Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1625

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (421001) rendue le 6 mai 2021 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 mai 2022
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 30 mai 2022
Numéro de dossier : GE-21-926

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Décision

[1] L. M. est la prestataire dans la présente affaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rendu des décisions sur son admissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Compte tenu de ces décisions, la Commission demande à la prestataire de rembourser les prestations qu’elle a reçues. La prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la Commission a rendu ses décisions. Elle fait donc appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je dois rejeter l’appel de la prestataire. La loi donne à la Commission de très vastes pouvoirs lui permettant de vérifier l’admissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, même si elle a déjà versé les prestations. La Commission a utilisé son pouvoir d’examen de façon à respecter les délais prévus par la loi. De plus, la prestataire n’était pas capable de travailler, alors elle n’a pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] Cependant, je suggère fortement à la Commission de réexaminer la situation et de voir si elle peut annuler la dette de la prestataire.

Aperçu

[4] En février 2020, la prestataire a cessé de travailler en raison d’une blessure. Elle a touché des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant 15 semaines. Puis, en juin 2020, elle a communiqué avec la Commission pour demander des conseils. Elle n’était pas encore rétablie et ne pouvait pas reprendre le travail. La prestataire croyait suivre les conseils du personnel de la Commission lorsqu’elle a commencé à demander des prestations régulières d’assurance-emploi et à déclarer qu’elle était capable de travailler et disponible pour travailler. Elle a touché des prestations régulières d’assurance-emploi pendant de nombreuses semaines.

[5] En mars 2021, la Commission a vérifié son admissibilité aux prestations régulières d’assurance-emploi. Elle a décidé que la prestataire n’avait jamais été capable de travailler ni disponible pour travailler. La Commission lui a donc demandé de rembourser toutes les prestations régulières d’assurance-emploi qu’elle avait reçues.

[6] La prestataire convient qu’elle n’était pas capable de travailler. Cependant, elle affirme que la Commission n’a pas agi de façon judicieuse quand elle a décidé de faire un nouvel examen rétroactif de son admissibilité aux prestations régulières. Selon elle, c’est parce que la Commission n’a pas suivi sa propre politique de réexamen. Elle dit qu’elle suivait les conseils du personnel de la Commission lorsqu’elle déclarait être capable de travailler et disponible pour travailler.

[7] La Commission explique qu’elle a dû réexaminer de façon rétroactive l’admissibilité au bénéfice des prestations régulières parce que les déclarations que la prestataire remplissait toutes les deux semaines contenaient de faux renseignements. La Commission affirme que la prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’elle n’était pas capable de travailler. Ainsi, selon la Commission, la prestataire doit rembourser les prestations.

Questions en litige

[8] D’abord, je dois décider si la Commission avait le pouvoir de vérifier l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi de façon rétroactive, même après le versement des prestations.

[9] Si je décide que la loi donne ce pouvoir à la Commission, je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle était capable de travailler et ainsi admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi.

Analyse

La prestataire est crédible

[10] Avant de rendre une décision sur les questions en litige, je tiens à expliquer pourquoi je pense que la prestataire est crédible.

[11] La prestataire a toujours donné la même explication. Sa période de prestations a commencé peu de temps avant que la Commission introduise de nouvelles mesures temporaires de soutien du revenu dans les premiers jours de la pandémie de COVID-19. Elle a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi pendant 15 semaines. Puis, en juin 2020, elle a communiqué avec la Commission pour obtenir des conseils. La prestataire a toujours affirmé qu’elle avait clairement dit au personnel de la Commission qu’elle n’était pas encore rétablie et qu’elle ne pouvait pas retourner au travail pour le moment. Elle affirme que les personnes de la Commission avec qui elle a parlé lui ont dit de demander des prestations régulières et d’inscrire dans les déclarations qu’elle remplissait toutes les deux semaines qu’elle était disponible pour travailler. Elle croyait suivre leurs conseils lorsqu’à compter du 20 juin 2020, elle se déclarait disponible pour travailler dans ses demandes de prestations régulières d’assurance-emploi.

[12] Je pense qu’il est tout à fait plausible que le personnel de la Commission ait donné à la prestataire des conseils trompeurs. En juin 2020, le gouvernement venait de mettre en place bon nombre de mesures temporaires pour aider les personnes ne pouvant pas travailler. Les modalités de ces programmes étaient toutes différentes, et je pense qu’il était probablement difficile de donner à tout le personnel une formation complète expliquant les nuances entre les différents programmes de soutien du revenu. J’ai entendu plusieurs autres parties appelantes dans différents types d’appels qui ont aussi raconté avoir reçu des conseils contradictoires, déroutants ou erronés de la part du personnel de la Commission au printemps et à l’été 2020.

[13] Je crois donc la prestataire. Je la trouve crédible. Je crois que le personnel de la Commission lui a donné des conseils erronés sur la façon de demander des prestations après la fin de ses prestations de maladie de l’assurance-emploi. Je crois qu’elle suivait les conseils du personnel de la Commission lorsqu’elle a commencé à demander des prestations régulières d’assurance-emploi.

[14] Même si je juge la prestataire crédible, cela ne veut pas dire que je peux utiliser ce fait pour accueillir son appel. En effet, les renseignements erronés fournis par une personne employée par la Commission ne remplacent pas la loiNote de bas de page 1. On peut recevoir des prestations d’assurance-emploi seulement si la loi le permet.

[15] Cependant, je pense que la Commission devrait évaluer attentivement la possibilité d’annuler le trop-payé de la prestataire (prestations qu’elle a reçues en trop). En suivant les instructions du personnel de la Commission sur les demandes de prestations régulières d’assurance-emploi, la prestataire n’a pas pu faire les démarches appropriées pour trouver d’autres prestations qui auraient été mieux adaptées à sa situation. Et maintenant, il est peut-être trop tard pour qu’elle puisse demander ces autres prestations. Les renseignements erronés fournis par la Commission ont mis la prestataire dans une situation financière difficile et ont engendré une grosse dette qui lui causera des difficultés financières.

La Commission a-t-elle le pouvoir de vérifier l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi de façon rétroactive?

[16] Je juge que la loi donne à la Commission le pouvoir d’examiner de façon rétroactive l’admissibilité de la prestataire. Je juge aussi que la Commission a utilisé son pouvoir de réexamen de façon judicieuse parce qu’elle a respecté les délais prévus par la loi.

[17] La plupart des arguments de la prestataire portent sur cette question. Elle affirme que la loi donne à la Commission le pouvoir discrétionnaire de vérifier de façon rétroactive l’admissibilité d’une personne aux prestations d’assurance-emploi. Elle avance que la Commission n’était donc pas obligée de vérifier son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Elle affirme que, selon sa politique de réexamen, si la Commission commet une erreur, elle ne fera pas de nouvel examen rétroactif des décisions sur la disponibilité. Elle dit que les personnes de la Commission ont fait des erreurs parce qu’elles lui ont donné des conseils erronés. Ainsi, selon la prestataire, la Commission n’a pas suivi sa propre politique de réexamen parce qu’elle n’a pas versé de prestations.

[18] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme avoir utilisé l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi pour vérifier l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi. La Commission affirme qu’elle doit faire une telle vérification en cas de fausse déclaration, même si c’était une erreur de bonne foi. Elle explique que le dossier contient de fausses déclarations parce que la prestataire a déclaré qu’elle était capable de travailler alors qu’elle ne s’était pas encore rétablie.

[19] Je ne suis pas d’accord avec la Commission sur un point. L’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi donne à la Commission le pouvoir discrétionnaire de réexaminer l’admissibilité de façon rétroactive. Rien dans la loi ne prévoit que la Commission doit réexaminer rétroactivement l’admissibilité d’une personne au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La décision demeure discrétionnaireNote de bas de page 2.

[20] Cependant, je juge que la Commission a utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse. En effet, je ne peux pas la forcer à suivre sa politique de réexamen, parce que c’est une politique, et non une loi. Je peux seulement vérifier si la Commission a respecté la loi. Pour utiliser son pouvoir discrétionnaire de façon judicieuse dans la situation qui nous occupe, je conclus que la Commission doit seulement démontrer qu’elle a respecté les délais prévus par la loi.

[21] L’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi donne à la Commission des pouvoirs très vastes lui permettant de faire un nouvel examen de toute décision entourant les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 3. Pour démontrer qu’elle a utilisé ce pouvoir de façon judicieuse, la Commission doit respecter les délais prévus par la loi lorsqu’elle réexamine de façon rétroactive l’une ou l’autre de ses décisions. En général, la Commission a jusqu’à trois ans pour utiliser le pouvoir prévu à l’article 52 de la Loi pour réexaminer ses décisionsNote de bas de page 4. Puis, si la Commission a versé des prestations d’assurance-emploi à une personne qui n’était pas admissible à ce bénéfice, elle peut lui demander de les rembourserNote de bas de page 5.

[22] Dans la présente affaire, la Commission a versé des prestations régulières d’assurance-emploi à la prestataire à compter du 20 juin 2020. La Commission a commencé son réexamen de ces paiements le 4 mars 2021. Ce jour-là, au cours d’une conversation téléphonique, la Commission a informé la prestataire qu’elle vérifiait sa disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que la prestataire n’était pas disponible pour travailler et, dans une lettre datée du 11 mars 2021, elle l’a informée de sa décision. Le 13 mars 2021, la Commission a aussi envoyé un avis de dette à la prestataire.

[23] En conséquence, la preuve démontre que la Commission a utilisé son pouvoir pour vérifier de façon rétroactive l’admissibilité de la prestataire au bénéfice des prestations d’assurance-emploi d’une manière qui respecte la loi. La loi donne à la Commission le pouvoir de faire un nouvel examen rétroactif, et la Commission a suivi les lignes directrices et les délais prescrits par la loi lorsqu’elle a fait son examen rétroactif.

[24] J’ai déjà expliqué pourquoi je pense que la prestataire est crédible. Je conclus qu’elle a reçu des conseils erronés de la part du personnel de la Commission en ce qui concerne sa demande de prestations régulières d’assurance-emploi. Le trop-payé résulte directement de ces faux renseignements. Je juge qu’elle a toujours été honnête et coopérative avec la Commission. Je pense qu’en conséquence, la Commission devrait considérer attentivement les répercussions de sa décision et de la dette qu’elle laisse à la prestataire.

[25] Le pouvoir de réexaminer de façon rétroactive l’admissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-emploi est un pouvoir discrétionnaire. Ainsi, dans la présente affaire, la Commission n’avait pas à créer un trop-payé. Elle avait plutôt un choix discrétionnaire : vérifier l’admissibilité de la prestataire et créer un trop-payé ou ne pas le faire. Je demande donc à la Commission de voir s’il s’agissait d’un usage approprié de son pouvoir discrétionnaire.

[26] De plus, la loi donne à la Commission de vastes pouvoirs lui permettant d’annuler un trop-payé dans certaines situations, y compris lorsqu’il causerait un préjudice abusifNote de bas de page 6. Cette partie de la loi ne fixe aucun délai. Je demande donc à la Commission de voir si elle peut annuler la dette de la prestataire. Si la Commission refuse d’annuler sa dette, la prestataire peut demander à la Cour fédérale de réviser cette décision.

La prestataire était-elle capable de travailler?

[27] Je conclus que la prestataire n’a pas prouvé qu’elle était capable de travailler à compter du 20 juin 2020. Elle n’a pas été en mesure de travailler avant mars 2021.

[28] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, il faut prouver qu’on est capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 7. Pour démontrer qu’on est capable de travailler, il faut démontrer qu’on ne peut pas occuper son emploi habituel ni aucun autre emploi convenableNote de bas de page 8.

[29] La prestataire ne présente aucun argument sur cette question. Elle a toujours dit qu’elle n’était pas capable de travailler en juin 2020. Le 11 mars 2021, lors d’une conversation, elle a dit à la Commission qu’elle n’était pas encore capable de travailler à temps plein. À l’audience, elle a convenu qu’elle était incapable de travailler de juin 2020 jusqu’à son rétablissement. Elle a dit qu’elle s’était rétablie vers février ou mars 2021.

[30] Personne ne conteste ce fait. La Commission et la prestataire conviennent que celle-ci n’était pas capable de travailler de juin 2020 à mars 2021. Je n’ai pas assez d’information pour déterminer la date exacte de son rétablissement, mais je pense que c’était probablement après le 11 mars 2021, en raison de la conversation que la prestataire a eue avec la Commission ce jour-là.

[31] Je conclus donc que la prestataire n’était pas capable de travailler. En effet, elle n’a pas démontré qu’elle était capable d’occuper son emploi habituel ou tout autre type d’emploi. Elle n’a donc pas prouvé qu’elle était admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 20 juin 2020.

Conclusion

[32] Je dois rejeter l’appel de la prestataire. La Commission avait le pouvoir de vérifier son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi, même après le versement des prestations. La prestataire n’a pas prouvé qu’elle était admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 20 juin 2020 parce qu’elle n’était pas capable de travailler.

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