Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1654

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (467745) datée du 18 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Mark Leonard
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 5 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2206

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’elle a fait une chose répréhensible qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, la prestataire n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. L’employeur de la prestataire affirme que celle-ci a été congédiée parce qu’elle a décidé de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 contrairement à sa politique.

[4] Bien que la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme que son choix de ne pas se faire vacciner n’est pas une inconduite, indépendamment de la politique de son employeur.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une partie prestataire ne peut pas obtenir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison de son inconduite. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 2.

[8] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[9] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner et qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur.

[10] La Commission affirme que la prestataire a été congédiée le 7 octobre 2021 pour non-conformité à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Aucune lettre de licenciement n’a été fournie par la Commission à l’appui du motif du congédiement. Toutefois, les échanges entre la Commission et l’employeur confirment que la prestataire a été congédiée pour non-conformité à la politique.

[11] La prestataire ne conteste pas avoir été congédiée parce qu’elle ne s’est pas fait vacciner dans le délai prévu par la politique de l’employeur. Elle n’a pas donné d’autre raison pouvant expliquer pourquoi elle a été congédiée. J’accepte donc que la raison de son congédiement était la non-conformité à la politique de l’employeur.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[12] La raison du congédiement de la prestataire n’est pas une inconduite selon la loi.

[13] La Loi sur lassurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de la prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[14] Il y a trois éléments que la Commission doit corroborer pour établir que les gestes posés par la prestataire constituent une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

[15] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite :

  • La conduite doit être délibérée, c’est-à-dire qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 4. Pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 5.
  • Il doit y avoir un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travailNote de bas de page 6.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 7.

[16] La loi ne dit pas que je dois tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comportéNote de bas de page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela équivaut à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[17] Je peux trancher seulement les questions auxquelles la Loi sur l’assurance-emploi s’applique. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à la prestataire. Il ne m’appartient pas de décider si son employeur l’a injustement congédiée ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[18] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 11.

[19] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur a créé une politique de vaccination.
  • L’employeur a avisé la prestataire de ses attentes concernant la vaccination.
  • L’employeur a envoyé un courriel à la prestataire pour lui communiquer ses attentes.
  • La décision de la prestataire de ne pas se faire vacciner était un choix personnel et intentionnel.
  • Les gestes de la prestataire constituaient un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail.
  • La prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle perdrait son emploi si elle ne se conformait pas à la politique de l’employeur en ne se faisant pas vacciner.

[20] La prestataire soutient qu’il n’y a pas eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Sa décision de ne pas se faire vacciner était une décision personnelle fondée sur une réaction grave qu’elle avait eue au vaccin contre la grippe.
  • La politique de vaccination de l’employeur était injuste et contraire à la loi.
  • Elle s’est conformée à tous les protocoles relatifs à la COVID-19 qui existaient avant la politique de vaccination.

[21] La Commission a décidé que la prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a fixé une exclusion à compter du 7 novembre 2021.

[22] L’exclusion est considérée comme une forme de « punition » d’un comportement indésirableNote de bas de page 12.

Manquement à une obligation découlant expressément ou implicitement de son contrat de travail

[23] J’estime que la Commission n’a pas prouvé qu’il y a eu inconduite parce qu’elle n’a pas démontré l’existence, pour la prestataire, d’une obligation de se faire vacciner découlant expressément ou implicitement découlant de son contrat de travail.

[24] La Commission soutient qu’il y a eu manquement à une obligation découlant expressément ou implicitement du contrat de travail de la prestataire. Il s’agit de l’un des trois éléments que la Commission doit prouver pour conclure à une inconduite.

[25] Un contrat de travail n’est rien d’autre qu’un contrat. Il s’agit d’une entente qui précise les obligations que les deux parties ont l’une envers l’autre. Ni l’une ni l’autre ne peut imposer unilatéralement de nouvelles conditions à la convention collective sans accord de l’autre partie. La seule exception à cette règle serait une obligation découlant de la loi.

[26] La Commission a déposé une copie de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[27] La politique de vaccination de l’employeur précise que tous les membres du personnel devaient recevoir une première dose de vaccin contre la COVID-19 au plus tard le 22 septembre 2021, ou fournir une exemption médicale ou une exemption aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. On mettrait fin à l’emploi des personnes n’ayant pas reçu une première dose au plus tard le 7 octobre 2021. La politique n’offre aucune alternative à la vaccination, comme la poursuite des tests pour les personnes non vaccinées.

[28] La Commission affirme que la prestataire a choisi de façon délibérée de ne pas se conformer à la politique de vaccination de l’employeur. Selon la Commission, la prestataire savait ou aurait dû savoir que le fait de ne pas se faire vacciner entraînerait son congédiement. La Commission fait valoir qu’il doit exister un lien de causalité entre l’« inconduite » et la situation d’emploi, et conclut que l’« inconduite » doit constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail. Elle cite une décision de la Cour d’appel fédérale à l’appui de sa conclusion d’inconduiteNote de bas de page 13.

[29] La prestataire a déclaré et témoigné qu’elle ne s’est pas fait vacciner parce qu’elle avait eu une réaction grave à un vaccin antérieur contre la grippe. Elle était très préoccupée par l’effet d’une réaction au vaccin contre la COVID-19 sur sa santé. Sa médecin avait déjà confirmé dans une note qu’elle ne devrait plus se faire vacciner contre la grippeNote de bas de page 14.

[30] La prestataire a dit que sa médecin avait proposé de lui fournir une exemption à la vaccination contre la COVID-19, mais qu’elle n’en avait pas demandé une parce qu’elle ne pensait pas en avoir besoin. Par la suite, lorsque la prestataire a de nouveau demandé une exemption à la médecin, celle-ci a refusé de l’accorder parce qu’elle ne répondait pas aux critères d’admissibilité à l’exemption de l’autorité de santé publique.

[31] La prestataire dit avoir respecté tous les protocoles de l’employeur concernant la COVID-19 qui existaient avant la mise en œuvre de la politique de vaccination. Elle a affirmé qu’elle était prête à continuer de les respecter pour conserver son emploi. Peu de temps après la mise en place de la politique de vaccination, la prestataire a consulté sa médecin au sujet de ses problèmes de santé et a obtenu un certificat médical. Pendant son congé de maladie, la prestataire a reçu son avis de congédiement par la poste le 7 octobre 2021.

[32] La prestataire a admis avoir reçu la politique par courriel pendant qu’elle était en congé. Elle en connaissait le contenu, y compris la conséquence ultime, soit le congédiement, si elle décidait de ne pas se faire vacciner. Je suis convaincu que la prestataire était au courant des exigences de la politique et des conséquences de la non-conformité et qu’elle les comprenait. Elle ne conteste pas sa non-conformité à la politique de l’employeur. Elle conteste l’existence d’une obligation de vaccination découlant de son contrat de travail.

Y a-t-il une obligation résultant expressément du contrat de travail de la prestataire?

[33] J’estime que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une obligation résultant expressément du contrat de travail et qui appuierait la prémisse selon laquelle la prestataire était tenue de se faire vacciner contre la COVID-19.

[34] Une obligation expresse (explicite) est un énoncé formel qui se trouve dans un contrat de travail, ou bien une notion d’une nature si fondamentale qu’elle est évidente en soi. En d’autres mots, le contrat de travail devrait contenir une exigence explicite de vaccination contre des affections précises, que la prestataire ou son équipe de négociation aurait acceptée au moment de son embauche ou plus tard au cours de son emploi, avant le congédiement.

[35] La prestataire travaillait comme infirmière dans un hôpital. Elle a confirmé qu’elle était syndiquée et travaillait aux termes d’une convention collective. Elle a fait valoir que celle-ci ne contient aucune disposition exigeant qu’elle soit vaccinée contre la COVID-19. Elle affirme ne jamais avoir accepté de se faire vacciner.

[36] La Commission a déposé une copie de la politique de vaccination de l’employeur. De plus, elle soutient que la non-conformité à la politique constitue un manquement à une obligation envers l’employeur résultant du contrat de travail.

[37] La Commission n’a pas présenté de copie d’un contrat de travail. En tant qu’employée syndiquée et représentée, la prestataire travaillait selon les dispositions d’une convention collective négociée. La Commission n’a pas présenté de copie de cette convention collective ni fait référence à une disposition de celle-ci relativement à l’obligation imposée par la politique de vaccination. Rien n’indique qu’il y ait eu une résolution entre l’employeur et l’équipe de négociation (le syndicat) indiquant que tout le monde avait accepté une nouvelle condition d’emploi essentielle qui leur avait été imposée.

[38] D’ailleurs, rien ne prouve qu’il existait une exigence expresse (explicite) selon laquelle la prestataire devait se soumettre à la vaccination contre la COVID-19, ou à tout autre type de vaccination ou de traitement médical que l’employeur pourrait exiger. La Commission n’a présenté aucun élément de preuve sous la forme d’un contrat de travail ou d’un protocole d’entente permettant de conclure qu’il y avait une obligation expresse. Rien n’indique que la prestataire a accepté d’être liée par une exigence de vaccination dans son contrat de travail, car rien ne prouve que son équipe de négociation a négocié avec l’employeur et accepté la politique de vaccination.

Y a-t-il une obligation résultant implicitement du contrat de travail de la prestataire?

[39] J’estime que la Commission n’a pas démontré l’existence d’une obligation résultant implicitement de la convention collective ou de tout autre contrat de travail de la prestataire, qui exigerait qu’elle accepte la vaccination.

[40] Une obligation implicite est quelque chose que l’on peut déduire d’un contrat de travail et qui englobe les cas dont on ne traite pas précisément (expressément). La Commission n’a présenté aucune preuve selon laquelle la prestataire était tenue, en fonction d’une exigence générale, d’accepter toute politique de l’employeur qui pouvait raisonnablement contenir une exigence de vaccination.

[41] L’obligation d’accepter un traitement médical pour conserver un emploi va bien au-delà de la simple exigence de respect des protocoles de santé et de sécurité. Ce n’est pas la même chose que de s’attendre à ce qu’une personne se lave les mains avant de manipuler des aliments ou porte un gilet de sécurité. Si l’on accepte qu’une personne risque d’être congédiée en ne respectant pas une politique de l’employeur exigeant un type de traitement médical, on accepte qu’une simple attente de conformité aux protocoles généraux de santé et de sécurité devienne une condition d’emploi essentielle.

Imposition d’une condition d’emploi essentielle

[42] Rien ne prouve que l’employeur a voulu négocier avec l’équipe de négociation, ou plus précisément avec la prestataire, pour modifier la convention collective et y ajouter une exigence de vaccination. Rien n’indique que la prestataire a accepté explicitement le changement ou a accepté de travailler selon la politique avant d’être congédiée.

[43] En fait, il est clair que la prestataire a été franche et honnête lorsqu’elle a contesté immédiatement la politique et exprimé son intention de ne pas se faire vacciner.

[44] Essentiellement, l’employeur a rouvert unilatéralement le contrat de travail de la prestataire et imposé une nouvelle condition essentielle d’emploi sans son consentement. Il s’agit d’une modification au contrat qui a établi une nouvelle exigence essentielle (vaccination ou exemption valide) pour garder un emploi.

[45] Dans ses observations, la Commission précise que [traduction] « Puisque la prestataire ne remplissait plus une condition d’emploi, l’employeur ne pouvait pas la maintenir en posteNote de bas de page 15 ». Manifestement, la Commission convient que l’obligation de se faire vacciner pour conserver son emploi est devenue une condition d’emploi de la prestataire.

[46] L’exigence de vaccination ou d’exemption valide n’était pas une condition d’emploi essentielle établie au moment de son embauche ni acceptée par la prestataire à un moment donné pendant son emploi, mais avant son congédiement. Par conséquent, on ne peut pas dire que son contrat de travail contenait une disposition établissant une obligation expresse ou implicite de se conformer à la politique de vaccination de l’employeurNote de bas de page 16.

[47] La Commission a soutenu que la seule existence d’une politique, à laquelle la prestataire ne s’est pas conformée, suffit pour démontrer un manquement à une obligation envers son employeur. La Commission appuie son affirmation en citant la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire « Lemire ».

[48] Je ne suis pas convaincu que les circonstances sur lesquelles les juges se sont fondés dans l’affaire « Lemire » correspondent à celles de la prestataire. Dans cette affaire, l’employé a vendu des cigarettes de contrebande sur son lieu de travail, en portant son uniforme, ce qui contrevenait à la politique de l’employeur. Même s’il n’est pas précisé que la politique existait au moment de son embauche, l’employé congédié a admis qu’il était au courant de la politique, et il est évident qu’il avait accepté de plein gré de travailler selon cette politique lorsqu’il s’est fait prendre. Autrement dit, la politique existait dans le cadre d’un contrat de travail que l’employé a accepté avant l’infraction ayant mené à son congédiement.

[49] De plus, il est évident que les juges de l’affaire « Lemire »ont fait référence aux dispositions de la convention collective de l’employé congédié pour examiner les questions entourant la sanction appliquée. De toute évidence, les juges ont profité de l’accès à cette convention collective lors de l’examen de l’affaireNote de bas de page 17.

[50] Dans le cas présent, il n’y avait pas de politique existante à laquelle la prestataire avait accepté d’être liée par le passé. La prestataire n’a pas non plus accepté la politique et travaillé selon les conditions de celle-ci pour la transgresser plus tard. Elle a exprimé son désaccord au sujet de la politique dès sa mise en œuvre et n’a jamais accepté d’être liée par celle-ci.

[51] Enfin, rien ne prouve l’existence de dispositions législatives provinciales ou fédérales exigeant que le personnel soit vacciné contre la COVID-19, ce qui a ensuite obligé l’employeur à appliquer les exigences de la loi et la prestataire à s’y conformer.

[52] Contrairement à ce qu’affirme la Commission, je suis convaincu que celle-ci ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe de démontrer que la prestataire a manqué à une obligation expresse ou implicite envers l’employeur lorsqu’elle a choisi de ne pas se faire vacciner ou de ne pas fournir d’exemption.

Autres éléments à l’appui d’une conclusion d’inconduite

[53] La Commission soutient que les agissements de la prestataire étaient délibérés en ce sens qu’ils étaient intentionnels et voulus lorsqu’elle a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur.

[54] De plus, la Commission soutient que la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa décision mènerait à son congédiement.

[55] Personne ne conteste le fait que la prestataire était au courant des exigences de la politique et des conséquences probables si elle ne s’y conformait pas. Elle admet que son choix était une décision personnelle fondée sur son état de santé individuel et sur son désir de la protéger.

[56] Toutefois, j’estime que ni son intention ni la connaissance des conséquences ne sont pertinentes. Il faut prouver les trois éléments ci-dessus tels qu’ils sont énoncés pour conclure à une inconduite.

[57] J’ai déjà conclu que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombe de prouver qu’il y a eu manquement à une obligation expresse ou implicite découlant du contrat de travail de la prestataire.

[58] Peu importe si le geste posé par la prestataire peut être qualifié de délibéré ou si elle savait que sa décision mènerait probablement à son congédiement; la Commission n’a pas prouvé qu’elle avait un devoir envers son employeur d’accepter la vaccination pour conserver son emploi. En fait, la prestataire avait parfaitement le droit de ne pas consentir à la demande unilatérale de l’employeur.

Politique illégale

[59] La prestataire dit que la politique de l’employeur est illégale et viole ses droits.

[60] Comme je l’ai mentionné plus haut, ce ne sont pas les agissements de l’employeur qui sont en cause. La question de savoir si la politique de l’employeur est légale ou non relève d’une autre instance. Ma compétence se limite à décider si les gestes posés par la prestataire constituent une inconduite qui justifie une exclusion du bénéfice des prestations d’assurance-emploi au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[61] Toutefois, comme c’est la façon d’agir de la prestataire qui est en cause, j’examinerai la question de la légalité du choix qu’elle a fait de ne pas se faire vacciner.

[62] La prestataire a clairement indiqué qu’elle ne défiait pas son employeur en choisissant de ne pas se faire vacciner, mais qu’elle exprimait simplement son intérêt à protéger sa santé. Elle affirme n’avoir rien fait de mal qui justifiait son congédiement.

[63] Comme je l’ai mentionné plus haut, aucune loi fédérale ou provinciale n’exige la vaccination contre la COVID-19. Par conséquent, puisqu’il n’y a aucune obligation légale fondée sur la loi, la vaccination est volontaire.

[64] La common law canadienne reconnaît depuis longtemps qu’une personne a le droit de contrôler les interventions sur son corpsNote de bas de page 18. Il revient à chaque personne de décider des traitements médicaux qu’elle accepteNote de bas de page 19.

[65] La common law confirme que la prestataire a un fondement juridique (un « droit ») pour ne pas accepter de traitement médical, y compris la vaccination. L’exercice de son droit de refus remet en question la conclusion selon laquelle sa façon d’agir s’apparente à quelque chose qui est « mal » ou qu’elle « n’aurait pas dû faire », délibérément ou non, et qui correspond à une inconduite et à une exclusion au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[66] La question des vaccins contre la COVID-19 et des refus ayant entraîné des congédiements est situation nouvelle. À l’heure actuelle, il n’existe pas de jurisprudence précise sur la question pour orienter la prise de décision.

[67] En effet, je n’ai pas pu trouver une seule affaire où une partie prestataire avait posé un geste permis selon la loi, et où l’on a tout de même conclu à l’inconduite simplement parce que le geste avait été jugé délibéré.

[68] En l’absence d’une décision de la Cour d’appel fédérale qui pourrait m’orienter sur la question, je suis persuadé que la prestataire a le droit d’accepter ou de refuser un traitement médical. Malgré le fait que son choix contredit la politique de son employeur et a mené à son congédiement, j’estime que l’exercice de ce « droit » ne peut pas être qualifié d’acte répréhensible ou de conduite indésirable qui mènerait à une conclusion d’une inconduite, et ainsi à l’exclusion au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

Somme toute, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[69] Selon mes conclusions précédentes, la prestataire n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[70] La Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve lui permettant de parvenir à une conclusion d’inconduite. Elle n’a pas démontré qu’il y a eu un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement de son contrat de travail.

[71] De plus, étant donné le droit reconnu par la common law de choisir d’accepter ou non un traitement médical, y compris la vaccination, la décision de la prestataire de refuser la vaccination est une explication raisonnable et acceptable, étayée par la loi, de sa non-conformité à la politique de vaccination de l’employeur. Il importe peu que le résultat ait été son congédiement, et il ne s’agit pas d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[72] La Commission n’a pas prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[73] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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