Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 198

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : C. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 12 janvier 2023
(GE-22-3689)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 février 2023
Numéro de dossier : AD-23-61

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu et il a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Il a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a établi que le prestataire avait été suspendu et qu’il avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Après une révision défavorable à son égard, le prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu et qu’il avait perdu son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a aussi jugé que le prestataire savait que l’employeur risquait de le suspendre et de le congédier dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire avait été suspendu puis congédié en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Le prestataire soutient que le fait de ne pas suivre une activité illégale ne peut pas être interprété comme une inconduite. Créer une politique illégale et congédier un membre du personnel pour son refus de s’y conformer est une erreur et une illégalité. Il déclare que le vaccin était expérimental et dangereux, et qu’il a été congédié de façon déguisée par son employeur. Il soutient que l’employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a décidé d’une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu une erreur révisable qui pourrait donner à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincue que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés, et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait donner à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que le fait de ne pas participer à une activité illégale ne peut pas être interprété comme une inconduite. Créer une politique illégale et congédier un membre du personnel pour son refus de s’y conformer est une erreur et une illégalité. Il soutient que le vaccin était expérimental et dangereux, et qu’il a été congédié de façon déguisée par son employeur. Il affirme que l’employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si celui-ci s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de telle sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension et son congédiement Note de bas de page 1.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu et congédié parce qu’il avait refusé de suivre la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. On ne lui a pas accordé d’exemption. Le refus du prestataire était intentionnel et donc délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension et de son congédiement.

[17] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner sa suspension et son congédiement. Elle a conclu de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2. On considère également comme une inconduite au sens de cette loi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une industrieNote de bas de page 3.

[19] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer la santé et la sécurité des membres de son personnel sur leur lieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi l’arrêté ministériel de Transports Canada pour mettre en œuvre sa politique sur la protection de la santé de tous les membres du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu et congédiéNote de bas de page 4.

[20] Le prestataire soutient que le vaccin était expérimental et dangereux. Toutefois, le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables. Se prononcer sur une question de santé publique dépasse de loin la portée de l’expertise du Tribunal en matière d’assurance-emploi.

[21] Le prestataire soutient également que la division générale a refusé d’exercer sa compétence sur les questions de savoir si l’employeur a enfreint son contrat de travail et sa convention collective, et si la politique de l’employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels.

[22] La question de savoir si l’employeur a violé le contrat de travail du prestataire et sa convention collective, ou si la politique a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’endroit approprié où le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demandeNote de bas de page 5.

[23] La Cour fédérale a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’une partie prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[24] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a fait valoir qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit d’être maître de sa propre intégrité physique et qu’on a porté atteinte à ses droits au titre du droit canadien et du droit internationalNote de bas de page 6.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, selon la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré qu’il existe d’autres façons dont les demandes du prestataire peuvent progresser adéquatement au sein du système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis précédente, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits au titre de la Loi sur les droits de la personne de l’Alberta. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance. Elle a déclaré qu’il existe des recours disponibles pour qu’une personne sanctionne le comportement d’un employeur sans que les coûts de ce comportement soient transférés au Régime d’assurance-emploi.

[27] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension et son congédiement.

[28] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, et que cela a entraîné sa suspension et son congédiement.

[29] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[30] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établieNote de bas de page 9. Cela ne change rien au fait qu’au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[31] Le prestataire dit qu’il a trouvé une décision de la division générale comme la sienne dans laquelle la personne a réussi à recevoir des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 10. Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas tenue de suivre les décisions de la division générale, mais qu’elle est tenue de suivre les décisions des tribunaux fédérauxNote de bas de page 11.

[32] De plus, les faits sont différents en ce sens que la convention collective du prestataire comportait des dispositions précises concernant le refus de toute vaccination. Le prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[33] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[34] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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