois vers le 7 septembre 2021. Il a en fait vu une copie de la note de service affichée sur le guichet au travail. Il contenait un résumé de la politique. Il en a parlé à son superviseur à peu près au même moment.

[27] Je conclus que la politique a été communiquée pour la première fois au prestataire le 7 septembre 2021.

Quelles ont été les conséquences du non-respect de la politique?

[28] La politique prévoit que les employés qui ne s’y conforment pas peuvent faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 22.

[29] L’employeur a dit à la Commission que les employés avaient été prévenus que la non-conformité entraînerait une suspension sans traitement, puisun licenciement à la fin de décembre 2021Note de bas de page 23.

[30] Le prestataire a témoigné qu’il ignorait ce qui se passerait s’il ne divulguait pas son statut vaccinal à l’employeur. Il a rencontré son superviseur vers le 26 octobre 2021 et lui a dit qu’il ne divulguerait pas son statut vaccinal parce que c’était illégal.

[31] Après la rencontre avec son superviseur, le prestataire a dit qu’il avait reçu une lettre datée du 26 octobre 2021, qu’il a soumise au Tribunal. Il a reçu une autre lettre semblable le 28 octobre 2021 de l’employeur, mais il n’a pas été en mesure de la trouver à l’audience.

[32] Il est mentionné dans la lettre du 26 octobre 2021 que la politique n’est pas facultative, mais bien obligatoireNote de bas de page 24. Elle précise que s’il ne se conforme pas à la politique d’ici le 20 novembre 2021, il sera alors réputé incapable d’exercer ses fonctions et mis immédiatement en congé sans solde. Enfin, la lettre mentionne que si le prestataire ne fournit pas de preuve de deux doses de vaccination contre la COVID-19, il sera licencié avec motif valable à compter du 31 décembre 2021.

[33] Comme le prestataire ne s’est pas conformé à la politique en ne divulguant pas son statut vaccinal et en étant entièrement vacciné, il a été mis en congé sans solde à compter du 21 novembre 2021, puis congédié le 31 décembre 2021.

Y a-t-il une raison pour laquelle le prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[34] La politique prévoit des mesures d’adaptation pour les employés qui ne peuvent pas recevoir le vaccin contre la COVID-19 et qui ne sont pas entièrement vaccinés en vertu du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 25.

[35] Il est exigé dans la politique que les employés soumettent leur demande et fournissent des documents écrits et des renseignements supplémentaires sur demande (c.-à-d. des documents médicaux) à l’appui de leurs demandes de mesures d’adaptation.

[36] L’employeur a dit à la Commission que des exemptions pour les droits médicaux, religieux et de la personne étaient disponiblesNote de bas de page 26. Toutefois, ils ont noté que seules quelques exemptions médicales ont été acceptées avec unenote médicale valide d’un médecin et que la plupart des observations relatives à la religion et aux droits de la personne ont été rejetées.

[37] Le prestataire a témoigné qu’il savait que la politique prévoyait des exemptions médicales et religieuses. À son avis, l’employeur ne prenait pas au sérieux les demandes d’exemption des employés. Pour cette raison, il n’a pas demandé à l’employeur une exemption médicale ou religieuse.

S’agit-il d’une inconduite au sens de la loi — la Loi sur l’assurance-emploi?

[38] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 27. L’inconduite comprend aussi une conduite si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 28.

[39] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 29.

[40] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédié à cause de celaNote de bas de page 30.

[41] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu ou a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu ou a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 31.

[42] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[43] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée au prestataire et qu’il était au courant des dates limites pour s’y conformer. Le prestataire a eu assez de temps pour se conformer à la politique. En particulier, il y avait des prolongations des délais dans la politique pendant que le tribunal se prononçait au sujet de l’injonction.

[44] Plus précisément, la politique a été communiquée pour la première fois au prestataire vers le 7 septembre 2021. Il avait rencontré son superviseur vers le 26 octobre 2021 et la politique lui a de nouveau été communiquée verbalement et par écrit à ce moment-là. Il savait ce que l’on attendait de lui.

[45] Deuxièmement, je conclus que le prestataire a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles.

[46] Le prestataire a consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur parce qu’il n’était pas d’accord avec la politique. Je reconnais qu’il n’avait pas d’intention fautive, mais qu’il s’agissait d’une inconduite parce que l’employeur a instauré une politique faisant de la vaccination une condition de son emploi et qu’il a choisi de ne pas se conformer.

[47] Il a fait un choix voulu. Le tribunal a déjà déclaré qu’une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 32.

[48] Troisièmement, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas se conformer à la politique mènerait à un congé sans solde, à une suspension et à un congédiement.

[49] Les conséquences de la non-conformité lui ont été communiquées verbalement et par écrit le 26 octobre 2021, plus précisément les congés sans solde et le congédiement.

[50] Je reconnais que le prestataire n’a pas reçu de copie de la politique de son employeur. Cependant, je n’ai pas été convaincue qu’il ignorait que cela entraînerait sa suspension et son congédiement. La lettre datée du 26 octobre 2021 après la rencontre avec le superviseur indique clairement que s’il ne se conforme pas, il sera mis en congé sans solde et congédiéNote de bas de page 33.

[51] J’ai également examiné la discussion de l’employeur avec la Commission au cours de laquelle il a dit que les employés avaient été avertis des conséquencesNote de bas de page 34.

[52] Quatrièmement, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique. Le prestataire a confirmé qu’il n’avait demandé aucune exemption à l’employeur.

[53] La Commission ontarienne des droits de la personne a affirmé que le vaccin demeure volontaire, mais qu’exiger la vaccination et la présentation d’une preuve de vaccination afin de protéger les travailleurs dans un lieu de travail ou les personnes qui reçoivent des services est permis en règle générale en vertu du Code des droits de la personne de l’OntarioNote de bas de page 35, pour autant que des protections soient mises en place pour veiller à ce que les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons protégées par le Code puissent obtenir une mesure d’adaptation raisonnableNote de bas de page 36.

[54] Le témoin du prestataire a déclaré qu’il a le même emploi et le même employeur que le prestataire. Sa demande de prestations d’assurance-emploi avait été approuvée dans des circonstances semblables. Toutefois, je note qu’il existe un fait distinctif : il avait demandé à son employeur une exemption fondée sur des croyances, ce que l’employeur a rejeté. Dans la présente affaire, le prestataire n’a pas demandé d’exemption à son employeur, mais a simplement choisi de ne pas se conformer parce qu’il était en désaccord avec la politique.

[55] Enfin, je reconnais généralement que l’employeur peut décider d’établir et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. C’est donc devenu une condition de son emploi lorsqu’ils ont instauré la politique. Le prestataire a enfreint la politique lorsqu’il a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité de s’acquitter de son devoir envers l’employeur.

[56] La Loi a pour objectif d’indemniser des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail. La perte d’emploi doit être involontaireNote de bas de page 37. Dans la présente affaire, la perte d’emploi n’était pas involontaire parce que ce sont les actes du prestataire qui ont mené à son congé sans solde et à son congédiement.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[57] Le prestataire a soulevé d’autres arguments pour étayer sa thèse. En voici quelques-uns :

  1. a) L’employeur l’a congédié à tort.
  2. b) L’employeur n’avait pas le droit de lui poser des questions sur son statut vaccinal.
  3. c) La politique était illégale.
  4. d) Le vaccin contre la COVID-19 a des effets secondaires.
  5. e) L’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation pour lui.
  6. f) L’employeur a violé ses droits.
  7. g) Il était un employé modèle et n’a enfreint aucune loi.

[58] La cour a affirmé que le Tribunal ne peut pas décider si le congédiement ou la sanction était justifié. Il doit décider si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 38. J’ai déjà conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi.

[59] Je prends note des arguments supplémentaires du prestataire, mais je n’ai pas le pouvoir de les trancher. Le recours du prestataire consiste à intenter une action en justice, ou de s’adresser à tout autre tribunal qui pourrait traiter ses arguments particuliers.

[60] Le prestataire a fait remarquer que le syndicat a déjà déposé des griefs. La date de l’arbitrage est fixée en août 2022.

Conclusion

[61] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Ce choix a donné lieu à un résultat indésirable, soit un congé sans solde obligatoire et un congédiement.

[62] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[63] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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