Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1642

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. G.
Représentante ou représentant : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (453324) datée du 17 février 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 mai 2022
Personnes présentes à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 17 juin 2022
Numéro de dossier : GE-22-992

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné son congédiement). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur. La politique exigeait qu’il soit vacciné contre la COVID-19 et qu’il divulgue son statut vaccinal. Le prestataire a d’abord refusé de divulguer son statut vaccinal. Plus tard, il a dit à son employeur qu’il n’était pas vacciné et qu’il n’avait pas l’intention de se faire vacciner. Par conséquent, l’employeur l’a congédié.

[4] La Commission a conclu que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[5] Le prestataire affirme qu’il ne devrait pas être forcé de divulguer ses renseignements médicaux personnels ni de se faire vacciner. Il ajoute que l’employeur n’a offert aucune option autre que la vaccination et qu’il n’était pas tenu de mettre en place une politique aussi restrictive. Le prestataire a depuis été réintégré dans son emploi. L’employeur a émis un nouveau relevé d’emploi.

Question que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Le Tribunal a entrevu la possibilité d’ajouter l’ancien employeur du prestataire comme partie mise en cause dans l’appel. Le Tribunal lui a fait parvenir une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être ajouté comme partie mise en cause. En date de la présente décision, l’employeur n’a pas répondu à la lettre. Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas l’ajouter comme partie mise en cause.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestationsNote de bas de page 2.

[9] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[10] Les deux parties conviennent que le prestataire a été congédié parce qu’il a choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur qui exigeait qu’il se fasse vacciner contre la COVID-19. Je ne vois aucune preuve du contraire, je reconnais donc ce fait.

[11] Le prestataire a déclaré qu’il a été réintégré dans son poste le 6 juin 2022 à la suite d’un grief déposé par son syndicat. Le prestataire a affirmé que, dans le cadre de l’entente conclue au sujet de son retour au travail, l’employeur a produit un nouveau relevé d’emploi.

[12] Le prestataire a dit que le règlement de grief n’était pas rétroactif et qu’il ne comprenait pas de contrepartie portant sur un versement rétroactif (paiement de son salaire pendant qu’il était en congé).

[13] L’employeur a produit un relevé d’emploi le 21 septembre 2021. Le relevé d’emploi indiquait la raison suivante : congédiement. Un relevé d’emploi modifié a été produit le 3 mai 2022. Ce dernier indiquait la raison suivante : congé.

[14] Je pense que le relevé d’emploi modifié n’est pas pertinent pour répondre à la question de savoir pourquoi le prestataire a perdu son emploi. Malgré la nouvelle raison indiquée sur le relevé d’emploi modifié, le fait est que le prestataire n’était pas en congé depuis le 15 septembre 2021. Il a confirmé à l’audience qu’il avait déjà été congédié de son emploi à ce moment-là.

La raison de son congédiement est-elle une inconduite selon la loi?

[15] La raison du congédiement du prestataire est une inconduite selon la loi.

[16] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 6.

[18] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire savait qu’il devait se conformer à la politique de l’employeur pour continuer de travailler. Le prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner. Ce faisant, il a volontairement choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur.

[20] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu inconduite pour plusieurs raisons.

[21] Premièrement, il n’était pas bien informé de la politique jusqu’à ce qu’elle soit mise en place. Il était occupé à travailler lorsque l’employeur a envoyé des courriels pour aviser le personnel de la politique. Il a reçu ces courriels, mais il ne leur a pas accordé beaucoup d’attention. L’employeur a également tenu une réunion obligatoire pour annoncer la politique, mais le prestataire était en vacances cette semaine-là. Une personne avec qui il travaillait l’a appelé pendant qu’il était en vacances et lui a dit que l’employeur avait [traduction] « devancé la date limite pour recevoir les doses du vaccin » et qu’il [traduction] « devait les avoir maintenant ». Lorsqu’il est retourné au travail, il n’a pas pu entrer sur son lieu de travail parce qu’il a refusé de divulguer son statut vaccinal.

[22] Deuxièmement, la politique de l’employeur allait trop loin en exigeant que le personnel soit vacciné. Il affirme que la loi n’exigeait pas que l’employeur mette en place une politique aussi restrictive. De plus, la politique ne prévoyait aucune autre option, comme le dépistage.

[23] Troisièmement, il ne devrait pas avoir à divulguer ses renseignements médicaux personnels à son employeur. Il affirme qu’il s’agit d’une violation de sa vie privée et d’une demande illégale.

[24] Le prestataire travaillait comme enseignant dans un collège. En septembre 2021, l’employeur a mis en place une politique qui exigeait que le personnel soit vacciné contre la COVID-19. Le personnel devait recevoir une première dose au plus tard le 7 septembre 2021 et être entièrement vacciné au plus tard à la fin d’octobre 2021Note de bas de page 8.

[25] Le prestataire a déclaré qu’il était occupé au travail en août 2021. Il a dû déménager son atelier, ce qui lui a pris beaucoup de temps. Il savait que l’employeur avait envoyé des courriels au sujet de la nouvelle politique de vaccination, mais il n’a pas eu le temps de les lire. Ses collègues lui ont dit que les membres du personnel devaient se faire vacciner ou sans quoi ils pourraient perdre leur emploiNote de bas de page 9.

[26] Après avoir terminé le déménagement de son atelier à la fin du mois d’août 2021, il est parti en vacances avant le début de l’année scolaire. Une personne avec qui il travaillait l’a appelé le vendredi précédant son retour au travail. Cette personne lui a dit que l’employeur avait devancé la date limite pour se conformer à la politique de vaccination, et que les membres du personnel devaient avoir leurs doses immédiatement.

[27] Le prestataire est retourné au travail le 7 septembre 2021. Avant d’entrer sur son lieu de travail, il devait remplir un questionnaire de dépistage de la COVID-19. Dans le questionnaire, une question portait sur le statut vaccinal. Le prestataire a choisi de ne pas divulguer son statut vaccinal, donc on l’a empêché d’aller sur le campus.

[28] Le prestataire a appelé son gestionnaire pour lui dire qu’il ne pouvait pas entrer sur son lieu de travail parce qu’il n’avait pas divulgué son statut vaccinal. Son gestionnaire lui a dit de rentrer chez lui et d’attendre que les ressources humaines communiquent avec lui.

[29] Le prestataire a rencontré une personne des ressources humaines et la partie syndicale le 15 septembre 2021. À la rencontre, on lui a demandé pourquoi il refusait de divulguer son statut vaccinal. Il a dit qu’il était libre de faire ses choix médicaux et qu’il avait le droit à la vie privée. Cependant, il a déclaré qu’il sentait qu’il devait divulguer son statut vaccinal. Il a donc informé l’employeur qu’il n’était pas vacciné et qu’il n’avait pas l’intention de se faire vacciner.

[30] Lors de la rencontre, la personne des ressources humaines a demandé au prestataire s’il pouvait travailler de la maison à la place. Le prestataire a répondu que ses fonctions ne lui permettaient pas de travailler de la maison. Comme il est enseignant, il devait être sur le campus pour enseigner.

[31] Après la rencontre, l’employeur a envoyé un courriel au prestataire. Le courriel indiquait que l’employeur lui donnait [traduction] « une dernière chance de se conformer à la politique ». Le prestataire devait confirmer qu’il avait reçu au moins une dose d’un vaccin approuvé, puis il devait fournir un engagement écrit selon lequel il se ferait entièrement vacciner conformément à la politique de l’employeur. L’employeur a dit que le prestataire pouvait présenter ces documents dans les trois jours suivants et que, le cas échéant, il envisagerait de le réintégrer dans son posteNote de bas de page 10.

[32] Le prestataire a dit qu’il n’avait pas répondu au courriel de l’employeur. Deux semaines plus tard, l’employeur a communiqué avec le prestataire pour mettre fin à son emploi.

[33] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite.

[34] Le prestataire a été informé de la politique de l’employeur en septembre 2021. Il a volontairement et consciemment choisi de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19, même si la politique exigeait qu’il soit vacciné. La preuve montre clairement qu’il savait que le non-respect de la politique pouvait entraîner la perte de son emploi.

[35] Le prestataire a dit qu’il n’avait pas été directement informé de la politique de vaccination de l’employeur. Il a reconnu que l’employeur lui avait envoyé des courriels à ce sujet, mais il n’avait pas porté attention à ces courriels en raison de sa lourde charge de travail. L’employeur a également tenu une réunion obligatoire pour annoncer la politique, mais le prestataire était en vacances à ce moment-là. Toutefois, le prestataire a confirmé qu’il savait que l’employeur allait mettre en place une politique de vaccination. De plus, une personne avec qui il travaillait l’avait [traduction] « averti » qu’il devait se faire vacciner avant son retour au travail prévu le 7 septembre 2021.

[36] De plus, le prestataire a pris connaissance des exigences de la politique après s’être fait refuser l’accès à son lieu de travail le 7 septembre 2021. Il a parlé à son gestionnaire, qui lui a dit qu’il ne pouvait pas se rendre sur le campus sans divulguer son statut vaccinal. Une rencontre a eu lieu avec l’employeur le 15 septembre 2021. Au cours de cette rencontre, le prestataire a été informé qu’il devait divulguer son statut vaccinal et se faire vacciner contre la COVID-19 pour continuer de travailler.

[37] À la lumière de ces éléments de preuve, je suis convaincue que le prestataire a été informé de la politique de l’employeur et qu’il savait que son non-respect pouvait entraîner la perte de son emploi.

[38] Le prestataire avait compris qu’il devait se faire vacciner pour continuer de travailler. C’est ce que l’employeur lui a dit lors de la rencontre qui a eu lieu le 15 septembre 2021. S’il avait eu l’intention de se conformer à la politique, le prestataire aurait pu en faire part à son employeur lors de cette rencontre. Le prestataire a plutôt clairement affirmé qu’il n’avait pas l’intention de se faire vacciner contre la COVID-19.

[39] Après la rencontre, le prestataire a eu une autre chance de se conformer à la politique de l’employeur. L’employeur lui a accordé plus de temps pour recevoir sa première dose du vaccin contre la COVID-19 et pour rédiger une lettre exprimant son engagement à être entièrement vacciné, comme l’exigeait la politique de vaccination. Le prestataire pouvait choisir de se conformer à la politique de l’employeur à ce moment-là, mais il a délibérément choisi de ne pas le faire.

[40] À la lumière de ces éléments de preuve, je suis convaincue que le prestataire a agi de manière délibérée lorsqu’il a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

[41] Le prestataire a soutenu que la politique de l’employeur violait son droit à la vie privée. Il ne devrait pas avoir à divulguer ses renseignements médicaux à son employeur. Il soutient également que la politique de l’employeur allait trop loin en exigeant qu’il soit vacciné. L’employeur aurait pu offrir des options autres que la vaccination, par exemple le dépistage.

[42] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, y compris le pouvoir d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques en milieu de travail. Lorsque l’employeur a mis en œuvre cette politique, elle est devenue une exigence pour tous les employés ainsi qu’une condition d’emploi du prestataire.

[43] Je comprends les préoccupations du prestataire quant au fait qu’aucune option autre que la vaccination n’était envisagée dans la politique de l’employeur. Je reconnais qu’il n’est pas d’accord avec la politique de l’employeur et qu’il estime que la perte de son emploi était injustifiée. Cependant, je n’ai pas le pouvoir de décider si l’employeur a porté atteinte à ses droits en le congédiant.

[44] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’un employeur est raisonnable ou si le congédiement d’une partie prestataire est justifié. Le Tribunal doit décider si la façon d’agir de la partie prestataire constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 11.

Alors, le prestataire a-t-il été congédié en raison d’une inconduite?

[45] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite.

Conclusion

[46] La Commission a prouvé que le prestataire a été congédié en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[47] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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