Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1653

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (485039) datée du 18 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2205

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 7 novembre 2021, parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie prestataire doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était disponible pour travailler. La prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était disponible pour travailler.

[5] La Commission affirme que la prestataire était une infirmière ayant perdu son emploi parce qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner. La Commission dit qu’en choisissant de ne pas se faire vacciner, la prestataire a établi une condition personnelle ayant fortement limité ses chances de trouver un nouvel emploi.

[6] La prestataire a confirmé qu’elle n’est toujours pas vaccinée, mais qu’elle doit trouver un nouvel emploi et qu’elle a fait des démarches en ce sens. Elle dit que les employeurs avec lesquels elle a communiqué exigeaient la vaccination ou n’ont en aucune façon donné suite à ses communications. Elle affirme être demeurée disponible pour travailler pendant toute sa période d’inadmissibilité.

Question en litige

[7] La prestataire était-elle disponible pour travailler?

Analyse

[8] Deux articles de loi exigent que la partie prestataire démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que la prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Cette dernière doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[9] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur lassurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie prestataire doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[11] La Commission a établi que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[12] Je vais maintenant examiner ces deux articles pour décider si la prestataire est ou était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[13] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de la prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois vérifier si ces démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, la prestataire doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[14] Je dois aussi évaluer les démarches que la prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 6 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emplois en ligne ou auprès de bureaux de placement;
  • communiquer avec des employeurs éventuels;
  • présenter des demandes d’emploi.

[15] La Commission a souligné qu’elle avait déclaré la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi conformément à l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi et au Règlement sur l’assurance-emploi. Toutefois, ses observations portaient exclusivement sur la question de l’établissement par la prestataire d’une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de trouver un emploi.

[16] Il n’y a aucune preuve indiquant que la Commission a interrogé la prestataire concernant ses démarches de recherche d’emploi.

[17] La prestataire a dit à la Commission qu’elle cherchait du travail et il ressort du dossier que la Commission a accepté cette déclaration sans poser de question. Même dans ses observations, la Commission admet que la prestataire avait le désir de trouver du travail et reconnaît qu’elle a fait des démarches en ce sens.

[18] À aucun moment, la Commission n’a demandé à la prestataire de prouver qu’elle avait fait ces démarches pour trouver du travail, ou tenté d’évaluer si ses tentatives étaient suffisantes pour démontrer sa disponibilité. La Commission n’a présenté aucune preuve appuyant la conclusion selon laquelle la prestataire n’a pas fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[19] Dans son témoignage, la prestataire affirme avoir fait des recherches dans une banque d’emplois en ligne et avoir postulé jusqu’à 20 emplois, mais qu’elle n’a pas réussi à en obtenir un. Elle a présumé que le fait qu’elle n’était toujours pas vaccinée était la raison pour laquelle elle n’avait pas reçu d’appels ni d’invitations à une entrevue.

[20] Je suis convaincue qu’en l’absence de preuve du contraire, la prestataire a répondu à l’exigence selon laquelle elle devait faire des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[21] C’est pourquoi je conclus que la prestataire n’est pas inadmissible au titre de l’article 50 de la Loi sur l’assurance-emploi, conformément au Règlement sur l’assurance-emploi.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[22] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 7 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Elle a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle a évité d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[23] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de la prestataireNote de bas de page 8.

Vouloir retourner travailler

[24] La prestataire a montré qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert.

[25] Je conclus que la prestataire a manifesté le désir de retourner sur le marché du travail dès que possible.

[26] Dans son témoignage, la prestataire a déclaré qu’après avoir été congédiée de son emploi, elle a postulé des postes dans le secteur médical et dans d’autres domaines. Elle dit qu’elle doit trouver du travail pour subvenir à ses besoins.

[27] La Commission a reconnu que la prestataire avait bel et bien le désir de retourner sur le marché du travail, et ne présente aucun élément de preuve qui supposerait le contraire. La Commission n’a fait aucune observation qui mènerait à une conclusion différente.

[28] Par conséquent, je suis convaincu que la prestataire avait toujours le désir de trouver un nouvel emploi, ce qu’elle a démontré par ses démarches pour trouver du travail.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[29] La prestataire a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.

[30] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci-dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas de page 9.

[31] Les démarches de la prestataire pour trouver un nouvel emploi comprenaient l’utilisation d’une banque d’emplois en ligne pour trouver et évaluer les postes affichés. Elle a déclaré qu’elle avait postulé de nombreux emplois, mais en ne réussissant tout simplement pas à en trouver un. J’ai expliqué ces raisons ci-dessus lorsque j’ai examiné si la prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[32] Encore une fois, la Commission a reconnu les démarches de la prestataire pour trouver un nouvel emploi dans ses observations. Elle ne conteste pas le fait que les démarches de la prestataire étaient insuffisantes et qu’elles n’étaient pas suffisamment axées sur la recherche d’un emploi convenable. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Commission n’a jamais demandé à la prestataire de prouver ses démarches de recherche d’emploi.

[33] D’après son témoignage, je suis convaincu que les démarches de la prestataire étaient suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[34] Je conclus que la prestataire a bel et bien établi des conditions personnelles qui ont limité indûment ses chances de retourner travailler.

[35] La Commission affirme que la prestataire a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19. Elle soutient que, comme la prestataire travaillait dans le domaine des soins de santé, ne pas être vaccinée constituerait un obstacle important à la recherche d’un emploi dans son domaine. La Commission affirme que tout employeur dans l’industrie des soins de santé exigerait très probablement que tous les membres de son personnel soient vaccinés, qu’ils soient à son service actuellement ou nouvellement embauchés.

[36] La Commission a conclu que la décision de la prestataire de ne pas se faire vacciner établissait une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de trouver un nouvel emploi.

[37] La requérante était infirmière en milieu hospitalier. Elle a été congédiée de son emploi parce qu’elle ne respectait pas la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. La prestataire affirme que sa décision de ne pas se faire vacciner est fondée sur ses préoccupations en matière de santé. Elle dit avoir déjà eu une réaction grave au vaccin contre la grippe et que sa médecin lui a déconseillé de le recevoir à l’avenir. La prestataire affirme qu’elle était très préoccupée par ce qui pourrait arriver si elle se faisait vacciner contre la COVID-19. Dans ses observations et son témoignage, elle a confirmé que sa médecin ne lui avait pas accordé d’exemption pour le vaccin contre la COVID-19 parce qu’elle ne répondait pas aux critères établis pour être admissible à une telle exemption. Lors de son témoignage, elle a confirmé qu’elle n’était toujours pas vaccinée.

[38] Dans son témoignage, la prestataire a expliqué qu’elle avait postulé au moins 20 emplois. Elle a précisé qu’il s’agissait, pour la plupart, d’emplois du domaine médical ou en lien avec celui-ci, comme celui d’infirmière ou d’infirmier, d’adjointe ou d’adjoint médical, de réceptionniste dans un bureau de chiropractie et d’emplois connexes dans des cliniques.

[39] La prestataire a admis que, pour l’essentiel, elle limitait sa recherche à des emplois ayant un lien médical; il serait donc raisonnable de s’attendre à ce que ces employeurs tiennent à la vaccination. Compte tenu de ces connaissances, la prestataire n’a pas démontré qu’elle a tenté d’élargir sa recherche à des emplois autres que ceux liés au domaine médical qui pourraient avoir des exigences de vaccination moins strictes.

[40] Je suis convaincu que le choix de la prestataire de ne pas se faire vacciner a établi une condition personnelle qui a limité indûment ses chances de trouver un emploi convenable dans son domaine. De plus, je suis convaincu que la prestataire a concentré ses recherches sur des emplois liés à la santé en sachant très bien qu’ils nécessiteraient probablement la vaccination, ce qui a limité davantage ses chances de trouver un emploi.

[41] Étant donné les attentes élevées du domaine médical en matière de vaccination, il aurait été raisonnable de chercher un emploi dans d’autres secteurs d’emploi qui pourraient offrir une plus grande souplesse à cet égard.

[42] Je comprends les préoccupations de la prestataire concernant sa santé. J’admets que, comme le vaccin contre la COVID-19 n’est pas une exigence prévue par la loi, elle a le droit de choisir de le recevoir ou non.

[43] Cependant, il est tout à fait évident que pendant une pandémie mondiale (celle de la COVID-19), il était très probable que bon nombre d’employeurs, sinon la plupart, allaient chercher à préserver la santé et la sécurité de leur personnel en exigeant la vaccination ou une exemption autorisée.

[44] Ainsi, lorsque la prestataire a pris la décision de ne pas se faire vacciner en sachant que cela limiterait probablement sérieusement ses chances de trouver un emploi futur, elle a presque garanti que le fardeau (à savoir les prestations d’assurance-emploi payables) de sa décision personnelle serait assumé par les autres personnes cotisant au régime d’assurance-emploi.

[45] Même si la prestataire peut avoir une très bonne raison personnelle de ne pas se faire vacciner, la situation a néanmoins établi une restriction ayant indûment limité sa disponibilité pour le travail compte tenu des circonstances entourant la COVID-19 et des attentes des employeurs en matière de vaccination. La prestataire ne peut pas s’attendre à ce que les autres personnes qui cotisent au régime d’assurance-emploi portent le fardeau financier de sa décision personnelle.

Alors, la prestataire était-elle capable de travailler et disponible pour le faire?

[46] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[47] L’appel est rejeté.

[48] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était disponible pour travailler au sens de la loi.

[49] Toutefois, la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations seulement au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas disponible. Selon ma conclusion ci-dessus, il n’y a pas d’inadmissibilité au titre de l’article 50(8) de la Loi.

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